Publié le 18 octobre 2021 à 12h23 - Dernière mise à jour le 1 novembre 2022 à 16h47
Près de 215 ans après la création de la Cour des comptes, 40 ans après celle des Chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), les juridictions financières se trouvent à un moment charnière de leur histoire. Au-delà de leurs missions habituelles, la crise sanitaire et ses conséquences placent la Cour et les CRTC face aux défis de la soutenabilité de la dette publique, de la qualité de la dépense publique et de la confiance des Françaises et des Français. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes est venu à Marseille présenter cette réforme avant un hommage rendu à Philippe Séguin .
Le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici était ce jeudi à Marseille. Il devait rappeler que la Cour des comptes a plus de 200 ans, les Chambres régionales 40 ans. Ces dernières ont été créées pour rapprocher la Cour des Comptes, siégeant à Paris des citoyens. Tandis que la réforme constitutionnelle de 2008 a donné mission aux magistrats financiers d’informer des assemblées d’élus mais aussi le grand public à travers leurs rapports publics consultables sur le site de la Cour des Comptes. Pierre Moscovici, nouveau Premier président, après Didier Migaud, lance une réforme qu’il présente à Marseille, la veille d’un hommage à Philippe Séguin, qui fut lui aussi Premier président de la Cour et dont la carrière débuta en Provence. La réforme proposée par Pierre Moscovici comprend 4 volets: la possibilité pour les citoyens de « faire des propositions pour choisir les thèmes de contrôle »; aller plus vite en ciblant une mesure et en faire un «audit Flash» en 4 mois; faire plus de travaux communs, entre Cour et Chambres régionales des comptes et, enfin, juger ensemble comptable et ordonnateur public «car ils travaillent ensemble et ne sont pas responsables séparément». Entretien«Que les citoyens puissent d’eux-mêmes, faire des propositions pour choisir les thèmes de contrôle»
Destimed: Pourquoi une telle réforme et quels en sont les grands axes? Pierre Moscovici: Je souhaite que les Chambres régionales des comptes, la Cour des comptes et les juridictions financières qui sont unanimement respectées et qui sont héritières d’une longue histoire, se modernisent. Elles sont en train de le faire et cela dans plusieurs directions. D’abord il importe de faire en sorte que désormais, les citoyens puissent d’eux-mêmes, faire des propositions pour choisir les thèmes de contrôle. Nous allons monté une plateforme citoyenne en 2022 et j’espère que nous aurons les premiers contrôles d’initiative citoyenne, sur ces requêtes, en 2023.«Être davantage dans le temps de la décision»
Deuxièmement, je crois qu’il faut être davantage dans le temps de la décision, un rapport de la Cour, de la Chambre régionale des comptes, c’est entre 15 à 17 mois, c’est long et je pense que l’on peut, sans perte d’efficacité, de collégialité… aller plus vite. L’objectif que j’ai fixé est de passer à 8 mois. Et, pour aller encore plus vite, on peut, aussi, cibler certaines mesures, pas uniquement certaines politiques ou certains organismes, et c’est ce que j’ai fait quand nous avons promis des « audit Flash » pour expertiser le coût d’un dispositif ou d’une mesure, sans recommandations et dans un format court d’une dizaine de pages en 4 mois. C’est très utile pour le décideur d’avoir un regard indépendant qui soit plus rapide.«Rapprocher les Chambres régionales de la Cour des comptes»
La troisième direction concerne le territoire sur lequel nous sommes c’est de rapprocher les Chambres régionales de la Cour des comptes. Ce sont les deux faces ou les versants d’une même pièce, le national et le local. Aujourd’hui elles fonctionnent ensemble pour la décision. Eh bien, pour le contrôle pour l’évaluation des politiques publiques, il faut aussi fonctionner ensemble. C’est la raison pour laquelle j’ai déjà modifié la gouvernance de la Cour. J’y associe les présidents des Chambres régionales, qui sont tous les mardis autour de moi, avec les présidents de la Cour des Comptes. C’est la raison pour laquelle nous faisons de plus en plus de programmation de travaux communs. C’est la raison, enfin, pour laquelle je souhaite que le projet de loi permette, demain, aux Chambres régionales des comptes de faire l’évaluation de politiques publiques, pas uniquement des contrôles d’organe ou d’organismes, à la demande de la région, du département, de la métropoles, du préfet, c’est un nouveau métier qui va s’ouvrir et qui va encore accroître l’interaction, le partenariat entre, par exemple, les chambres régionales des comptes et les élus. C’est cette transformation, transformation de métier, de mission, de notre stratégie qui est en train de se dérouler.«C’est très important qu’il y ait une juridiction financière indépendante»
