Publié le 20 octobre 2021 à 21h32 - Dernière mise à jour le 1 novembre 2022 à 16h48
Une Blanche-Neige jeune incarnée par « un grand » homme. Un vieux prince joué par «une petite femme ». Un souillon aux cheveux jaunes (« pourquoi pas une jeune femme, ou un jeune homme, ou autre ») nous dit-on dans la présentation des personnages de la pièce « Blanche-Neige, histoire d’un prince » où son auteur Marie Dilasser interroge la notion de genre en proposant surtout un texte sur le déguisement et son aspect ludique.
Donné ce samedi 23 octobre au Jeu de Paume d’Aix «Blanche-Neige, histoire d’un Prince» où l’on voit Monsieur Seguin en devenir… chèvre au point de tomber amoureux d’elle, ce spectacle jeune s’adresse aux petits comme aux grands. Loin des sentiers battus, bâti sur un texte onirique drôle et émouvant, qui aborde aussi le thème de la mort, mis en scène par Michel Raskine, cette « Blanche-Neige » est interprétée dans son personnage-titre par Rémy Fombaron qui a remplacé sur la tournée Tibor Ockenfels, le créateur du rôle empêchée pour des raisons de santé. Un acteur de haute taille 1,95mètres comme l’exige l’auteure et grand par le talent. Rencontre avec un comédien à la stature imposante.
Quelle est votre parcours de comédien ?
Aussi loin que m’en souvienne, je me suis lié d’amitié avec la scène le soir du 24 décembre à l’âge de mes 6 ans, lorsque mon frère et moi avons monté ce que l’on pourrait appeler « un spectacle » devant notre famille. Depuis, nos tours de magie truqués, sketches humoristiques, poèmes romantiques et histoire de cow-boy clôturaient les longs repas de Noël. J’ai commencé à investir les salles de cinéma, le théâtre c’était à l’école avec les copains après (mais aussi pendant) les cours.
À partir du lycée, j’ai eu l’occasion de participer à plusieurs pièces de théâtre. J’ai débuté par un classique, «Les précieuses ridicules» de Molière dans le rôle Cathos. Puis j’ai joué dans «Chut ! Y en a qui dorment ! » et «Cabaret à coulisses», création d’Angélique Heller d’Introna compagnie. À 18 ans, j’ai mon BAC ES option mathématiques en poche et je dois choisir entre deux voix : l’École de Commerce ou l’école de théâtre. Fils de deux parents commerciaux, la balance a penché : ce sera l’École de Commerce, option théâtre cours du soir. J’ai donc intégré la troupe de la comédie musicale Showbise, une association étudiante dans laquelle j’ai mis en scène et joué dans deux pièces : «The Big Bug Theory » et « L’entre-côtes Antillaise».
J’ai intégré en parallèle deux troupes d’improvisation, Et-compagnie et Kamelyon. En dernière année d’école de commerce, me voilà avec un pied dans le monde du travail. Le théâtre, c’est peut-être plus qu’un jeu, plus qu’un passe-temps, qu’une passion, qu’un besoin, soyons fou, pourquoi pas un métier, mon métier ? Il faut que j’essaie, les remords plutôt que les regrets. Je m’inscris au concours du conservatoire de théâtre de Lyon début septembre 2019, alors que je rentre en dernière année de Master. Mais ce n’est pas grave, je répondrai aux questions administratives plus tard. Je révise mes deux scènes trois jours avant, passe le jour J sans réplique mais je parviens à rentrer au conservatoire de théâtre de Lyon. Coup de chance ou alignement des étoiles ? C’est pour moi un big bang, un nouveau monde s’offre à moi.
Et comment avez-vous plongé dans le grand bain ?
