Les soirées se succèdent au Festival de Pâques aixois et la qualité est l’une de leurs constantes. Mercredi Lea Desandre et l’ensemble Jupiter dirigé par Thomas Dunford ont donné un pétillant concert consacré à Haendel et le lendemain, c’est un bijou polyphonique que proposait Emiliano Gonzalez Toro en compagnie de sa « tribu » avec « Les Vêpres de la Bienheureuse Vierge » de Monteverdi.

Lea Desandre affectionne particulièrement Aix-en-Provence; elle se souvient que c’est l’un des points d’ancrage du début de sa carrière lorsqu’elle se produisit au Festival estival en 2016 dans « Zoroastre » de Rameau sous la direction de Raphaël Pichon puis l’année suivante dans « Erismena », Leonardo Garcia Alarcon étant directeur musical… Festival qu’elle retrouvera en 2021 en incarnant Cherubin puis en 2024 en étant Timna du Samson de Rameau. 2021 la vit aussi se produire à deux reprises au Festival de Pâques. Autant dire que des liens se sont tissés au fil des ans et que sa venue aux côtés de Thomas Dunford et des « membres-amis » de l’ensemble Jupiter était très attendue. D’autant plus que le concert Haendel proposé, dans la lignée de leur CD « Eternal Heaven » regroupait de nouveaux airs et pièces instrumentales du compositeur.
On ne peut pas dire que le Grand Théâtre de Provence fut l’endroit rêvé pour donner ce concert. Apprivoiser l’acoustique du lieu n’est pas aisé, surtout pour un ensemble baroque de sept instrumentistes qui n’a matériellement pas eu le temps de s’y adapter. On eut aimé un peu plus d’intimité mais ne boudons pas notre plaisir d’avoir pu retrouver et la qualité de l’ensemble Jupiter et le timbre limpide et coloré de Léa Desandre.
En maître de cérémonie, Thomas Dunford excelle dans la présentation des interventions vocales et instrumentales toutes liées à Haendel. Une bonne chose, à notre avis, que cette communication qui permet au public d’être associé totalement au concert. Léa Desandre use avec aisance de sa palette vocale et ne se laisse pas impressionner par cette salle qu’elle connaît parfaitement. Mieux, même, elle use de sa décontraction naturelle n’hésitant pas, avec un large sourire, d’ôter ses chaussures sur scène pour donner les airs les plus endiablés du programme. L’ensemble Jupiter excelle et, pouvait-il en être autrement, gratifie son public d’une sarabande « à la Barry Lindon » qui fait l’unanimité avant de donner un bis « pop » témoignant de cet état d’esprit rigoureux mais joyeux qui anime les interprètes.
Bijou polyphonique
Mercredi soir, la grande salle aixoise abritait un temps festivalier très fort avec Emiliano Gonzalez Toro et les instrumentistes et choristes de l’Ensemble I Gemelli. A leur programme les « Vêpres de la Vierge » de Monteverdi. D’entrée de jeu la voix d’Emiliano Gonzalez Toro capture l’attention pour ne plus la relâcher. Le ténor, depuis une position centrale, face aux musiciens et à la salle, réalise une nouvelle fois une performance artistique de haut niveau, avec son attention requise par les voix et les instruments qui l’entourent, et qu’il doit diriger, mais aussi par sa propre partition vocale qui est comme une colonne vertébrale de l’ouvrage ; une nouvelle fois, tout fonctionne à la perfection.
Les polyphonies « monteverdiennes » prennent ici du corps et du relief idéalement servies qu’elles sont par un chœur « à géométrie variable » et en mobilité permanente à l’instar de l’âme et des complexités d’un mouvement d’horlogerie qui fait tourner les aiguilles de la vie ; cette scénographie si particulière, étant l’œuvre de Mathilde Etienne. Du souffle, de la modernité bienvenue : tout est juste dans cette production bénéficiant aussi d’instrumentistes totalement engagés dans la démarche avec un continuo soutenu, voire guidé, par une harpe omniprésente, des cordes soyeuses et des vents totalement maitrisés.
Difficile de ne pas jubiler à l’écoute de ce bijou polyphonique, ode joyeux à la bienheureuse vierge, on ne peut mieux servi par une vraie « famille musicale » unie autour d’une écoute mutuelle qui permet de conférer sa pleine dimension à cette œuvre majuscule de l’histoire de la musique.
Michel EGEA
Renseignements et réservations : festivalpaques.com