« Eh Bien ! tu reconnaîtras que si on lui renvoyait ses bretelles par la poste, c’est apparemment qu’il les avait oubliées quelque part. » Cette réplique célèbre de « La puce à l’oreille » de Georges Feydeau lancée par une certaine Raymonde Chandebise, soupçonnant alors son mari d’adultère, résume assez bien l’esprit de cette comédie, où, comme toujours chez l’auteur, les portes claquent, les placards s’ouvrent sur des tissus de mensonges et de quiproquos, où l’on court d’un endroit à l’autre.
Pièce en trois actes représentée pour la première fois à Paris, le 2 avril 1907 au théâtre des Nouveautés, cette œuvre hilarante démarre sur un fort doute de tromperie conjugale. Rassemblant tous les ingrédients qui ont fait la réputation du maître du vaudeville : situations burlesques et quiproquos enchâssés auxquels s’ajoute le thème du sosie, « La puce à l’oreille», comme l’a écrit un critique de l’époque c’est « un feu d’artifice allumé au-dessus d’une fourmilière». L’objet principal de la confusion à venir est un colis ouvert « par mégarde » par l’épouse de M. Chandebise : des bretelles envoyées depuis l’hôtel du Minet-Galant. Piquée, Raymonde se persuade qu’elle est trompée. Elle fait appel à son amie Lucienne pour rédiger une missive donnant rendez-vous à son époux dans ce même hôtel. Bien mal en a pris à la complice car la lettre écrite de sa main tombe dans celles de son propre mari, qui se pense à son tour outragé… Tous se retrouveront au Minet-Galant où le garçon de l’hôtel, Poche, est un sosie du mari de Raymonde. Un résumé qui tient dans la main mais qui va donner naissance à une série de scènes burlesques, inattendues, pour le plus grand bonheur du spectateur.
Foire d’empoigne généralisée
Construite en deux temps la pièce se présente dans la dernière partie comme une foire d’empoigne généralisée. Et Lilo Baur dont nous venons de voir au Jeu de Paume le travail d’orfèvre sur Une journée particulière, drame joué par Roschdy Zem et Laetitia Casta nous fait hurler de rire. Ayant choisi dans un décor « plus kitsch que ça tu meurs » totalement voulu et assumé de transposer l’intrigue de la pièce à l’intérieur d’une station de ski courant années 1960, elle orchestre au cordeau la troupe de la Comédie-Française qui viendra donc présenter « La puce à l’oreille » au GTP du 15 au 17 mars. C’est Feydeau à la montagne, avec entre autres, un assureur qui n’assure plus rien du tout, un touriste américain qui se demande où il est tombé, un toubib bien décidé à en découdre, des domestiques molestés et molesteurs, le tout dans une distribution éblouissante. Serge Bagdassarian irrésistible dans le double rôle de Chandebise et Poche, Jérémy Lopez impayable dans la peau de Carlos Homénidès de Histangua, Sébastien Pouderoux, explosif dans celui de Romain Tournel, Cécile Brune et Anne Cervinka copines d’infortune, s’en donnent à cœur joie. Il est à noter que Jean Chevalier, le Camille Chantebise souffrant d’un trouble du langage l’empêchant de prononcer les voyelles, est remplacé en tournée dans ce moment aixois par Clément Hervieu-Léger, tout à fait exceptionnel lui aussi. C’est caviar et Champagne à toutes les répliques, à toutes les scènes. C’est Feydeau, Lilo Baur et la Comédie-Française qui régalent.
Jean-Rémi BARLAND
« La puce à l’oreille » de Feydeau au GTP d’Aix-en-Provence – Mise en scène de Lilo Baur. Les 15 et 16 mars à 20heures et le dimanche 17 mars à 15 heures . Plus d’info et réservations sur lestheatres.net