Publié le 19 avril 2014 à 14h59 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h48
En une semaine, le Festival de Pâques nous aura permis d’entendre trois des symphonies les plus émouvantes jamais composées : la symphonie n° 6 de Tchaïkovski et les symphonies n°6 et n°9 de Gustav Mahler. Au soir du vendredi saint, c’est cette dernière qui était donnée au Grand Théâtre de Provence de façon intense par un grand orchestre philharmonique de Radio France dirigé par un Myung-Whun Chung hiératique et inondé de génie. Inoubliable.
Si la symphonie n°6 de Mahler s’achève sur les trois terribles coups de marteau annonciateur des drames que va vivre le compositeur, la 9e s’éteint sur les dernière notes d’un adagio beau à en pleurer. Dans la sérénité retrouvée, le cœur de Gustav s’arrête de battre et les cordes s’arrêtent de jouer. On ne sort pas indemne d’une telle audition; car au-delà de la musique, des vibrations puissantes sont perceptibles pour celui qui accepte d’en être le médium. Un peu comme les ondes telluriques qui peuvent être ressenties, çà et là, sur des lieux où l’histoire a laissé des traces.
Cette symphonie est l’ultime achevée de Mahler. Dans quel état physique et psychologique se trouve-t-il au moment de poser les notes sur la portée ? Dans sa cabane en plein mois d’août, toujours écrasé de douleur en pensant à sa défunte fille, éprouvé par son cœur défaillant, il est peut-être déjà ailleurs. Il écrira, en parlant du dernier mouvement : «On y trouve quelque chose que j’avais depuis longtemps en moi ».
Quelque chose de magnétique, de surnaturel ? Pourquoi pas ! Accablé, il va terminer sa composition comme on livre son dernier souffle, de façon apaisée, presque heureux de quitter les malheurs de ce monde. A noter, d’ailleurs, les similitudes avec la symphonie n° 6 de Tchaïkovski, construite sur le même modèle et qui se termine sur un somptueux adagio lamentoso où les cordes établissent l’ambiance sereine. Nous sommes bien loin de la tourmente du final de la symphonie n° 6 du même Mahler, cette « Pathétique » annonciatrice des tourments. De battre, le cœur du compositeur s’arrêtera en 1911. Créée en 1912 à Vienne, l’interprétation de sa symphonie restera à jamais virtuelle dans son esprit. Pour avoir eu le bonheur d’entendre cette œuvre à quelques reprises, il nous est permis d’écrire ici que l’interprétation de vendredi soir au GTP restera dans notre mémoire ainsi que dans celle de nombreux auditeurs. Par la qualité d’un orchestre de Radio-France, tout d’abord, aux cordes somptueuses, aux cuivres étincelants, aux bois rayonnants et aux percussions précises. De la qualité à tous les pupitres et une attention de tous les instants à l’endroit du directeur musical, Myung-Whun Chung. A 61 printemps, le Coréen, plus énigmatique que jamais, fuit presque la lumière de la célébrité. «Je suis trop jeune pour diriger cette symphonie », dit-il avec sérieux. Et lorsqu’on le félicite pour son travail, Myung-Whun Chung esquisse un sourire et déclare «je n’y suis pour rien, c’est le compositeur ».
En dix ans, les musiciens du philharmonique de Radio-France se sont habitués à l’étrange
façon de travailler de leur directeur musical. Il ne fait pas dans le spectaculaire; c’est plutôt du minimalisme gestuel mâtiné de retenue toute extrême-orientale. Mais que l’on ne s’y méprenne pas : un mouvement, un coup d’œil, et les violoncelles s’engagent, les cuivres tonnent. La partition de la symphonie, le maître l’a dans la tête.
Pendant une heure et vingt minutes, elle va défiler devant ses yeux. Et lui va la faire vivre de façon lumineuse avec le génie qu’on lui connaît. De la première à l’ultime mesure, tout est précis, fin ou puissant; velours des cordes, saillies des cuivres, on est dans l’exceptionnel. On y restera bien après que de jouer, l’orchestre se soit arrêté. Cette musique, hors du commun, peut inciter l’homme à l’introspection sereine…
Michel EGEA
Au programme du 20 avril
Gustavo Dudamel enfin à Aix
Le maestro vénézuelien arrive ici précédé par sa réputation. Il est, assurément, l’un des jeunes chefs d’orchestre les plus connus sur la planète. Pour sa première aixoise, à 20h30, le GTP sera plein comme un œuf. A la tête de l’Orchestre Symphonique de Göteborg, il dirigera Strauss, Mozart et Sibelius. Un grand écart musical qui devrait valoir la peine d’être vécu.
Si vous voulez y être, tentez toujours votre chance en appelant le 08 2013 2013.