Publié le 15 juillet 2020 à 7h52 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h29
Le Président de la république s’était jusque-là refusé à participer à «l’interview du 14-juillet» mais pour ce 14-juillet «un peu particulier», il a répondu aux questions de Léa Salamé et Gilles Bouleau. Occasion pour lui de balayer, pendant une heure quinze des plus grands sujets: la crise de la Covid 19, la perception des Français de son action, la relance, l’environnement…
Emmanuel Macron souligne les raisons qui ont motivé son intervention: «Ce 14-juillet est un peu particulier et nous l’avons vécu ce matin avec beaucoup d’émotion et de fierté. C’est un 14 juillet qui consacre la fierté d’être Français, notre fête nationale, dans laquelle nous célébrons nos armées. Nous l’avons encore fait ce matin, auquel nous devons tant, leurs familles, leurs blessés. Mais ce 14 juillet, nos armées ont accepté d’offrir un peu la vedette aux soignants, à ces femmes et ces hommes qui pendant des mois, comme ils le font tout au long de l’année, mais cette fois-ci tout particulièrement, nous ont protégés, se sont battus pour nous face à ce Covid-19» avant de revenir sur les attaques, parfois violentes, qu’il subit. Et de reconnaître: «J’ai sans doute laissé paraître quelque chose que je ne crois pas être profondément, mais que les gens se sont mis à détester, ce Président qui voudrait tout réformer pour que ce ne soit que les meilleurs qui puissent réussir, que notre pays, finalement, s’adapte à la mondialisation. Cela n’est pas mon projet. Mais le jeu des maladresses, parfois des phrases sorties de leur contexte, d’autres fois de l’opposition, de la vie politique, a fait que cette détestation a pu être alimentée…». «Les critiques, ajoute le Président de la République, même si, in petto, je peux considérer qu’elles sont injustes, elles font partie du jeu démocratique. Elles sont normales et j’aime d’ailleurs plutôt rentrer dans la contradiction et je l’ai fait à plusieurs reprises. La haine, le discours radical, la brutalité, je crois que ça ne fait pas partie de la vie démocratique et que ça affaiblit plutôt une démocratie». Et d’affirmer que sa volonté de devenir Président, «ce pourquoi nous avons construit ce pacte, c’est pour rendre une France plus forte et plus indépendante». «Je le fais aussi, poursuit-il, pour que chacun retrouve la maîtrise de sa vie, de son destin et qui est un chemin de justice et ça, je ne l’ai pas assez montré. Parce que nous n’avons pas produit assez de résultats, parce qu’on n’a pas été assez vite, je ne l’ai peut-être pas assez dit. Moi c’est pour ça que je me suis engagé, pour que ce chemin qu’il y a dans la République qui fait que, quel que soit son prénom, quel que soit la famille d’où on est né, sa religion, sa couleur de peau, il y a un chemin qui permet d’arriver à l’excellence».
«On était en train de gagner la bataille contre le chômage de masse»
Le Chef de l’État défend son bilan: «On a fait des réformes -et je rends hommage là à Édouard Philippe et ses gouvernements- qu’on pensait impossibles, elles ont été faites et elles étaient nécessaires parce qu’elles ont redonné aussi de la force au pays qui lui a permis de traverser la crise actuelle. Elles lui ont donné de la crédibilité internationale. Nous sommes repassés sous la barre des 8 % de chômage». Pour le Président: «Les résultats sont là et ils sont le fruit d’un travail de toute la Nation. On était en train de gagner la bataille contre le chômage de masse, on était en train de baisser les impôts et on les a largement baissés en même temps qu’on réduisait les déficits courants et nous étions en train de moderniser le pays. Et donc tout cela est positif. Par contre, la confiance n’avait pas retrouvé le pays». D’où le changement de gouvernement, indique-t-il. «L’objectif n’est pas changer de cap, de destination finale qui est d’avoir une France forte, indépendante, dans une Europe autonome et au fond que chacun puisse vivre mieux. C’est de changer de chemin pour y arriver, c’est d’associer davantage, c’est de passer davantage par le dialogue social, par l’association des élus et c’est peut-être de bâtir plus fortement une confiance». Un Président qui conteste l’idée de prendre le chemin de droite: «Je crois au dépassement politique. Les Françaises et des Français, quand il y a la crise de la Covid, ils nous demandent de les soigner bien et que ça fonctionne. Ils ne se posent pas la question de savoir si le soin est de gauche ou de droite. Quand la relance arrive, ils demandent qu’elle soit efficace et juste, ils ne demandent pas qu’elle soit de gauche ou de droite».
