Publié le 27 mai 2023 à 22h38 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 20h07
«La première prise n’est pas la meilleure. Il faut s’approcher peu à peu pour trouver la bonne, la tonalité dans les dialogues», confesse Nanni Moretti en conférence de presse. Il sait de quoi il parle puisqu’il incarne son double à l’écran en la personne du cinéaste Giovanni. Ce dernier tourne une fiction sur l’arrivée d’un cirque hongrois à Rome en 1956, accueilli par Ennio, le secrétaire de la cellule Antonio Gramsci, alors qu’au même moment, l’Union soviétique écrase dans le sang l’insurrection hongroise. L’occasion d’évoquer le tournant historique du Parti communiste italien mais pas que…
Un parti pris circassien mais…
«Vers un avenir radieu» (Il sol dell’avvenire) offre une mise en scène légère, circassienne. Avec des moments drôles enveloppés de chansons italiennes et parfois une note fellinienne. Mais elle masque le déphasage du réalisateur Giovanni (et de Nanni Moretti ?) avec son époque. Incompréhension face à l’inculture des jeunes générations qui ne connaissent rien du PCI (le Parti communiste italien qui a su rompre avec Moscou après le coup d’État à Budapest) et croient que le PC c’est uniquement l’Union soviétique.
Dénonciation des réalisateurs «qui s’en remettent docilement aux plateformes. Un film, le cinéma c’est sur grand écran et pas sur un smartphone», dénonce Nanni Moretti avant que son double ne s’insurge contre ces producteurs de Netflix qui s’étonnent de l’absence d’un moment « what the fuck » dans le film de Giovanni.
Un désastre existentiel
A ce déphasage avec son époque va se greffer un autre problème. Sa femme productrice, Paola (Margherita Buy), le quitte pour un jeune cinéaste après quarante ans de vie commune. Il ne reste plus à la fille de Giovanni qu’à épouser un ambassadeur polonais octogénaire et la coupe déborde. Bref, c’est un désastre existentiel auquel on assiste. Le monde tourne sans que le cinéaste n’arrive à avoir prise sur lui. Bientôt septuagénaire, Giovanni/Moretti accuse le coup mais sait garder une part du funambule qu’il a toujours été.
Reportage Joël BARCY envoyé spécial à Cannes