Publié le 25 avril 2014 à 12h58 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h49
C’est un moment d’histoire de la musique qui s’est écrit jeudi à Aix-en-Provence. Dans une salle du GTP archicomble pour se délecter du jeu de la grande pianiste Martha Argerich, à l’heure du bis les festivaliers ont eu droit à un rondo de Schubert à quatre mains, par Martha Argerich et… Daniel Barenboïm venu la rejoindre sur scène. Un Everest musical qui restera à jamais gravé dans l’histoire de ce jeune festival.
En football c’est un peu comme si on faisait jouer Maradona et Pelé dans la même équipe. L’union improbable de deux « monstres sacrés » pour inscrire un moment unique dans l’histoire. C’est ce qui s’est passé, jeudi à Aix-en-Provence. Pour la troisième fois dans leurs vies d’artistes, Martha Argerich et Daniel Barenboïm se sont retrouvés côte à côte pour offrir de la musique à leur public. Il faut croire que les souvenirs d’enfance reviennent en force chez eux… Le maestro se souvient parfaitement : « Nous avions sept ou huit ans, à Buenos Aires. Nous jouions souvent ensemble au piano, Martha et moi… » Depuis, ça s’est donc reproduit trois fois : à Carnegie Hall il y a une trentaine d’années, au staatsoper de Berlin il y a quelques jours (le 19 avril exactement) et jeudi soir au Grand Théâtre de Provence. Un duo pour l’éternité et seulement un grand millier de personnes qui pourront dire « j’y étais » !
Si elle est entrée en scène en trébuchant, cette petite péripétie n’a pas empêché Martha Argerich d’interpréter magistralement le concerto pour piano n°1 de Beethoven. Visiblement détendue et souriante, la dame à la chevelure léonine, a donné une leçon de piano. Le deuxième mouvement, le largo, fut un monument de piano. Martha Argerich y a détaillé toutes les notes, avec sensibilité et émotion, du grand art.
D’autant plus qu’elle n’a aucun mal, par ailleurs, à afficher une puissance bienvenue alliée à une vélocité hors-pair. Quel bonheur d’avoir vécu ce moment tantôt virtuose, tantôt délicat.
Cette partie de soliste, brillante, ne doit pas occulter la qualité du Chamber Orchestra of Europe, une Rolls Royce en la matière, qui était à ses côtés. Sous la direction inspirée d’Emmanuel Krivine, visiblement des plus heureux d’être en si bonne compagnie, l’ensemble a fait valoir ses superbes couleurs. Les cordes, toutes de velours, les cuivres droits et puissants, une petite harmonie somptueuse, qui obtiendra un succès bien mérité, nous ne sommes pas loin de la perfection. L’interprétation de l’ouverture d’Egmont, puis celle de la symphonie n° 8 de Dvorak l’a amplement prouvé.
Qu’écrire, enfin, sur ce bis monumental, le rondo en la majeur pour piano duo D 951 de Schubert donné par Martha Argerich et Daniel Barenboïm. C’était tellement inattendu, tellement improbable, tellement, tellement… Qu’il suffisait d’écouter respectueusement et de se dire que ce moment-là était unique et le demeurerait pour l’éternité. Donc il fallait en profiter. Ce que nous avons fait.
Quand Mendelssohn mange la truite
Cette journée « historique » avait débuté à 18 heures au théâtre du Jeu de Paume avec l’épisode III de la schubertiade, et « le » concert annuel de Génération@aix, ce concert qui unit les jeunes et moins jeunes instrumentistes. Au programme le quatuor pour piano et cordes en fa mineur, op. 2 de Mendelssohn et le quintette La Truite de Schubert. Pour servir ces œuvres, le quatuor était composé d’Alexandra Conunova-Dumortier au violon, Gérard Caussé à l’alto, Victor Julien-Laferrière au violoncelle et David Kadouch au piano, tous rejoints par Alois Posch à la contrebasse pour former le quintette. Si « la truite » était belle et savoureuse, c’est surtout le quatuor de Mendelssohn qui a retenu notre attention. Composée à l’âge de 14 ans, cette pièce est tout à fait remarquable de sensibilité et préfigure les grandes pièces à venir. Pour la donner, le quatuor mentionné plus haut a fait dans l’excellence donnant ainsi l’occasion, à la plupart des auditeurs, de découvrir cette œuvre de la meilleure des façons qui soit.
Une beau prélude à ce qui allait suivre…
Michel EGEA
Au programme le 26 avril
Ophélie Gaillard joue Bach, Renaud Capuçon joue sa carte blanche
A 12 heures, au théâtre du Jeu de Paume, Ophélie Gaillard joue les suites pour violoncelle seul n°1, 2 et 3 de Jean-Sébastien Bach. Un moment d’exception. Le soir au GTP, c’est la carte blanche à Renaud Capuçon avec une affiche exceptionnelle : Christian Tezlaff, Alina Pogstkina et James Ehnes au violon, Céline Frisch au clavecin, le Chamber orchestra of Europe pour Bach, Vivaldi et Strauss. On réserve par téléphone au 08 2013 2013.