Publié le 11 juillet 2014 à 22h07 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h56
Le Festival de Marseille s’achève demain à 21heures au Silo avec l’avant-première à la création mondiale de l’étoile andalouse du flamenco contemporain Rocío Molina. L’occasion de dresser le bilan d’une 19e édition fortement impactée par le mouvement de contestation des intermittents du spectacle.
La 19e édition du Festival de Marseille, qui s’est ouverte le 19 juin dernier sur une représentation empêchée par un mouvement de grève,« a certainement été la plus mouvementée depuis sa création en 1996», indique la direction du Festival.
Sur les 24 représentations prévues seules 8 ont pu être jouées :
–Vertigo 20, première française de Noa Vertheim
-«Mirror and Music» de Saburo Teshigawara
-«Gods and Dogs» de Jiří Kylián ; «Postscript» de Sol León et Paul Lightfoot ; Cacti d’Alexander Ekman du NDT2
–Metric Dozen de Richard Siegal et Tamago de Leonard Eto et Yasuyuki Endo, deux créations mondiales du Ballet National de Marseille
–Diario de una crucifixión de Tino Fernández
–Bosque Ardora de Rocío Molina, avant-première à la création mondiale
«Un chiffre surprenant quand on sait, par exemple, que 80% des représentations du Festival voisin Montpellier Danse ont pu être données», est-il souligné
Dire que le Festival de Marseille a payé un lourd tribut à ce conflit est une évidence que rappelle sa directrice, Apolline Quintrand : « Pour moi, il fallait adosser les revendications légitimes des intermittents aux œuvres des artistes et à leur prise de parole particulièrement politique et engagée cette année. C’est à cet endroit que se situait l’acte le plus fort en termes d’engagement, de résistance, de fraternité.
Malgré l’’envie de jouer des artistes, toutes nos tentatives de dialogue se sont heurtées à l’inflexibilité d’une partie de nos salariés et de leurs appuis syndicaux qui ont, par exemple, violemment interdit au public d’accéder à un spectacle où se produisaient, avec une majorité de techniciens non-grévistes, de jeunes danseurs colombiens venus pour la première fois en Europe. Et que dire de la fin de non-recevoir qu’ont vécu les danseurs palestiniens ou sud-africains…».
Elle observe également que «le Festival de Marseille a été soumis à des pressions démesurées pour une association loi 1901 subventionnée, engagée artistiquement et qui, ces dix dernières années, a assuré plus de 70 000 heures de travail aux techniciens du Festival dans des conditions de sécurité et de respect intégral du droit du travail.»
Ces annulations, conséquences directes du mouvement de contestation des intermittents du spectacle, ont eu «des répercussions importantes» sur le contenu artistique du projet et sur les finances de la structure. Ont été particulièrement touchées :
-La billetterie : 5 000 places vendues sur les 15 000 initialement disponibles, «soit une perte de recette de 120 000€».
-La Charte culture : seules 800 places à 1€ sur les 2 000 disponibles «ont pu être attribuées au public des mairies de secteur signataires de la Charte culture du Festival qui garantit, grâce à un partenariat avec ARTE, l’accès à la Culture à des personnes en situations de précarité».
Et Apolline Quintrand de déplorer: «Ce sont près de 210 000 €, engagés en coproductions et cessions qui ont été investis à perte sur le budget du Festival qui s’élève à 1 800 000 € dont une grande partie provient de ses différentes tutelles : Ville de Marseille (1,330M€), Région Paca (120 000 €), Conseil Général 13
(50 000 €), Drac Paca (53 000 €), de divers partenariats (environ 50 000 €) et de ses recettes de billetterie (200 000 €)».
Par ailleurs, le Festival tient à rappeler que son budget technique s’élève à 285 000 € (location des lieux, équipement et salaires) «et que cette année 5 000 heures de travail pour les techniciens étaient prévues pour une équipe de 47 salariés».
Aujourd’hui le déficit prévisionnel de la 19e édition du Festival de Marseille est estimé entre 120 000 et 150 000 €. «Un bilan complet et définitif établi à la rentrée permettra d’envisager l’avenir du Festival dont la 20e édition se tiendra en juin-juillet 2015».
Pour la directrice du Festival de Marseille Apolline Quintrand :« Même si nos efforts de dialogue et nos propositions d’action n’ont pas été entendues cette année pour sauver cette édition, nous continuerons à ouvrir nos scènes à tous les publics en les invitant à découvrir des artistes qui font germer même dans des situations violentes des graines d’espoir, d’intelligence et d’échange.»
P.M.-C.
Rocío Molina en avant-première à la création mondiale Bosque Ardora ce samedi 12 juillet à 21h au Silo
Depuis son apparition à Séville à l’âge de 17 ans, cette surdouée, immédiatement saluée pour son duende sensuel et instinctif, dessine l’une des trajectoires les plus novatrices du flamenco. C’est d’ailleurs partout qu’elle cherche l’inspiration. Dans des lieux improbables : bords de Seine, galeries d’art, prison. En tentant des croisements inédits avec des hip-hoppeurs et des artistes multimédia. À l’image de cette création : un spectacle concertant dans lequel Rocío Molina, telle Artémis plongée au cœur d’une forêt chimérique, met ses pas dans ceux des poétesses de l’âge d’or, sur un sol qui transforme le son en pulsations électroniques. Un style qu’elle a su imposer malgré sa modernité grâce à sa manière «de fondre ingénuité et puissance, sensualité et profondeur.» Car, si Rocío Molina connaît toutes les références traditionnelles de son art, cette nouvelle pièce prouve une fois encore qu’elle n’a de cesse de les augmenter. Rocío Molina ? Baryshnikov s’est agenouillé devant elle après l’avoir vu danser.
Infos et réservations : 04 91 99 00 20 ou Festival de Marseille