Publié le 31 janvier 2021 à 10h46 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h35
La concession d’exploitation délivrée par la Collectivité de Corse, propriétaire du site, à la famille Mora arrive à échéance le 24 février. Entre les deux parties les négociations semblent au point mort. Au sein de la classe politique insulaire, des voix s’élèvent en faveur d’autres solutions. La fermeture du site n’est pas exclue.
Du côté de Rapaggio, au cœur de la Castagniccia, les questions fusent ? Quel avenir pour l’eau d’Orezza, dont la notoriété a largement dépassé les frontières insulaires et nationales ? Quid des 32 salariés alors que l’on ne sait pas si l’entreprise va poursuivre son activité ou fermer ses portes ? Dans le contexte actuel, c’est l’incertitude qui prédomine. Pour le moment, il y a d’un côté le propriétaire et de l’autre l’exploitant, la société nouvelle des eaux minérales d’Orezza, Sneemo, présidée par Marie-Laurence Mora. Au centre des discussions et des désaccords, se trouve un contrat de location-gérance devenu une pomme de discorde entre les deux parties.
Le point de friction se situe au niveau du foncier et plus précisément de parcelles attenantes au site et appartenant, en nom propre, aux Mora. La Collectivité de Corse envisageait dernièrement, de renouveler l’association pour les quatre années à venir. Elle prévoyait, en plus, d’ajouter 3 millions d’euros pour l’achat des terrains où sont installées cuves et machines. Malgré la rallonge, il semblerait que les termes de la transaction ne soient pas du goût de la famille. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse se déclare «obligé de considérer les négociations comme rompues». Plus loin encore, il réfléchit à «une solution alternative en concertation avec les salariés».
Un outil à développer au cœur de la Castagniccia
Le sujet devait être soumis à l’assemblée de Corse lors de la session du 28 et 29 janvier. Il n’en sera rien. Les discussions ont été reportées au 23 février ! A ce jour, le parti nationaliste « Core in fronte » s’est prononcé pour une gestion de l’usine en régie publique, avec la communauté de communes de Castagniccia-Casinca. Dans un communiqué, le groupe « Femu a Corsica » de l’assemblée de Corse a tenu à affirmer que «le temps où des exploitants privés prétendaient faire primer leurs intérêts sur l’intérêt général est définitivement révolu». D’ailleurs, il a fixé trois exigences pour la suite :
-garantir les emplois et les conditions de travail;
-préserver la ressource, la marque et le fonds de commerce, qui appartiennent à la Collectivité de Corse et doivent donc être gérés de façon optimale au plan économique, et dans des conditions permettant d’assurer la prééminence de l’intérêt public et de l’intérêt général;
-générer le maximum de retombées économiques directes et indirectes sur la région et sur la Corse.
U Partitu di a Nazione souhaite pérenniser ce symbole économique et culturel de la ruralité. Face aux enjeux d’une nouvelle DSP, le PNC appelle à «soutenir la seule option qui vaille, celle d’un outil à développer au cœur de la Castagniccia.»
Des vertus reconnues depuis l’Antiquité et une réussite industrielle
Ce qui est évident c’est que l’eau d’Orezza fait partie du patrimoine historique de l’Ile de Beauté. Dès l’Antiquité, les Romains célébraient les vertus thérapeutiques de ce doux breuvage à haute teneur en fer. Selon certaines légendes, elle redonnerait vitalité aux anémiés, préviendrait les « paresses gastro intestinales » et viendrait à bout, ou presque, du paludisme. Au XVIIIe siècle, Pasquale Paoli, le Général de la nation corse, ne manquait jamais de s’arrêter au moins une fois par an à Orezza pour boire quelques gorgées de cette eau « délicatement pétillante ».
Un peu plus tard, au XIXe, ce sont les curistes du monde entier qui sirotaient à la source pour soigner fièvres, troubles nerveux, hépatiques ou rénaux. Napoléon III a notamment déclaré cette eau d’intérêt public. Au fil des décennies la station Orezza est lentement passée de mode et inlassablement les bâtiments sont tombés en ruine. C’est donc en 1999 que le Conseil-général de la Haute Corse, propriétaire à cette époque, a donné la concession de service public à Pierre-Marie Vitani, maire de Tarrano. Il a dirigé cette société avec François-Xavier Mora, patron de Marne et Champagne. Très rapidement la stratégie industrielle engagée a été une réussite avec un chiffre d’affaire annuel qui s’élève encore à 9,3 M€.
Une entreprise bénéficiaire qui risque de fermer
Ce qui est le plus étonnant, c’est que si aujourd’hui les Eaux d’Orezza sont en difficulté, ce n’est pas forcément pour des questions de rentabilité. Surtout pas d’ailleurs ! Face à la situation pour le moins trouble et le licenciement, il y a peu, du directeur Jean-Louis Rossi, les discussions se sont également tendues entre salariés et patrons. Un prétexte, diront certains, pour les employés de manifester leur mécontentement de ne pas maîtriser leur avenir au sein d’une entreprise qui a tout pour se porter au mieux et se développer. Un véritable paradoxe.
Nathalie Rossi