Pour qui aimait la musique, il faisait bon être proche de la noblesse à l’aube du 18e siècle. Pour les compositeurs aussi, en général. Ainsi, en 1708, le Marquis Francesco Maria Ruspoli commandait une « Passion » à Domenico Scarlatti pour le Vendredi Saint et une «Résurrection» à Georg Friedrich Haendel pour célébrer le jour de Pâques ! Excusez du peu. Il est vrai que le Marquis voulait ainsi confirmer son allégeance au Pape Clément XI qui n’y fut pas insensible l’élevant, entre autre faveur, au rang de Prince l’année suivante.
Quoiqu’il en soit, assister à la création de ces œuvres signées de deux des meilleurs compositeurs du moment, et ce à 78 heures d’intervalle dans les salons du Marquis Ruspoli, ça mériterait bien un grand voyage de trois siècles et des poussières vers le passé ! La machine à remonter le temps étant hors service, c’est le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence qui se charge, cette année, de proposer quelques grandes pages de musique spirituelle enchaînant « La Résurrection » et « Le Messie » de Haendel, la « Passion selon Saint-Jean » et la « Messe en si mineur » de Bach ainsi que la «Missa Solemnis » de Beethoven, jusqu’au 6 avril. Pas mal aussi… Les salons du Marquis en moins !
Au Grand Théâtre de Provence, ce sont Marc Minkowski, les Musiciens du Louvre et un quintette vocal de haute tenue qui ont ouvert la série avec «La Résurrection » de Haendel. On l’aura lu plus haut, l’œuvre a été composée pour la célébration de Pâques à Rome en 1708. Cet oratorio de forme opératique ne connaîtra pas la popularité d’autres œuvres de Haendel car il était fort délicat, voire impossible, de donner ce livret « très catholique » de l’autre côté « très protestant » de la Manche où vivait le compositeur. Il n’en demeure pas moins attrayant, avec une forme récitatifs/arias qui, du vendredi saint au jour de Pâques conte la passion et la résurrection par le biais des interventions de l’ange (puissante Caroline Jestaedt), de Marie-Madeleine (énamourée Ana Maria Labin), de Marie de Cléophas ( lumineuse Astrid Nordstad), de Saint-Jean (rayonnant James Way) et de Lucifer (sombre James Platt). Pas de chœur formel pour cette œuvre, seulement deux tutti des solistes venant clore chacune des parties de l’œuvre.
Élégance et spiritualité ont présidé a une interprétation plus que soignée par Marc Minkowski qui, ne se contentant pas d’une direction intelligente et chargée de sens, s’est aussi penché sur l’acoustique n’hésitant pas à travailler les sons et les effets en déplaçant chanteurs et instrumentistes afin d’obtenir le meilleur équilibre possible. Équilibre, mais aussi couleurs, émotion et passion chez les Musiciens du Louvre qui affectionnent particulièrement ce répertoire et répondent sans peine aux sollicitations de leur directeur. Ça sonne merveilleusement bien avec un point d’orgue en début de deuxième partie constitué par l’accompagnement de l’air de Jean « Ecco il sol ch’esce dal mar » qui fait s’élever la musique et nous par la même occasion vers le bonheur de l’audition. De plus, Marc Minkowski a eu la bonne idée de donner l’oratorio d’un seul trait, ce qui permet une grande cohérence et la mise en perspective immédiate des deux parties complémentaires. Pour beaucoup, cette « Résurrection » fut une découverte enrichissante et appréciée.
Michel EGEA
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