Publié le 15 septembre 2020 à 17h12 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h13
Se servir de l’évaluation de la recherche, à bon escient, en mêlant les neurosciences à l’Intelligence Artificielle (IA) pour détecter plus tôt et moins cher, chez les enfants de 6 à 15 ans, des dysfonctionnements cognitifs et troubles de l’attention. Et ce pour pouvoir aider les parents à impulser plus vite les bonnes stratégies afin d’y remédier. «Crocos-Go-Digital», startup qui a poussé il y a deux ans depuis l’Incubateur de la Belle-de-Mai, à Marseille, est pionnière dans le monde sur ce créneau. Avec la volonté affichée de démocratiser cette détection automatisée pour faciliter les échanges entre parents, enseignants, mondes médical, universitaire…
A l’occasion de l’inauguration de sa nouvelle boutique-atelier à deux pas du Vieux-Port, le jeudi 27 août 2020, les responsables de l’entreprise ont fait le point sur leurs derniers tests menés pour accélérer et développer leur projet. Et si, à l’avenir, l’Éducation nationale et ses écoles devaient jouer le jeu, une véritable révolution pourrait être en marche. «J’ai moi-même connu la situation avec mon fils. Pour me poser pas mal de questions, comme beaucoup de parents, avec une principale qui revenait sans cesse : mais pourquoi mon enfant ne comprend pas quand je fais des devoirs avec lui ?», raconte Vincent Berge qui est aujourd’hui à la tête de «Crocos-Go-Digital». Une réflexion est ainsi menée précisément pour aider le plus grand nombre de parents, les prochaines années, à plus vite se rendre compte des problèmes cognitifs rencontrées par leurs enfants. «A partir de 6 ans, un enfant apprend à lire, écrire, et tout son cerveau se met en place», explique-t-il, «mais certains peuvent aussi décrocher plus tard en primaire, puis au moment de la puberté, entre 13 et 16 ans. Notre idée est d’impulser tout au long du parcours scolaire une remédiation et un suivi régulier. Nous pensons qu’avec nos outils, on peut se rendre compte qu’un enfant peut être dyslexique, et autre chose à côté. On sait de plus en plus qu’il y a rarement qu’un seul facteur qui est présent pour expliquer des troubles cognitifs chez les enfants. Il y a le plus souvent deux ou trois facteurs présents chez un même enfant. Notre but, pour mieux comprendre notre démarche, est de trouver en 40 minutes les autres pathologies. Alors qu’il faut habituellement plusieurs rendez-vous et un bon millier d’euros pour y arriver. Nous, avec un seul rendez-vous, et pour une centaine d’euros, on entend aller au plus précis.» La belle ambition de démocratisation est lancée. La finalité est de développer le plus vite possible dans plusieurs écoles et collèges de telles solutions de détection, avec la priorité de «rentrer dans les établissements scolaires des quartiers sensibles.»
Différentes activités de programmation digitale menées sur plusieurs tablettes, robots, drones, proposées aux enfants
Quelle est la clé de la démarche ? Des espaces de «boutiques-ateliers» proposant des tests neuropsychologiques pour stimuler en même temps les fonctions cognitives des enfants, comme l’attention et l’inhibition. De quelle manière ? Avec différentes activités de programmation digitale menées sur plusieurs tablettes, robots, drones. Les comportements des enfants sont ensuite analysés en combinant différents critères: mouvements des yeux, de la main, émotions du visage, compréhension auditive, temps passé, justesse des réponses… L’addition permet de quantifier et classifier les comportements cognitifs, grâce à des moteurs d’intelligence artificielle. «Ces activités permettent d’améliorer significativement les capacités de concentration et d’apprentissage des enfants qui ont des troubles d’apprentissage, y compris les enfants précoces», ajoute Vincent Berge qui précise encore : «Grâce à cette approche ludique, les enfants s’investissent avec motivation, en évoluant à leur rythme et en relevant de façon la plus autonome possible chaque défi.» Pour encore mieux comprendre, les troubles cognitifs désignent l’ensemble des «troubles neurodéveloppementaux» : langage, calculs, logique, planification… caractérisés par les troubles de l’attention. L’ensemble des troubles de l’apprentissage cognitifs sont très divers, mais commencent le plus souvent par un « dys » : dyscalculie, dyschronie, dysgraphie, dyslexie, dysorthographie, dysphasie, dyspraxie… Vanessa Douet Vannucci, qui chapeaute la direction scientifique de la société, explique: «En collaboration avec le laboratoire de psychologie cognitive d’Aix Marseille Université ou le réseau des 100 000 neuropsychologues du pays, nous entendons systématiser la détection des dysfonctionnements cognitifs dans les écoles primaires et collèges. Afin de démocratiser l’accès au repérage et à la remédiation de ces troubles, faciliter les échanges entre parents, corps enseignant et médical : orthophonistes, neuropsychologues, ergothérapeutes, médecins pédopsychiatres… Selon les comorbidités [[En médecine le terme comorbidité désigne la présence de maladies et/ou divers troubles aigus ou chroniques s’ajoutant à la maladie initiale (par exemple : avoir du diabète et de l’hypertension)]], entre 20 et 40 % des enfants ont des troubles cognitifs avec un spectre de sévérité très large, mais seulement 8 % sont diagnostiqués. Leur souffrance n’est pas prise en charge par manque de personnels de santé et d’informations. Grâce aux solutions que nous construisons, les outils de détection devraient se généraliser dans les écoles, suivi de solutions de remédiation personnalisées aux besoins de chaque enfant.»
