Publié le 7 juillet 2022 à 11h30 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 19h20
La deuxième soirée au Festival d’Aix-en-Provence a réservé une belle surprise : la performance de la soprano franco-danoise Elsa Dreisig dans le rôle titre de l’ouvrage de Richard Strauss. Là où l’on a l’habitude d’entendre des divas accomplies au sommet de leur art, la jeune femme a fait merveille procurant au personnage une dimension peu connue.
Une Salomé juvénile, adolescente ou post-adolescente, c’est ce que désirait la metteuse en scène Andréa Breth pour ce personnage souvent, pour ne pas dire toujours, accompagné d’un parfum de soufre. Et pour l’incarner, le choix s’est porté sur Elsa Dreisig. Choix gagnant et succès énorme pour la jeune trentenaire dont on doutait quelque peu de la capacité à affronter ce rôle. Omniprésente scéniquement, elle donne une dimension lumineuse au personnage laissant ses sentiments s’exprimer avec puissance tout en conservant la fragilité de la jeune fille voulue par Andréa Breth. Vocalement elle est aussi délicate, ne forçant jamais sa voix, restant tout en maîtrise et en précision. Il est vrai que la metteuse en scène a ôté de son travail tout ce qui pouvait perturber cette interprétation, travaillant totalement sur la suggestion plutôt que sur un côté spectaculaire notamment pour la danse des sept voiles et la décapitation de Jean-Baptiste. Ce qui n’a cependant pas eu l’heur de satisfaire une partie du public. Aux côtés de la soprano, une distribution homogène et de grande tenue était chargée de palier les lacunes d’une mise en scène minimaliste toute tournée vers le rôle titre.
Dans la pénombre, Gabor Bretz essaye de donner du relief aux interventions prophétiques de Jochanaan, ce qu’il parvient à faire sans trop de problèmes. Le couple Hérode / Hérodiade est magistralement campé par John Daszak et Angela Denoke, le premier inquiétant de perversion et la deuxième malsaine à souhait, tous deux servis par leurs voix bien placées et puissantes. La Narraboth de Joel Prieto et le page incarné par Carolyn Sproule évoluent en toute discrétion et les cinq juifs emmenés par Léo Vermot-Desroche sont parfaits dans leur air qui peut très vite tourner à la cacophonie en cas d’absence de maîtrise.
Saluons aussi le travail du directeur musical Ingo Metzmacher qui, à la tête d’un excellent orchestre de Paris, dynamise la partition de Strauss sans tomber dans l’excès sonore, permettant ainsi à Elsa Dreisig de magnifier sa Salomé. Si, scéniquement, certains demeureront sur leur faim, et ce à juste titre, musicalement et vocalement cette production a le mérite d’exister et d’offrir une Salomé qui tranche avec ce qui était proposé jusqu’alors sur les scènes lyriques.
Michel EGEA
«Salomé» de Richard Strauss au Grand Théâtre de Provence; prochaines représentations les 9, 12, 16 et 19 juillet 2022. Diffusion en direct sur France Musique le mardi 12 juillet à partir de 20 heures. Plus d’info et réservations festival-aix.com