Publié le 8 juillet 2017 à 18h25 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 16h57
Leonardo Garcia Alarcon est-il la réincarnation de Francesco Cavalli? Après «Elena», «Eliogabalo» et «Il Giasone», cinq siècles plus tard, l’Argentin enchante les nuits festivalières aixoises avec «Erismena», ouvrage du compositeur vénitien créé en 1655. Et comme il en a la (bonne) habitude, il n’a laissé le soin à personne, excepté sa chef de chant Ariel Rychter, de remettre de l’ordre dans le matériel musical original arrivé jusqu’à nous, en écrivant l’orchestration, les cadences, les ornementations… Avec grande modestie, le maestro Leonardo s’efforce de rester très discret sur ce travail immense, se contentant, à juste titre, du triomphe venu saluer la première représentation d’Erismena au théâtre du Jeu de Paume, vendredi soir. Que dire, qu’écrire, à l’issue de cette représentation enchanteresse, véritable fabrique de bonheur et de sourires ?
Que cette musique divine a été servie, certes par le maestro, mais aussi par les onze instrumentistes réunis sous l’emblème de La Cappella Mediterranea, cette formation créée par Leonardo Garcia Alarcon pour l’accompagner dans ses randonnées baroques. Des instrumentistes qui, pour être jeunes, n’en sont pas moins reconnus comme virtuoses. De la couleur, de la chaleur dans cette interprétation toute de nuances et de précision.
Que la mise en scène de Jean Bellorini est d’une redoutable efficacité. Dans un espace pour le moins réduit, il utilise la totalité du volume mis à sa disposition en jouant sur les niveaux. Il donne de la fluidité à l’action, facilitant la compréhension d’un livret qui, à l’époque de Cavalli, était ni plus ni moins que l’équivalent d’une série télévisée d’aujourd’hui avec ses épisodes et ses rebondissements. Les lumières sont soignées et la féérie de la voûte céleste est sublime. Quant aux costumes signés par Macha Makeieff, ils sont explosifs de couleurs et d’originalité, nous rappelant que l’œuvre de Cavalli animait, à sa création, le carnaval de Venise et réjouissait le bon peuple en même temps que les aristocrates.
Que la distribution, majoritairement issue des rangs de l’Académie du festival de ces dernières années, est brillante, solide et joueuse. A commencer par Francesca Aspromonte, sublime dans le rôle-titre auquel elle confère sa densité de par son expression théâtrale subtile et sa voix somptueusement puissante, juste et envoûtante. Susanna Hurrell est une Aldimira mutine et coquine à souhait et Lea Desandre, dans le rôle de Flerida, est toute de fragilité, mais aussi d’espièglerie, avec sa voix de mezzo cristalline dans les aigus et bénéficiant d’une ligne de chant franche et agréable. Chez les garçons, l’extrême qualité est aussi au rendez-vous, depuis l’Orimeno d’Orlinski, puissant et sans faille, jusqu’à la prestation désopilante du monumental Stuart Jackson travesti en la nourrice Alcesta, en passant par les voix toujours très précises et franches, de Carlo Vistoli, Alexander Miminoshvili, Andrea Bonsignore, Jonathan Abernethy et Tai Oney.
Que dire et qu’écrire encore ? Sinon que sur cette route menant à l’Amour et à la Liberté, tous nous ont conviés à cheminer en leur compagnie et que ce fut un sacré bon moment ; pour nous le meilleur de cette édition 2017 du Festival d’Aix-en-Provence, qu’il ne faut pas hésiter une seconde et courir se procurer une place pour cette fête baroque vénitienne… Le bonheur est au bout du chemin.
Michel EGEA
Au Théâtre du Jeu de Paume, à 20 heures, les 9, 12, 15, 16, 18, 20 et 21 juillet. Réservations à La Boutique du Festival, Palais de l’Ancien Archevêché, Tél. 08 20 922 923 (12 cts/mn) festival-aix.com