Publié le 29 mai 2021 à 21h21 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 18h01
Le Premier ministre a répondu à l’invitation de Christophe Castaner à quelques semaines des élections régionales à se rendre dans les Alpes-de-Haute-Provence. Un département très cher au cœur de l’ancien ministre de l’Intérieur et actuel président du groupe En Marche à l’Assemblée nationale. Il a débuté son périple par la vallée de l’Ubaye pour se rendre ensuite dans une station fruitière à Sisteron puis à Mane en Haute-Provence.
Dans un premier temps, Jean Castex s’est rendu à Val d’Oronaye dans la vallée de l’Ubaye sur le chantier de la RD 900 où il a signé un protocole d’accord financier relatif aux travaux de sécurisation qui se déroulent actuellement sur la route de la Rochaille. Cet accord actera l’engagement de l’État sur le plan financier. Ce projet a été initié dans le cadre du Plan de relance en association avec le Conseil départemental et le Conseil régional.
Le Premier ministre a ensuite visité la station fruitière L’Écrin des Alpes de la Sica Alpes fruits conditionnement à Sisteron. Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales l’y a rejoint alors que les représentants des syndicats agricoles et le président de la Chambre d’agriculture des Alpes-de-Haute-Provence l’y attendait. Accompagné de Violaine Démaret, la préfète bas-alpine il a commencé par saluer les élus présents : le maire de Sisteron, Daniel Spagnou et le sénateur Jean-Yves Roux avant d’échanger quelques mots avec Frédéric Esmiol, le président de la Chambre d’agriculture et les représentants syndicaux : Laurent Depieds (FDSEA et FRSEA), Jérémy Lieutier (Jeunes Agriculteurs 04) et Yannick Becker (Confédération paysanne 04). Il s’est ensuite dirigé vers l’intérieur de la station fruitière pour débuter la visite sans avoir avant dégusté du jus de pommes locale et croquer un quartier en le brandissant fièrement vers les journalistes accompagné d’un très « chiraquien » : « Mangez des pommes ! ».
Patrick et Cédric Massot, deux des trois gérants de la station fruitière lui ont présenté l’entreprise qui subit de plein fouet les effets de l’épisode de gel du début du mois d’avril et qui va lui infliger des pertes à hauteur de 40 % de sa production. Cette station exporte la majorité de sa production. « Un portefeuille de clients difficile à construire », explique Patrick Massot qui a demandé un geste fort de la part de l’État, le gel n’étant pas un risque assurable pour les arboriculteurs.
Des besoins urgents
À l’issue de la visite le Chef du gouvernement a rencontré les représentants agricoles pour un temps d’échanges sur cet épisode météorologique ravageur qui a fortement impacté le territoire comme le reste du pays. Catherine Gaildraud, la directrice départementale des territoires lui a, en préambule, dressé un état des lieux des constats qui ont été effectués par ses services depuis le 8 avril. Les pertes ont été évaluées à plus de deux millions d’euros.
Frédéric Esmiol, le président de la Chambre d’agriculture a rappelé pour sa part que de nombreux agriculteurs du département avaient beaucoup souffert outre les arboriculteurs : les vignes, les plantes aromatiques, les fleurs coupées, les maraîchers, etc. «Il faut aller vite, les besoin sont urgents, martèle-t-il. La lenteur administrative de ce genre de dossiers nous rend un peu amers et je tire la sonnette d’alarme car pour certains c’est récurrent. C’est la 3e gelée en cinq ans.» Frédéric Esmiol considère que l’État doit mettre les moyens nécessaires pour accompagner les arboriculteurs. «Il faut continuer à maintenir ces productions qui sont des productions à plus-value. Il faut les accompagner et mettre des moyens. Le Plan de relance est le bienvenu mais pourquoi ne pas déplafonner ces aides pour pouvoir cumuler les aides. Il faut aussi être capable aujourd’hui d’installer des jeunes et transmettre notre outil de travail», détaille-t-il avant de lancer: «Cela fait deux ans que l’on voit que le chéquier est ouvert et on se dit que c’est peut-être un peu à notre tour…»
Permettre les cofinancements
Thierry Gaudin, arboriculteur, élu à la Chambre d’agriculture a interpellé le Premier ministre sur la question des charges sociales. Il réclame entre autres une prise en charge des cotisations sociales, et non un report, qui ne serait, selon lui, que déplacer le problème. Il a également alerté le Premier ministre sur le fait que de réelles difficultés pourraient survenir à l’automne.
Laurent Depieds, président de la FDSEA a mis en exergue les mesures préventives à venir: «Vous avez doublé les enveloppes sauf qu’aujourd’hui il y a des interdictions qu’il faudrait lever car nous sommes bloqués sur les cofinancements. Pour la réussite de ces projets préventifs il faut pouvoir en mettre en place car le curatif, ça va, mais les producteurs ont besoin de se protéger. Ils ont besoin de plusieurs moyens mais pour cela il faut de la flexibilité. Il faudrait aussi avoir la possibilité d’assurer les productions. Il faut mettre les assurances autour de la table.»