Enfin, il y a un quatrième pilier, nous sommes des juridictions, nous allons le rester. c’est très important qu’il y ait une juridiction financière indépendante, dans notre pays. Mais notre ordre juridictionnel, notre fonction sociale est usée par cette séparation qui est devenue un peu artificielle entre le comptable, celui qui dépense et l’ordonnateur, celui qui décide. Dans la chaîne des décisions, c’est largement confondu par le fait, aussi, qu’ils ont un temps de réponse trop long et par le fait qu’ils sont aussi séparés en commissions locales. J’ai proposé au Premier ministre, qui l’a accepté, que désormais on juge ensemble ceux qu’on appelle les ordonnateurs et ceux qu’on appelle les comptables et que ça se passe dans une formation contentieuse unique, devant le Conseil d’État, certes à Paris, ce sera une chambre de la Cour des Comptes qui vient d’être créée, la 17e, mais avec des magistrats de la Cour et des Chambres régionales, pour la première fois il y aura une seule chambre financière relais.«Pas d’embauches de magistrats»
Cette réforme sera votée en décembre mais il n’y a pas de moyens supplémentaires, il n’y a pas d’embauches de magistrats supplémentaires? Non pas d’embauches de magistrats. Mais nous sommes exigeants vis à vis des autres, nous leur demandons de faire une gestion économe des deniers publics et nous devons appliquer cela à nous-mêmes. Et puis quand je me contemple, je me désole, quand je me compare je me console, nous ne sommes pas si mal dotés. D’une part, regardez les locaux de cette Chambre, les conditions de travail, et dans les enquêtes internes que j’ai fait réaliser, j’ai pu constater, que plus de 90% des agents de la Cour et des Chambres régionales de comptes étaient satisfaits de leurs conditions de travail, honnêtement, quand j’étais ministre des finances, si j’avais fait le même sondage, à Bercy, je ne suis pas sûr que j’obtienne exactement le même taux de satisfaction. Pouvez-vous nous parler de l’hommage rendu à Philippe Séguin ? Philippe Seguin fut un homme politique majeur, un homme d’État, qui a marqué les Français, et un Premier président qui a imprimé aussi sa marque à la Cour. Il a d’ailleurs lancé les réformes qu’aujourd’hui je viens parachever. Quand on unifie les jugements d’ordonnateur comptable, cela fait partie de la position qu’il n’a pas pu faire aboutir et donc quand on rapproche la Cour des comptes et les Chambres régionales de comptes comme je le fais, c’était aussi son projet que je prends sous un autre angle que lui. Lui voulait les unifier statutairement, moi je le fais pour les intégrer, fonctionnellement.«Ce fils de la Provence a beaucoup appris de cette terre de contrastes»
C’était aussi un fils de la Provence. Il venait de Tunisie et il est arrivé à Draguignan, où il a fait ses études secondaires. il a fait ses études à l’IEP d’Aix-en-Provence, dont il était l’un de ses plus brillants élèves et c’est de là, ensuite, qu’il est parti à Paris, et il a fait l’ENA et, la Cour des Comptes où il est entré, après avoir été journaliste, au Provençal. Et ce fils de la Provence a beaucoup appris de cette terre de contrastes, de passion, d’émotion. C’est ici que sa personnalité s’est forgée, on n’a pas pu lui rendre hommage, l’an dernier, pour le 10e anniversaire de sa mort en raison de la Covid et quand Nacer Meddah, le Président de la Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur m’a dit et si on rendait un hommage à Philippe Séguin, en Provence. J’ai tout de suite accepté et je suis très heureux d’être là aux côtés de sa famille, demain, pour lui rendre l’hommage que ce grand fils de la Méditerranée, ce grand homme politique, ce grand homme d’État, et ce grand Premier président de la Cour des comptes méritait. [(Entretien avec Pierre Moscovici
211014-001_pierre_moscovici_14_10_21.mp3)] Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTOLors de la conférence de presse Nacer Meddah, Président de la Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur a expliqué comment il travaillait avec la Cour des comptes de Paris, présidé par Pierre Moscovici. Entretien croisé Destimed: Au niveau de la rapidité s’il y a des affaires qui tombent sous le coup de la justice cela risque-t-il pas d’être plus lent? Pierre Moscovici: Je vais là-dessus faire une réponse très prudente. Je préside l’ensemble composé de la Cour et des Chambres régionales des juridictions financières, ce n’est pas à travers des Audit-Flash qu’on va trouver des motifs de poursuites pénales, ce n’est absolument pas l’objet même si cela peut arriver. Ce que je souhaite c’est que nos travaux s’accélèrent. Je souhaite que nos propres procédures, y compris juridictionnelles s’accélèrent aussi