«Lutter contre les violences faites aux femmes, lutter pour l’égalité réelle, effective entre les femmes et les hommes est un combat sur lequel je ne céderai rien»
Évoquant la nomination de Gérald Darmanin -l’ancien ministre de l’Action et des Comptes publics, visé par une enquête pour viol- au Ministère de l’Intérieur. Il insiste dans un premier temps sur le fait qu’il respecte «toujours l’émoi et la colère des causes justes. Et donc la cause féministe, je la partage. J’en ai fait un fil rouge de ce quinquennat et lutter contre les violences faites aux femmes, lutter pour l’égalité réelle, effective entre les femmes et les hommes est un combat sur lequel je ne céderai rien». Précise: «Nous avons d’ailleurs fait plusieurs avancées, voté des lois importantes en reconnaissant de nouveaux délits. Nous avons commencé à déployer des moyens. Ça ne va pas assez vite, je sais les attentes des associations. Depuis le début de cette année, 1 000 places ont été libérées pour protéger. On va commencer en septembre, enfin, et je sais que c’est trop lent pour beaucoup, à déployer les bracelets électroniques qui permettent là aussi de mieux protéger, les téléphones grande détresse ont commencé d’être déployés eux aussi. Donc on va continuer d’accélérer».
«Si, à partir du moment où quelqu’un est accusé ne peut pas avoir de responsabilité politique, notre démocratie change de nature»
Emmanuel Macron reprend, concernant l’affaire Darmanin: «Cette affaire a déjà fait l’objet de plusieurs enquêtes, et à plusieurs reprises a été classée ou a donné lieu à une absence de suites». Et d’insister : «Je pense qu’aucune cause n’est défendue justement si on le fait en bafouant les principes fondamentaux de notre démocratie. Et je le dis pour un ministre comme je le dirais pour quelque citoyen que ce soit. Je suis aussi de là où je me place le garant de cette présomption d’innocence. Et je le dis dans les rapports aussi que notre vie démocratique pourrait avoir avec notre vie judiciaire. Si, à partir du moment où quelqu’un est accusé ne peut pas avoir de responsabilité politique, notre démocratie change de nature. Elle devient une démocratie d’opinion. Moi, vous savez, pour la France, je veux le meilleur de notre pays. Je ne veux pas le pire des sociétés anglo-saxonnes». Concernant la reprise de la crise de la Covid Emmanuel Macron annonce: «Je souhaite que dans les prochaines semaines, on rende obligatoire le masque dans tous les lieux publics clos» avant d’affirmer: «Nous avons à la fois les stocks et les approvisionnements qui sont sécurisés. Et nous avons l’organisation au plus près du terrain qui permettrait de faire face à une recrudescence si elle était là».
«Nous allons avoir une augmentation du chômage massive»
Le Chef de l’État aborde la crise économique: «Quand je regarde l’Insee, la Banque de France, tous les instituts qui font référence écrivent qu’il y aura entre 800 000 et 1 million de chômeurs de plus à l’horizon du printemps 2021. Pourquoi ? Parce que nous avons mis d’abord notre économie à l’arrêt pendant deux mois et le redémarrage est ensuite très difficile dans plusieurs secteurs». Il enchaîne: «Nous allons avoir des plans sociaux, ils ont commencé, et nous allons avoir une augmentation du chômage massive. Alors ce qu’il faut faire, c’est nous préparer collectivement, agir pour défendre les emplois existants et en créer au plus vite dans les secteurs qui sont en expansion, et donc soutenir l’activité, soutenir les salariés et se préparer à la suite. Et ça, c’est ce qu’on a fait du premier jour. Le fameux « quoi qu’il en coûte » que j’ai prononcé au mois de mars, c’était la première réponse contre le chômage». Annonce encore: «On va continuer d’investir pour préserver les emplois et les compétences parce qu’on a appris de la crise d’il y a 10 ans que si on licenciait trop vite dans ces périodes, on détruisait des compétences pour l’entreprise et on mettait des gens dans le désarroi économique. J’ai réuni dans cette salle ici, il y a un mois et 15 jours, à deux reprises, l’ensemble des partenaires sociaux. Nous avons eu une discussion extrêmement intense, nourrie, puis ils ont eux-mêmes travaillé entre eux, et nous avons décidé pour le pays d’un dispositif inédit, d’activité partielle de longue durée, qui permet de garder dans l’entreprise les salariés, de les payer parfois les uns en acceptant de travailler un peu moins, en allant vers des formations et d’avoir l’État qui abonde ces dispositifs. Et donc c’est un plan, si je puis dire, anti-licenciements».
