Publié le 10 avril 2022 à 20h07 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 20h21
Concerto à la mémoire d’un ange, Requiem une semaine avant le vendredi saint, c’est un programme chargé qui était proposé pour ouvrir l’édition 2022 du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Et dès le lendemain, en forme de résurrection, grands espaces et romantisme étaient de sortie. Mort et résurrection pour débuter, quoi de plus normal en cette époque de l’année ainsi que pour un festival retrouvant son public après deux années de crise sanitaire.
«J’étais debout et j’écoutais le printemps»… Au cœur d’un Grand Théâtre de Provence archicomble, c’est un chant ukrainien donné par Barbara Hannigan, soprano et directrice musicale, qui a ouvert le festival. Une édition dédiée aux artistes et au peuple ukrainiens ainsi qu’aux artistes russes qui s’élèvent, lorsqu’ils le peuvent, contre la guerre. Ce concert inaugural proposait ensuite le concerto pour violon «à la mémoire d’un ange» d’Alban Berg, composé à la mémoire de Manon, la fille d’Alma Malher décédée à l’âge de 18 ans des suites de la polio, et le Requiem de Mozart dont on sait les mystères qui l’entourent.
Au terme de ce concert, et même si la salle a largement applaudi, nous étions nombreux a être envahis par un sentiment mitigé. Au-delà du respect de la partition, de la qualité de l’Orchestre Philharmonique et du Chœur de Radio France, de la présence d’un quatuor vocal d’où la soprano Johanna Wallroth a émergé, difficile, en effet, de trouver l’émotion dans une interprétation assez linéaire du Requiem. Entre autres preuves de ce sentiment ces applaudissements évoqués plus haut qui ont débuté alors que la directrice musicale avait encore les bras levés ; en règle générale, après la dernière note, il y a un temps de silence, une respiration, quelques seconde avant de retourner à des préoccupations triviales… Bref ce Requiem ne nous a pas plongés dans des abîmes extatiques. La direction ferme et mécanique de Barbara Hannigan y est peut-être pour quelque chose. Une direction qui, à notre sens, était beaucoup plus efficace en première partie pour le concerto d’Alban Berg auquel la canadienne a su donner toute sa puissance, mais aussi son humanité bouleversante, avec l’appui d’un orchestre précis, à l’interprétation tendue et aux sonorités denses. Et avec l’omniprésence du soliste, l’excellent violoniste Christian Tetzlaff, faisant planer avec délicatesse sur ce moment musical l’âme d’une jeune fille…
Capuçon magnifique, Bringuier magique : la résurrection
Le deuxième rendez-vous festivalier, samedi soir, proposait un changement radical d’atmosphère entre les mêmes murs que la veille. La Moldau de Smetana, le concerto n°1 pour violon et orchestre de Bruch et la 5e Symphonie de Tchaïkovski convoquaient le lyrisme et le romantisme pour le plus grand bonheur de tous. Un niçois à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice en la personne de Lionel Bringuier, et Renaud Capuçon en soliste étaient les artisans de la soirée.
Choisissez un excellent chef, offrez lui un orchestre de qualité et vous obtiendrez un beau voyage romantique. Voyage débuté sur les rives de la Moldau avec une vraie atmosphère et des couleurs superbes livrées par des cordes soyeuses et des vents très présents. Le tout sous la baguette dynamique mais jamais contraignante de Lionel Bringuier, le jeune chef détaillant avec suavité la course de l’eau dans la rivière. La nature vivante signée Smetana et magnifiée par les Niçois. Du dynamisme, de la précision et des couleurs, il y en avait aussi pour le concerto pour violon et orchestre n°1 de Max Bruch. Et il en fallait pour accompagner un Renaud Capuçon totalement investit dans son interprétation ; une réelle performance avec des sonorités lumineuses et un lyrisme extrême.
N’en déplaise à certains, Renaud Capuçon reste assurément l’un des maîtres de l’instrument en ce bas monde. Bringuier magique, Capuçon magnifique, un orchestre au diapason : les clés d’un beau succès renforcé par une Symphonie n° 5 de Tchaïkovski dense et sombre de part et d’autre de la valse qui arrive comme une respiration. L’occasion pour le directeur musical de profiter une fois de plus de la précision et de la palette d’un orchestre limpide à tous les pupitres avec une mention aux cuivres et, en particulier, aux cors. Un très beau moment festivalier.
Michel EGEA
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