Après avoir longtemps stagné dans le pédiluve, j’ai enfin plongé dans le grand bain et tant mieux si l’eau déborde, si j’en ai la tête sous l’eau car je la bois avec gourmandise de cette eau là. Je vais enfin pouvoir jouer. Le théâtre est un jeu sérieux mais un jeu tout de même alors amusons nous. Je veux que ça vive putain, on veut du théâtre et on veut vivre du théâtre ! Comme dirait l’autre, «il faut du théâtre dans nos vies et de la vie dans le théâtre». Un théâtre que je rêve poétique, drôle, fantasque, explosif où ça pique autant que ça danse mais qui reste ouvert à un public large où l’entre soi s’ouvrirait à un autre nous. Rassemblons des gens qui n’auraient rien à faire ensemble sinon du théâtre.
Que faites-vous précisément aujourd’hui ?
Aujourd’hui, j’ai intégré la compagnie «Au Børd de» et je joue dans le super spectacle Super Bastringue. En parallèle, je donne des cours d’improvisation à «l’Improvidence» de Lyon. J’ai aussi la chance de jouer donc le rôle rocambolesque de Blanche Neige dans «Blanche-Neige, histoire d’un Prince» de Marie Dilasser, mis en scène par Michel Raskine au côté Marief Guittier, Magalie Bonat et Alexandre Bazan.
Quelles sont vos impressions sur la pièce ?
Reprendre un rôle est un expérience très particulière, surtout en une temps si court, puisque j’ai eu à peine deux semaines pour apprendre le texte et une semaine pour répéter. À la fois rigoureuse et mécanique, j’ai dans cet exercice d’acteur repris le cadre qui avait été déjà modelé par mon prédécesseur Tibor Ockenfels. J’ai, me semble-il, été assez fidèle à son travail. Mais une fois cette étape validée, j’ai essayé petit à petit de redessiner les formes, de trouver ma liberté et de me réinventer dans le jeu. C’est important de trouver sa voix, et sa voie, son plaisir afin de rester au présent, bien à l’écoute de ce qui se propose sur scène et sortir de la mémoire des captations. J’apprécie beaucoup ce spectacle que j’ai eu la chance de voir en Janvier 2020 au Théâtre de la Croix Rousse avec Magalie Bonat. C’est le premier spectacle, un cadeau d’acteur, un véritable bonbon pour beaucoup de raisons. D’une durée d’une heure, la pièce n’est pas très longue mais ça joue sans s’arrêter et quand on a l’impression que ça se pose, il y en a toujours un ou une derrière à pédaler pour activer des mécanismes, à taper sur des casseroles et à tirer des ficelles. Sur scène on ne voit pas le temps passer.
Que pensez-vous de l’écriture de Marie Dilasser ?
La langue de cette « Blanche-Neige » est totalement sublime. Je prends mon pied à prononcer tous ces jeux de mots, ces insultes et ces poèmes carnivores. C’est un texte mordant et rempli d’humour qui porte un message ludique sur l’environnement, la condition des femmes ou encore la classe ouvrière. C’est selon moi un savant mélange qui permet de ravir grands et petits. J’adore l’idée que les salles soient hétéroclites et entendre des réactions différentes entre les scènes. C’est mon premier spectacle professionnel et le maquillage ou le déguisement aident à créer une distance entre l’acteur et le spectateur qui me rassure autant qu’il m’amuse. C’est pour moi très jouissif pour des raisons totalement enfantines d’endosser ce rôle, c’est un rêve de gosse.
Comment se positionne Michel Raskine en tant que metteur en scène ?
J’avais déjà travaillé avec lui au Conservatoire notamment sur «Dea Loher». Michel a une idée très précise dans ce qu’il veut faire. Il aime décomposer les moments, en bruits, il veut qu’on aille d’un point A à un point B avec un souci du rythme, très audible, très décomposé, ou à un canevas très précis. Puis il nous demande de trouver de nouvelles choses. Il m’a beaucoup libéré de mon appréhension et toute l’équipe m’a rassuré. «Blanche-Neige, histoire d’un prince» c’est une formidable aventure… qui va partir en tournée.
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
«Blanche-Neige, histoire d’un Prince » de Marie Dilasser. Texte édité aux Solitaires intempestifs. 60 pages, 12 €. Mise en scène de Michel Raskine. Au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence ce vendredi 22 octobre à 9h45 et 14h30 et samedi 23 octobre à 15 heures .
Signaler un contenu ou un message illicite sur le site