Publié le 29 décembre 2020 à 12h16 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h21
Des chercheurs de l’IRD, du CNRS et de l’Université Memorial de Terre-Neuve (Canada) ont évalué la capacité des principaux outils de gestion de l’océan à atteindre l’objectif de développement durable (ODD) « Conserver et exploiter de manière durable les océans ».
Les chercheurs montrent que certains dispositifs multisectoriels, comme les aires marines protégées, sont les plus efficaces pour concilier les dimensions écologiques, économiques et sociales de cet ODD. Ces résultats, publiés dans la revue Nature Sustainability le 14 décembre 2020, permettront d’améliorer les orientations opérationnelles en faveur de la préservation des océans. En 2015, les Nations Unies ont adopté 17 Objectifs de développement durable, appelant les États à agir dans les dimensions environnementales, sociales et économiques du développement. Parmi eux, l’ODD 14 « Vie aquatique» vise à conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. A travers 7 cibles, cet objectif aborde de multiples défis : diminuer la pollution marine, restaurer les écosystèmes marins, réduire l’acidification des océans, permettre une pêche durable, conserver les zones marines et côtières, mettre fin aux subventions à la pêche néfastes, accroître les retombées économiques de l’exploitation durable des ressources marines pour les petits États insulaires en développement et les pays les moins avancés.
Outils de gestion spatialisée
Pour répondre à ces défis, les décideurs déploient des « outils de gestion spatialisée » qui réglementent les usages sur une zone donnée. Certains outils règlementent les activités d’un seul secteur, comme la pêche ou le trafic maritime : c’est le cas des zones de restriction des engins de pêche (GRA), des fermetures de pêche (FC), des pêcheries à droit d’usage territorial (TURF) et des zones maritimes particulièrement vulnérables (PSSA). D’autres outils sont multisectoriels, comme les aires marines entièrement protégées (FPA), les aires marines partiellement protégées (PPA) et les aires marines gérées localement (LMMA).
Évaluer le niveau de confiance dans les preuves
Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés à l’efficacité démontrée de ces outils de gestion pour atteindre les cibles de l’ODD 14, dans ses dimensions écologique (augmentation de la taille, de l’abondance des organismes marins et de la diversité des espèces, résilience des écosystèmes…), économique et sociale (accès équitable aux ressources, amélioration des revenus, maintien des traditions et coutumes…). Pour cela, ils ont procédé à une analyse de la littérature scientifique, en favorisant les articles de synthèses d’études antérieures (177 articles), et réalisé des enquêtes auprès de 75 experts internationaux spécialistes des océans. Selon une approche similaire à celle du groupe d’experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), les chercheurs ont déterminé le « niveau de confiance » dans la capacité des outils à produire certains résultats. Ils ont ensuite élaboré un système de notation pour relier les outils de gestion spatiale aux cibles de l’ODD 14, en fonction des contributions relatives des résultats aux objectifs.
«Cinq des sept cibles de l’ODD 14 atteignables»
Grâce à cette méthodologie, les auteurs ont d’abord constaté que les outils de gestion spatialisée évalués pouvaient potentiellement contribuer à cinq des sept cibles de l’ODD 14 : restauration des écosystèmes marins, pêche durable, conservation des zones maritimes et côtières, réduction des subventions néfastes et accroissement des revenus des petits États insulaires en développement. «Nos résultats confirment l’incapacité des outils évalués à réduire efficacement la pollution marine et les impacts de l’acidification des océans», précise Rodolphe Devillers, géographe à l’IRD qui a coordonné l’étude. «Sur ces aspects, des solutions nécessiteront une réduction des pollutions depuis la terre et une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre», ajoute Joachim Claudet, écologue au CNRS et co-auteur de l’étude.
«Besoin de changer nos approches de gestion»
Deuxième constat des scientifiques : certains outils monosectoriels, comme les zones de restriction des engins de pêche (GRA) et les fermetures de pêche (FC), s’avèrent utiles dans le domaine qu’ils règlementent, mais peu efficaces pour les autres cibles de l’ODD 14. En revanche, les outils multisectoriels – comme les aires intégralement (FPA) et partiellement protégées (PPA), ainsi que les aires marines gérées localement (LMMA) – sont plus à même de favoriser l’atteinte d’une large gamme de cibles, de par leurs bénéfices écologiques et socio-économiques avérés. Pour Rodolphe Devillers: «Nos résultats constituent une contribution scientifique pour la Décennie des Nations Unies, pour les sciences océaniques au service du développement durable qui débute en 2021. Elle met en évidence la complexité du problème et le besoin de changer nos approches de gestion pour atteindre toutes les cibles de l’ODD 14 ». Par ailleurs, «des approches holistiques de la planification et de la gestion de l’interface terre-mer, comme la gestion intégrée des zones côtières, seront probablement importantes pour intégrer les réglementations terrestres aux outils de gestion spatiale, afin d’atteindre les ODD», souligne Joachim Claudet. Les auteurs de l’étude rappellent enfin que pour atteindre leur plein potentiel, ces outils doivent être conçus en tenant compte des besoins locaux, être bien gérés et leurs réglementations bien appliquées.
Référence : Julie M. Reimer, Rodolphe Devillers and Joachim Claudet
Benefits and gaps in area-based management tools for the ocean Sustainable Development Goal, Nature Sustainability, 14 décembre 2020. DOI:10.1038/s41893-020-00659-2
Il est à noter que les intertitres et le titre sont de la rédaction