Publié le 22 août 2013 à 23h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h12
Les militants sont là en nombre, ce jeudi 22 août, à partir de 18 heures, pour suivre sur la Grande scène, le débat sur « L’an 2 du quinquennat, vers le changement de cap ? ». Il faut dire que le casting ne manque pas d’allure avec, simplement sur le plan ministériel, la présence de Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Pascal Canfin, ministre chargé du Développement, Philippe Martin, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, qui, notamment sur la taxe carbone, a pu rassurer l’assistance. Le débat était animé par Pascal Durand, le secrétaire national de EELV. Mais la vedette de cette journée a incontestablement été la garde des Sceaux Christiane Taubira.
Lorsque la Garde des Sceaux s’approche du micro, l’assistance se lève, applaudit, longuement. Elle s’en prend à la Droite: « Je garde le souvenir de la brutalité du dernier gouvernement, de sa passion pour la division… ». Puis de dénoncer les critiques actuelles de cette même Droite: « Alors que nous réformons sur la base des principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Dans une logique qui fait que l’Autre me concerne, que la liberté permet à chacun de tracer son chemin de vie. C’est sur ces valeurs de la République que nous avons mis en place le mariage pour tous ».
Elle s’arrête sur le mariage pour tous: « Les Institutions doivent être décentes, ne doivent pas humiliées. Et bien, avec le mariage pour tous nous avons rendu la plénitude de sa décence à cette institution républicaine ».
« Nous avons aujourd’hui une surpopulation carcérale et plus de 57% de taux de récidive »
Puis d’en venir à la réforme pénale qui part d’un constat: « 90 lois ont été adoptées en dix ans en ce domaine. Par ailleurs, nous avons aujourd’hui une surpopulation carcérale et plus de 57% de taux de récidive. Des personnes arrêtées, jugées, condamnées, emprisonnées, recommencent. Alors, nous avons le souci des victimes actuelles, mais aussi de celles que l’on peut éviter. Ceux qui nous accusent aujourd’hui refusent de voir leur bilan, la mesure de leur échec. Ils veulent maintenir la population dans l’erreur. Car la réalité est, qu’entre 1987 et 1992 la France a connu une augmentation des récidives ». Ajoutant: « 81% des détenus sortent actuellement sans contrôle ni contraintes alors que l’on sait que cela aggrave les risques de récidive ».
La garde des Sceaux assène: « Nous décidons de faire la vérité sur les chiffres, les faits, les causes, les conséquences car nous savons que la société française privilégie la raison. Ainsi, en un an, nous avons fait d’avantage pour les victimes, sur tous les plans, que le précédent gouvernement en cinq ans. Nous, nous respectons les victimes, nous agissons avec elles, pour elles, et nous refusons de les instrumentaliser ».
Difficile de ne pas imaginer qu’elle pense au ministre de l’Intérieur lorsqu’elle lance : « La Justice est le ministère de la Sécurité et nous avons le souci de la sécurité réelle et durable des Français. alors, la peine doit protéger, punir, réparer, mais aussi réinsérer ».
« Si nous cédons à la tentation des discours martiaux, à la virilité intimidante, alors la France aura tiré sur elle le drap des plus sombres ténèbres »
Puis de conclure, citant notamment Aimé Césaire: « Nous continuons l’effort, parce que c’est essentiel pour la sécurité de nos concitoyens et pour que la France reste la France. Pour que les exclus dans le monde, les frappés, les persécutés, sachent que la lumière de la France brille encore. Sinon, si nous cédons à la tentation des discours martiaux, à la virilité intimidante, alors la France aura tiré sur elle le drap des plus sombres ténèbres ».
Pascal Canfin, avec humour, annonce qu’une règle existe chez EELV : ne jamais parler après Daniel Cohn-Bendit, il en propose une deuxième, ne jamais parler après Christiane Taubira.
Puis, d’expliquer qu’il tire trois leçons de cette première année de présidence Hollande: « Premièrement, ne pas oublier ce qui nous a précédés, à savoir dix ans de régressions. Deuxièmement nous devons dire plus fort, plus haut les victoires que nos remportons. Ainsi, si à partir du 1er janvier 2014 les banques française et européennes vont devoir dire combien elles gagnent, où elles font leur chiffre d’affaire c’est grâce à nous ». Puis de lancer une pique: « Et Jean-Luc Mélenchon ne nous a pas aidés à reprendre le contrôle sur la finance ». La troisième leçon « vient du départ de Delphine Batho du gouvernement, ce qui n’a pas produit de crise politique alors que le départ des Verts en occasionnerait une ». Et de menacer: « Si des rendez-vous sont manqués sur les questions écologiques lors de cette deuxième année nous devrons en tirer toutes les conséquences ».