«un dispositif exceptionnel d’exonération des charges pour les jeunes»
Concernant la jeunesse le Président Macron avance: «Nous allons avoir un dispositif exceptionnel d’exonération des charges pour les jeunes, en particulier pour les faibles qualifications et les emplois jusqu’à 1,6 SMIC, exceptionnel parce qu’il durera 1 à 2 ans (…). on va créer des mécanismes nouveaux. 300 000 projets et contrats d’insertion qui permettent d’aller chercher les jeunes qui sont parfois les plus loin de l’emploi». Autre annonce, la création de 100 000 contrats en service civique dans les 6 mois en sus des 140 000 existants. Il va d’autre part être donné la possibilité à des jeunes qui devaient rentrer sur le marché du travail de compléter leur formation, d’avoir un semestre ou une année d’étude en plus: «On va ouvrir 200 000 places dans des formations qualifiantes supérieures pour permettre à un jeune qui n’a absolument aucune issue, aucune perspective d’embauche de poursuivre un peu ses études, avec un accompagnement social».
La réforme des retraites «ne peut pas se faire comme elle était emmanchée avant la crise de la Covid»
Concernant la réforme des retraites , le Président Macron considère: «Elle ne peut pas se faire comme elle était emmanchée avant la crise de la Covid. Est-ce que c’est une bonne idée de l’abandonner totalement ? Je ne crois pas». Et, se prononce donc en faveur d’une nouvelle concertation: «Parce qu’il y a deux choses dans cette réforme. Il y a la réforme du système universel par points. Je pense que cette réforme est juste et elle est faite pour celles et ceux qu’on a appelé les premiers de corvée, les femmes et les hommes qui ont été en première ligne, caissières, livreurs, métiers modestes, souvent avec du temps partiel subi, cette réforme des retraites, ils en sont les grands gagnants. Parce que je vous rappelle que dans cette réforme, il y a aussi la meilleure prise en compte de leurs périodes d’activité. Il y a également une avancée sociale inédite qu’est la retraite à 1 000 euros pour tout le monde, le minimum contributif à 1 000 euros». Puis, il en vient à l’écologie : «Ce qui est important, c’est qu’on doit rentrer, et ce plan de relance en est l’opportunité, dans la construction d’un modèle qui est à la fois écologique, industriel et environnemental. On ne va pas recréer l’industrie d’hier, mais on peut, en France, redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie. Pourquoi ? Parce qu’on ne va pas importer des matériaux de l’autre bout du monde, dont le bilan carbone est absolument abominable. On va reproduire dans nos régions parce que le numérique va nous permettre aussi de produire des plus petites quantités plus vite grâce à l’impression 3D, parce qu’on va aider nos entreprises petites, moyennes et grandes à investir pour passer à ce modèle écologique. Moi, je crois à cette écologie du mieux, pas à cette écologie du moins». Enfin, concernant les contrôles au faciès par les forces de l’ordre Emmanuel Macron s’engage à généraliser avant la fin du quinquennat «toutes les caméras piétons qui permettent sur ces sujets comme sur celui ensuite des modes opératoires, de rétablir la confiance entre la population et la police» en retraçant «la vérité des faits».
Michel CAIRE