Jérémy Lieutier de JA04 a rebondi sur la question des assurances et a parlé de leur proposition de créer un fonds de mutualisation pour couvrir les grosses pertes de plus de 50 %. Un fonds commun qui serait abondé à la fois par l’État, l’Europe et les interprofessions.
Yannick Becker de la Confédération paysanne a insisté sur la nécessité de l’accélération des indemnisations. «Quand on reçoit les indemnisations en calamités agricoles, si on les reçoit, en général, on est morts car c’est un an plus tard. L’aide d’urgence est donc une bonne chose. Nous sommes aussi pour le fonds de mutualisation car l’argent est utilisé intégralement pour aider les paysans. Nous proposons aussi que l’aval et les distributeurs y cotisent.»
Cédric Massot a repris la parole pour réaffirmer qu’entre ce qui a été demandé par la profession au niveau des plafonds et ce qui a été accordé ce n’était pas suffisant. «On aurait souhaité passer dans la tranche supérieure quand on a tout perdu. Cette petite différence de 10 % représente beaucoup d’argent et ce serait majeur pour les producteurs », plaide-t-il.
Il a ensuite évoqué le projet bi-départemental 04-05 concernant la protection des vergers avec la création d’un collectif avec différents systèmes de protection : retenues collinaires ou tours à vent. «Aujourd’hui, il faudrait passer par le Plan de relance de FranceAgrimer qui n’est pas du tout adapté à cause des plafonds. C’est une enveloppe de plusieurs millions d’euros. Il ne faut pas interdire le cumul d’aides pour faire aboutir ce type de projets. Il nous faudrait un niveau élevé de subventions de l’ordre de 80 %. C’est vital pour la production alpine», a-t-il conclu.
« La France a besoin de son agriculture »
Jean Castex a réagi à ce qu’il venait d’entendre : «Nous avons à régler ensemble plusieurs problèmes.». Il a souligné la mobilisation immédiate du gouvernement sur la question du gel et a demandé au ministre de l’Agriculture de «ne pas mégoter». Intervention qui a d’ailleurs été suivie d’annonces immédiates «fortes» montrant ainsi la prise en compte de la gravité de la situation par l’État.
«La récurrence des événements, même s’ils sont exceptionnels, ne doit pas, que, nous faire réagir dans l’urgence. Il faut remonter un cran plus haut. On est dans une phase de changement climatique profond et il faut que nous nous adaptions», explique-t-il. «La volonté déterminée de l’État, poursuit-il, est de vous aider à faire face aux conséquences dramatiques mais aussi d’aller au-delà de cela. La France a besoin de son agriculture pour se nourrir. Il faut qu’avec la profession nous prenions cela à bras-le-corps.»
Puis le Premier ministre a abordé la question de la PAC, en pleine négociation pour laquelle «la France s’est battue pour que les enveloppes ne baissent pas de manière drastique.» Il a rappelé les règles communautaires à respecter concernant l’enveloppe d’un milliard d’euros. « J’aimerais bien vous dire oui pour passer aux 50 % pour les calamités mais ce n’est pas une question budgétaire c’est une question de conformité aux règles communautaires, avoue-t-il. Avec le ministre, on regarde ce qui est possible de faire mais je ne peux pas aujourd’hui vous dire que l’on va passer de 40 à 50 %. En revanche, tous les dispositifs doivent se déployer le plus rapidement possible.»
Jean Castex annonce encore: «Nous avons également décidé de remettre Egalim sur le chantier parce qu’incontestablement cela n’a pas produit tous les effets attendus. Alors on va recommencer. Un texte va être discuté devant l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines.» Sur la question des assurances il a révélé que la direction qui était prise était un système mutualisé avec des garanties plus fortes pour avoir un système à la fois à la portée des assurés et qui produise des effets.
Lever les freins
Le Chef du gouvernement a confirmé que les enveloppes du Plan de relance les plus sollicitées seront réabondées et qu’il était conscient du fait que les taux de prise en charge «devront être revus à la hausse». «Nous devons retrouver notre souveraineté économique et l’agriculture y participe», déclare-t-il. Laurent Depieds de réagir : « Vous avez le volonté, nous avons la volonté, mais il faut lever les freins ! Il y a des verrous qui bloquent avec l’administratif qui se met au milieu. »
Pour finir sa visite provençale Jean Castex s’est rendu à Mane où il a signé le protocole d’initialisation du Contrat de relance et de transition écologique (CRTE) commun à la Communauté de communes du Pays de Forcalquier et Montagne de Lure et à la Communauté de communes de Haute-Provence-Pays du Banon. Un CRTE qui constitue un levier de développement économique et doit permettre la réalisation de plusieurs projets concourant au dynamisme des deux intercommunalités et à l’amélioration de la qualité de vie et à la protection de l’environnement.
A.G. pour L’Espace Alpin