Publié le 22 novembre 2014 à 21h05 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h25
On ne peut s’empêcher, à regarder l’espace méditerranéen, d’y voir les mêmes problèmes alimentaires présents ou à venir que partout ailleurs dans le reste du monde : comment allons-nous nourrir une population croissante avec de moins en moins de ressources et de plus en plus de filières agricoles (nationales) déficientes? Ici encore solidarité, mise en commun de moyens et de productions, coopération seront l’avenir …
La Méditerranéenne, dans son ensemble, n’échappe (et n’échappera) pas aux gesticulations politiques et économiques mais c’est la dimension géopolitique et humaine qu’il conviendra de prendre en compte. Et c’est sûrement de l’agriculture, ou plutôt des multiples spécificités agricoles de tous les pays du bassin méditerranéen, avec leurs dimensions environnementales et comportementales, que viendra la solution alors même que le nombre de mal nourris ne cessent d’y augmenter. Bien sûr des écarts de richesse créant des disparités importantes existent entre les pays méditerranéens : ainsi la rive nord consomme plus de produits carnés, laitiers et de sucres, délaissant des plats traditionnels réclamant plus de préparation (temps de cuisine) et de fraîcheur des produits tandis que la rive sud, urbaine du moins, cède aux chants des sirènes des fast-foods et de la grande distribution.
Pour autant, l’importance de l’alimentation et le plaisir de la table érigés ici comme un art de vivre, témoignent d’une spécificité interculturelle propre à la région. Il s’agit d’une réalité tenace et typique de la Méditerranée, d’une caractéristique commune aux rives nord et sud s’inscrivant depuis les modes de productions agricoles et d’élevage jusque dans les assiettes, embrassant espaces géographiques, pratiques cultuelles et culturelles.
Du contexte économique difficile et insécuritaire, apparaissent des signes d’alerte gustatifs et qualitatifs grandissant (un des exemples les plus frappants est l’abandon de l’utilisation de l’huile d’olive vierge au profit d’huiles végétales industrielles) et force est de constater l’aggravation du phénomène de malbouffe et pire encore de malnutrition dans des pays méditerranéens. Ici aussi l’accès aux produits de qualité et favorables à une bonne santé est devenu difficile et aucun pays ne semble épargné même si les niveaux de vie y sont inégaux. Pourtant tous regorgent de modèles de productions et d’acteurs soucieux de préserver économie et bien-vivre, tendant à défendre (ou retrouver) une agriculture, viticulture et mode d’élevage réfléchis pour les générations futures.
La richesse des produits cultivés régionalement, inscrits dans des traditions culinaires parfois millénaires, associée à une volonté de préserver agriculture et santé mais aussi patrimoine et culture, devrait protéger et même donner un nouvel essor à un « régime méditerranéen » multiple, porteur de solutions économiques et humaines devenues incontournables.
La Méditerranée a toujours fait preuve de ressources et de pratiques ingénieuses, son ancrage dans l’histoire et la territorialité lui ont souvent apporté sagesse et équilibre jusque dans ses pratiques alimentaires et culinaires, donnant un style unique à la fameuse « diète méditerranéenne » inscrite depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco (1). «Nous ne nous asseyons pas à la table pour manger mais pour manger ensemble», disait Plutarque au 1er siècle. Voilà toute la particularité identitaire de la Méditerranée que nous devons préserver !
Mireille SANCHEZ
(1) inscrite le 16 novembre 2010, elle concernait alors quatre communautés : Cilento (Italie), Coron (Grèce), Soria (Espagne) et Chefchaouen (Maroc). En 2013, trois pays ont été ajoutés par l’Unesco : Chypre, Croatie et Portugal.