Une journée au festival de Pâques. Pluvieuse, une fois n’est pas coutume. Alors que les places pour les derniers concerts continuent de se vendre au GTP, le double rendez-vous de mardi allait nous réserver quelques surprises. Dans les couloirs du théâtre du Jeu de Paume, le maître Barenboïm, Daniel, était là incognito. Pour écouter son fils Michael… Et un peu plus tard, sous les voûtes de l’église de Saint-Jean de Malte qui mérite d’être connue tant elle est belle, Bernard Foccroulle nous emmenait avec lui dans un bien fascinant voyage.
Même lorsqu’on s’appelle Michael Barenboïm, ça doit faire bizarre de se retrouver sur scène avec sa mère, la pianiste Elena Bashkirova, à sa gauche, et son père, le maestro Daniel, dans une loge à proximité du premier balcon. Du genre « si je me manque, qu’est-ce que je vais prendre…. ». A bientôt trente ans, la fessée n’est plus de rigueur, mais le violoniste est quand même rentré sur scène un peu stressé. Et, faut-il voir un lien de cause à effet, pour cette première Schubertiade du festival, nous l’avons trouvé très strict dans son jeu, rigide et tendu. Que ce soit aux côtés de sa mère, pour la fantaisie en do majeur pour violon et piano, qu’en compagnie de la violoncelliste Alisa Weilerstein et de Mme Bashkirova dans l’interprétation du trio pour piano et cordes n°1. Deux interprétations qui auraient mérité un peu plus de chaleur, d’émotion et d’engagement. Un mot sur l’Arpeggione qui ouvrait le concert pour souligner que ce fut un beau moment de musique, Elena Bashkirova et Alisa Weilerstein n’ayant aucun mal à trouver la complicité qui permettait une mise en valeur réciproque de la qualité de leur jeu et de la beauté des sonorités de leurs instruments.
Une paire d’heures plus tard, rendez-vous était fixé en l’église Saint-Jean de Malte pour un show surprenant. Un duo orgue et vidéo signé Bernard Foccroulle pour la partie musicale et Lynette Wallworth pour les images. « Darkness and light », l’obscurité et la lumière, c’est le titre du spectacle, mais aussi la thématique de ce voyage hors du commun que nous proposent d’accomplir les deux artistes. « Chacun y trouvera ce qu’il veut », dit volontiers l’organiste lorsqu’il en parle. Sous les voûtes séculaires de l’église, nous y avons trouvé les images d’un monde qui s’asphyxie, d’une terre à bout de souffle qui veut renaître de ses cendres, d’une nature fragile qui meurt peu à peu, de fantômes qui peuplent les eaux des marais lorsque l’irisation fait disparaître l’image des arbres et, pour terminer, cette route sans fin, entrevue au début. Où mène-t-elle ? Vers la vie ou vers l’ultime chaos ? C’est l’humanité elle-même qui en décidera en l’empruntant. Pour nous accompagner dans ce voyage et cette réflexion, Bernard Foccroulle a sélectionné et interprète magistralement quelques œuvres pour l’orgue, cet instrument où il excelle. Des compositions contemporaines (Hosokawa, Gubaidulina et l’une de ses propres partitions) modernes (Alain, Messiaen) ou plus anciennes (De Grigny, Bach et Buxtehude) qui viennent appuyer les images, parfois avec violence, parfois avec douceur, mais jamais de façon innocente. Ce qui est remarquable, c’est que ni la musique, ni l’image, ne servent de faire valoir l’une envers l’autre, mais que les deux forment un tout cohérent et ne pourraient être dissociées l’une de l’autre. Assurément le spectacle le plus étonnant de ce festival de Pâques de l’an II. Mais un vrai spectacle de festival, un ovni qui donne à voir, à entendre et… A méditer.
Michel EGEA
Au programme le 24 avril
Génération @ Aix et Martha Argerich
La troisième schubertiade est réservé à Génération @ Aix. Les jeunes et leurs aînés donnent Mendelssohn et Schubert au théâtre du Jeu de Paume en fin d’après-midi. En soirée, au GTP, c’est l’un des événements de cette édition du festival : Martha Argerich donne le concerto pour piano n°1 de Beethoven devant le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Emmanuel Krivine. Il reste peut-être encore quelques places… Pour le savoir, téléphonez au 08 2013 2013.