« C’est l’État qui contrôle EDF et non l’inverse »
Puis de considérer: « l’an deux du gouvernement est celui des grands rendez-vous. Premièrement avec nos adversaires et notamment les lobbies et en premier lieu EDF. Son patron va bien devoir comprendre que c’est l’État qui contrôle EDF et non l’inverse et l’EDF doit servir les Français et non l’inverse. L’autre rendez-vous est avec nous-mêmes, nous devons rester unis ».
Puis d’envoyer une dernière salve: « La transition écologique permettra de créer 600 000 emplois, alors, en accueillant Philippe Martin, c’est non seulement le ministre de l’Environnement que nous recevons mais aussi le véritable ministre du redressement productif ».
« Les marchands du temple qui veulent les OGM en plein champ et le gaz de schiste me trouveront toujours en face d’eux »
Dès ses premiers mots, Philippe Martin se veut rassurant: « Les marchands du temple qui veulent les OGM en plein champ et le gaz de schiste me trouveront toujours en face d’eux ». Il assure: « La transition écologique, c’est le cap fixé par le Président de la République, c’est ma feuille de route. Nous devons passer de la transition par les mots à la transition par les actes ». L’an 2 sera donc, selon lui : « Celui des décisions et des amplifications ». Et, « quoi qu’en pense le président d’EDF, la centrale nucléaire de Fessenheim fermera ».
Puis d’annoncer que le budget de l’Ademe ne sera pas revu à la baisse en 2014, que le principe d’une contribution climat énergie est acquis et qu’il est d’accord pour une convergence des taxes diesel/essence.
C’est au tour de Cécile Duflot de prendre la parole: « Les temps sont durs pour les habitants de notre pays. La crise économique est là, tout comme la crise sociale et on assiste à une forme de déprime dans la population. Le discrédit à l’encontre des politiques grandit ce qui rend encore plus difficile la conduite de chantiers de longue durée qui nécessite une confiance de la population ».
« Nous devons assécher le marais du désespoir qui touche notre pays »
A ses yeux: « Il faut tenir bon sur nos convictions, ne pas nous taire. Car, nous sommes dans un pays qui peut donner beaucoup de voix à l’extrême-droite dont les concepts ne cessent de progresser. Alors, oui, il nous faut faire reculer le FN mais aussi ses idées. Et nous devons assécher le marais du désespoir qui touche notre pays ».
Elle en vient alors à l’Europe: « Elle fut un rêve. Aujourd’hui elle apparaît plus comme un gendarme froid, brutal ». Elle plaide pour que l’Europe retrouve la voie des projets, redevienne un espace de conquête. Prévient, en revenant à la France : « Lorsque la gauche cherche ses ennemis à gauche, elle perd. Alors certaines mesures sont incomprises, d’autres courageuses. Et 66 millions de personnes attendent des perspectives ». Elle conclut: « Le monde change, la transition écologique est possible. Et, aujourd’hui, une ministre, cela agit, ouvre sa gueule et ne démissionne pas ».
Au préalable, Geneviève Azam, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac, Barbara Pompili, co-présidente du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale, le député européen José Bové sont également intervenus sur l’an 2 du quinquennat.
Geneviève Azam dénonce « un capitalisme qui semble bien ne plus pouvoir s’accommoder de la démocratie ». Avant de plaider pour un changement de cap « qui ne peut avoir lieu que s’il se produit à la fois en haut et en bas. L’histoire montre, en effet, que les changements durables ne peuvent se produire que si la société est en mouvement. Or, des changements existent déjà. On le voit notamment contre des grands projets inutiles tels la ligne à grande vitesse ou l’aéroport de Notre-Dame des Landes. La transition a commencé, les alternatives sont là ». José Bové lance pour sa part: « Rien n’a bougé sur les questions européennes. Nous ne sommes pas sortis de la logique des États. Or, seule la logique fédérale permettra de sortir du cadre des égoïsmes nationaux. Et il faut bien être conscient que sans l’Europe on ne pourra pas sortir de la crise ». Tandis que pour Barbara Pompili: « Il semble qu’il y ait maintenant une volonté de travailler ensemble avec le PS, les radicaux. Allons-y, il y a urgence et arrêtons de nous donner mutuellement des leçons ».
Michel CAIRE