Comme tous les ans, c’est le concert de fin de session de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée qui tire (presque) le rideau sur l’édition du Festival d’Aix-en-Provence. Samedi soir, sous la direction d’Evan Rogister, la centaine d’instrumentistes venus de tout le bassin de la Mare Nostrum ont fêté les 40 ans d’existence de la formation devant une salle qui affichait complet.
La musique pour soigner les maux du monde… Et si c’était possible ? Pendant une quinzaine de jours la pratique musicale commune a eu pour vertu d’unir de jeunes musiciens méditerranéens, aux cultures et expériences différentes, autour d’un projet fédérateur qui fait disparaitre les frontières et peut atténuer les tensions. Et il nous plait de penser que le fait de terminer ce concert par la Symphonie dite « Du Nouveau Monde » de Dvorak était chargé de sens.
Une chose est certaine, la cohésion de l’orchestre pour livrer ce concert témoigne de la qualité du travail effectué et, notamment de l’indispensable écoute mutuelle sans laquelle aucune partition ne peut-être donné dans l’excellence. C’est un programme très américain sur lequel ont œuvré les musiciens et leurs encadrants avec l’ouverture de « Candide » de Bernstein, « Adoration », une pièce de Florence Price et la fameuse symphonie composée par Dvorak à New-York, le compositeur français invité étant Berlioz et sa « Cléopâtre », scène lyrique pour soprano et orchestre. Faut-il y voir une influence du nouveau directeur musical qui possède la double nationalité américaine et allemande ?
Le Nouveau Monde fougueux
Toujours est-il qu’Evan Rogister s’est emparé avec passion de ces partitions pour les partager idéalement avec les musiciens, mettant en valeur sans coup férir la chaleur des cordes, la puissance des cuivres, l’élégance des vents et la précision des percussions. Le directeur musical a même rajouté un cinquième mouvement à la symphonie du Nouveau Monde, demandant au public de ne pas applaudir entre l’œuvre de Florence Price et le début de la symphonie. Demande respectée et choix judicieux puisque cet enchainement a parfaitement fonctionné ; étonnant ! Bilal Alnemr, le jeune violoniste syrien accueilli il y a quelques années en pays d’Aix-en-Provence alors qu’il fuyait la guerre et qui mène désormais une belle carrière qui était invité à jouer « Adoration» en soliste, devant l’orchestre. Talent et présence symboliquement forte d’un jeune musicien désormais « citoyen du monde » qui dit souvent « Il faut changer les bruits de la guerre par un son, par une harmonie ». Suivait une symphonie du Nouveau Monde livrée avec fougue par l’orchestre et son chef tout comme l’ouverture de Bernstein qui ouvrait le programme. C’est la mezzo soprano norvégienne Astrid Nordstad qui fit mourir Cléopâtre avec puissance et précision, qualités qui ont fait oublier quelques petits défaut d’une diction française parfois délicate.
Couleurs et richesse du patrimoine musical méditerranéen
Mais désormais, le moment très attendu du concert est la présence sur les plateau des solistes compositrice et compositeurs interprètes qui jouent et chantent une œuvre originale composée et travaillée par tous en une semaine. Presque de l’improvisation et un grand bonheur à l’écoute de cette musique qui témoigne de la richesse et de la couleur du patrimoine méditerranéen. Un bon quart d’heure hors du temps, un plaisir immense et vivement l’année prochaine pour une autre proposition. Cette saison, Sarra Douik, Colin Heller, Matteo Nicolin, Oscar Viret et Hacene Zemrani composaient le quintet… Pour tous, la session n’est pas encore terminée puisque le 40e anniversaire de l’OJM se poursuit dans quelques jours en Angleterre.
Michel EGEA