L’accès aux soins discuté en colloque à l’université de Toulon

Publié le 23 mars 2021 à  10h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  15h44

Les 18 et 19 mars, l’Université de Toulon a organisé un colloque, en visioconférence, pour dresser un état des lieux de l’accès aux soins des personnes les plus démunies à l’épreuve de la Covid-19. L’idée étant également d’informer le public des dispositifs d’aide existant et de proposer de nouvelles pistes d’amélioration de l’accès aux soins.

Une slide du colloque de l'université de Toulon sur l'accès aux soins
Une slide du colloque de l’université de Toulon sur l’accès aux soins

Intervenants des universités françaises et d’associations sanitaires et sociales, professionnels de santé et spécialistes du droit se sont réunis autour d’un constat : le système de protection sociale français ne parvient pas à résoudre les difficultés d’accès aux soins, pour les personnes en situation de précarité.

Organisé par le Master 2 Droit et Gestion du Secteur Sanitaire et Social et le Centre d’Études et Recherches sur les Contentieux (CERC), le rendez-vous traitait de justice sociale, d’inégalité et de discrimination, de l’action du défenseur des droits, de la relation d’aide et de l’accompagnement. Quatre séances de questions-réponses abordaient les différents obstacles à l’accès aux soins, les nouveaux défis, la prévention…

« L’accès aux soins des personnes démunies est en nombre croissant. La crise n’a pas encore montré tous ses effets, les entreprises étant sous perfusion avec les aides et mesures de reports. Une fois la perfusion retirée, les propos de ce colloque trouveront une incidence accrue », présentait en préambule Sarah Farhi, directrice adjointe du CERC.

Le manque d’informations, une cause du manque d’accès aux soins

Concernant les démunis, les problématiques sont économiques, culturelles et sociales. Aux refus, dénis et renoncements des soins s’ajoutent le manque d’information ou l’impossibilité de remplir un dossier pour des raisons d’illettrisme, d’analphabétisme ou d’illectronisme. En effet, les études montrent que près de 25% de la population souffre d’inhabilité numérique ! D’après Sophie Sereno, maître de conférences Aix-Marseille, affiliée au Centre du Droit Social, la loi pourvoit à tous, même les personnes sans droit de séjour. C’est au niveau de l’application de la loi et des discriminations que le bât blesse : «Des dispositifs garantissent l’accès à la santé mais les personnes en situation de précarité sont éloignées de leurs droits. Il y a trois causes majeures à cela : la méconnaissance de leurs droits, la complexité des démarches et l’exclusion. Beaucoup renoncent à faire valoir leurs droits face aux difficultés rencontrées. Et de nombreux professionnels de santé refusent de soigner certains individus en raison de critères discriminatoires. Ces critères ne cessent d’augmenter.»

Agnès Gillino, coordinatrice de Médecins du monde à Nice, confirmait et complétait ces propos : «34 % des personnes sans droit au séjour que nous recevons, et qui sont là depuis plus de 10 ans, ne savent pas qu’ils ont des droits. Et puis il faut une adresse pour bénéficier de ces droits, on leur demande des papiers. Le verbiage administratif est une barrière, tout comme la barrière linguistique de la personne. Et la numérisation des démarches rend l’accès aux soins difficile. Enfin, il arrive qu’on leur refuse des soins jusque dans les hôpitaux. »

Le cas épineux et critique des invisibles

Le colloque était sous la direction scientifique de Philippe Pedrot, professeur de droit à l’université de Toulon, qui s’est exprimé sur la question épineuse de ces invisibles : «Les Japonais les appellent les évaporés, ces invisibles que l’on voit sans voir et qui souffrent de solitude et d’isolement. Les plus démunis ne sont pas seulement les sans-voix, ce sont les oubliés. Et ils se font plus nombreux, plus pauvres. La Covid, nous impose une situation inédite mais qui ne fait que révéler ce qui était sous-jacent, cette mutation mondiale que nous vivons depuis trente à quarante ans. Avec des institutions en perte de sens, comme en témoigne l’ouvrage « Les institutions du sens » du philosophe Vincent Descombes. L’institution médicale a pour sens de permettre un accès à tous, de soigner, de guérir mais aussi d’accompagner les personnes qui souffrent et d’aller vers les soins palliatifs. Ce n’est pas une question d’argent. Tout un chacun doit revenir au sens. Comme le juriste qui doit aussi chercher la justice sociale et le bien commun. »
Lætitia CECCALDI

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