Publié le 12 mars 2016 à 21h17 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 22h05
Faut-il ramener à la lumière des œuvres qui ont été données il y a plus de 300 ans dans un contexte très particulier de fêtes vénitiennes ? Nous serions tentés de répondre «oui». Car, après «Elena» de Cavalli, dont la résurrection fut programmée au Festival d’Aix-en-Provence, il y a quelques années, sous la direction de Leonardo Garcia Alarcon, pour Mars en baroque, Jean-Marc Aymes a choisi cette année de redonner musique et vie à «L’Oristeo» du même Cavalli. La première de cette re-création mondiale a eu lieu vendredi soir dans une grande salle de La Criée qui avait fait le plein d’un public de connaisseurs venu de l’Europe entière. Et l’événement a été accueilli avec chaleur. Un succès mérité.
«L’Oristeo travestito» est une «fable dramatique pour la musique». On est ici sur une frontière entre drame et comédie et l’action se déroule entre récitatifs et arias. Jean-François Lattarico, musicologue émérite, nous confiait qu’il est connu que Cavalli demandait à ses interprètes de ne jamais tomber d’un côté ou d’un autre entre drame et comédie. C’est certainement un des axes de travail suivi par Olivier Lexa, le metteur en scène de cette re-création, même si quelques scènes poussent les personnages à certaines extrémités, comme se rouler sur scène sans élégance ou adopter des démarches appuyées empruntées à la commedia dell’arte. Parti pris pas réellement gênant, mais parfois perturbant. Le dispositif scénique est intelligent avec une vidéo projection pour créer l’unité de lieu et la notion de temps qui passe. Une première partie avec les cordes de l’orchestre à jardin et les vents à cour, puis tout le monde à cour pour la deuxième partie, des éléments de décor à minima mais judicieusement choisis et une vraie ambiance pour le théâtre favorisée par les dizaines de cierges qui éclairent l’orchestre et la pénombre ambiante. Signalons que les costumes, fournis par l’Opéra de Marseille, ont été très bien choisis par Julia Didier.
Musicalement, Jean-Marc Aymes a fait un énorme travail pour restituer la partition de façon à ce qu’elle soit attractive pour un large public, sans la dénaturer et en lui offrant un rythme soutenu qui permet au spectateur de rester dans l’action. Même si, en première partie, certaines longueurs favorisent pour quelques-uns le rapprochement avec Morphée. Une fois que les vents ont trouvé le cap, toutes les qualités de la composition de Cavalli se sont exprimées, avec finesse, assurance et beauté. Vocalement, le plateau est à la hauteur de l’événement, tous les interprètes faisant preuve d’une grande maîtrise scénique et de qualités vocales indéniables qui s’expriment, parfois, dans des conditions difficiles de par les attitudes générées par la mise en scène. Particulièrement appréciées du côté féminin de la distribution, Aurora Tirotta, Diomeda et Lucie Roche, Corinta ; deux superbes voix pour deux parties ardues. De très beaux moments d’ensemble, aussi, avec les trois grâces : Pascal Bertin, Maïlys de Villoutreys et Lise Viricel qui embrassaient aussi avec bonheur d’autres rôles au cours de la représentation. Zachary Wilder fut un bon Trasimede et Romain Dayez, remarquable dans le rôle-titre, a démontré ici, à 27 ans tout juste, l’étendue d’un réel talent de comédien mais aussi de baryton à la carrière prometteuse.
Alors oui, il faut recréer ces œuvres si c’est à l’instar de ce qui a été fait à Aix-en-Provence ou ces dernières heures à Marseille. Et redonner à ce théâtre toute sa verve populaire et son excellence musicale sans tomber dans les excès de la vulgarité facile, d’une part, ou de la musique pour initiés, d’autre part.
Michel EGEA
Pratique. Deuxième représentation ce dimanche 13 mars à 15 heures à La Criée. Places en vente au guichet. « L’Oristeo » sera diffusé sur France Musique le 19 mars à 19h08.