Au lendemain d’une « Passion selon Saint-Matthieu » qui n’a pas marqué les annales du Festival, le Grand Théâtre de Provence retrouvait un orchestre en grand effectif, en l’occurrence celui de la Suisse Romande, pour Ogonek, Richard Strauss et Prokofiev, sous la direction musicale de la Hongkongaise Elim Chan avec Renaud Capuçon en soliste.

C’est avec trois petites danses extraites de la suite « All these Lighted Things », créée en 2017, de la compositrice américaine Elizabeth Ogonek, que la maestra avait décidé d’ouvrir ce concert. Une belle découverte, en vérité, d’une composition soignée, harmonieuse et emplies de ces « petites choses » qui nuancent délicatement les danses.
L’occasion pour les musiciens suisses de faire briller d’entrée de jeu leurs qualités et leur précision et à Elim Chan d’affirmer sa science de la direction qui allait trouver sa plénitudes tout au long de ce qui allait suivre.
De Richard Strauss, Renaud Capuçon avait choisi de donner le concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op.8, composé à l’âge de 18 ans par celui à qui l’on doit, entre autres, « Ainsi Parlait Zarathoustra », « Une Symphonie Alpestre » ou encore « Le Chevalier à la rose », « Mort et Transfiguration »… Autant de chefs-d’œuvre dont des bribes de racines pointent rarement ici entre la langueurs romantiques, une rigueur de composition et les éléments de la nature qui sont très présents. On sait que ces œuvres de jeunesse, ne furent guère appréciées, plus tard, par leur auteur mais, il est intéressant de les entendre. Renaud Capuçon s’empare sans faillir de cette partition qui ne ménage pas l’engagement du soliste. Idéalement accompagné par les musiciens de l’O.S.R. et leur directrice musicale, tous particulièrement attentifs à son jeu, Capuçon libère la juvénilité et le romantisme de l’ouvrage, traits assurés et toutes couleurs et nuances dehors.
Prokofiev magnifié
Après l’entracte, c’est par le génie d’un petit bout de femme, à peine trentenaire, que le concert tombait dans l’exceptionnel avec des extraits des « Suites du ballet Roméo et Juliette » de Prokofiev. Sans baguette, mais avec un engagement corporel total, la jeune directrice musicale nous fait entrer d’emblée au cœur de l’action avec une « Danse des chevaliers » d’une grande puissance, les pas des Montaigus et Capulets chargés de lourdes armures et les accents du drame inéluctable en arrière plan. La suite ira crescendo, Elim Chan prenant littéralement à bras le corps les cordes pour les rendre vivantes, assénant à grands coups de main droite les tremblements de la grosse caisse, éveillant délicatement du bout des doigts toutes les nuances des bois. Autant dire qu’avec cette direction hors du commun, les musiciens romands ne pouvaient qu’être au diapason; ils le furent à tous les pupitres avec précision, efficacité et classe. Assurément l’un des grands moments de cette édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence.
Michel EGEA
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