«La proportion d’enfants souffrant de dysfonctionnements cognitifs est énorme et constitue un réel problème de santé publique»
Vincent Berge résume encore : «Aujourd’hui, concrètement, 20 à 30 % des enfants ont des dysfonctionnements cognitifs : troubles de l’attention, dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysgraphie, autisme. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter pour des raisons diverses. La proportion est énorme et constitue un réel problème de santé publique. La précocité du dépistage et la prise en charge sont déterminantes pour compenser les fonctions déficientes et éviter perte de confiance en soi, l’échec scolaire, l’orientation professionnelle par défaut.» L’entreprise s’inscrit dans une «vision à long terme», pour «parvenir à faire au plus vite de la détection de masse, avec des outils toujours plus simples à utiliser dans les écoles.» Vincent Berge dévoile : «Nos derniers tests et recherches le prouvent : dix minutes de stimulation par jour, pour un enfant, sont plus efficaces que 30 minutes une seule fois par semaine. Avec les apports mêlés de la recherche et développement et de l’Intelligence Artificielle, nous faisons tomber le bilan à 40 minutes, contre 2 heures en moyenne aujourd’hui pour chaque enfant. Derrière tout ça, il y a aussi un enjeu majeur : comment faire pour rendre un jour gratuites les détections dans les écoles des quartiers Nord de Marseille ? On travaille dans ce but. Et nous avons en tête, comme dernière étape, de devenir un dispositif médical. Ce serait à l’horizon 2024, car il y a une réalité : les parents des quartiers les plus défavorisés ne peuvent pas payer pour faire passer de tels tests à leurs enfants.»
Et pour convaincre de nouveaux partenaires et surtout les écoles de la suivre, la startup a multiplié les derniers mois des tests scientifiques pour prouver la réussite des ateliers de stimulations dans la détection des dysfonctionnements. «Nous arrivons à convaincre des directeurs d’écoles privées, mais c’est très compliqué pour rentrer dans les écoles publiques, regrette-t-il, le message que je délivre pour convaincre l’Éducation nationale est qu’on oublie trop souvent l’évaluation de la recherche aujourd’hui. Avant de savoir pourquoi votre enfant n’arrive pas à faire ses devoirs, on veut travailler pour simplifier la détection en primaire et au collège. C’est un défi sociétal que nous avons tous à affronter. Et si vous êtes un enfant avec un trouble cognitif dans les quartiers Nord de Marseille, c’est le risque d’un échec scolaire plus important… On entend avoir un impact pour y remédier, pour amener à faire prendre d’autres trajectoires d’apprentissage. On veut devenir le leader de la détection pour les enfants, et automatiser la démarche sur l’ensemble des fonctions cognitives.»
Bruno ANGELICA
Plus d’info et contacts : crocosgodigital.com
|Crocos Go Digital en chiffres :
-15 personnes salariées réparties sur 5 lieux : Marseille, Aix-en-Provence, Paris, Lyon et Lille;
-21 formateurs freelance non salariés;
-20 écoles partenaires en France;
-10 neurospécialistes partenaires;
-3 000 enfants déjà stimulés cognitivement dont 300 enfants avec troubles cognitifs.|