La boîte à Polars de Jean-Rémi Barland. ‘Le bureau des affaires occultes’ d’Eric Fouassier : Monarchie de Juillet et crimes de l’automne.

Publié le 25 septembre 2021 à  19h57 - Dernière mise à  jour le 1 novembre 2022 à  16h30

Il y avait le nullissime inspecteur Flambart interprété par le génial Marc Dudicourt, que Vidocq, joué par Claude Brasseur, mettait en échec dans le feuilleton télévisé en treize épisodes signé Marcel Bluwal et Georges Neveux, diffusé entre le 5 janvier 1971 et le 10 décembre 1973 sur la première chaîne de l’ORTF. Il y a désormais, et le clin d’œil est explicite le commissaire Jules Flanchard, fin limier quant à lui, super flic chef de la Sûreté dans le Paris de 1830. On le trouve comme un des acteurs principaux du roman d’Eric Fouassier «Le bureau des affaires occultes» où l’on croise également Vidocq, en charge de bien étranges affaires criminelles.

Eric Fouassier, un grand maître du polar érudit ©Astrid di Crollalanza
Eric Fouassier, un grand maître du polar érudit ©Astrid di Crollalanza

C’est lui Flanchard, crinière de lion, épais favoris, stature de lutteur, traits un peu frustes, plis ironiques au coin des lèvres, regard clair, gestes tout en retenue, qui convoque dans son bureau un certain Valentin Verne, jeune flic de la brigade des mœurs traquant un mystérieux prédateur sexuel surnommé «Le Vicaire» un dangereux criminel coupable de garder captifs des enfants sur lesquels, on le devine, il se livre à des actes pédophiles.

En charge de la brigade de Sûreté créée par Vidocq en personne, le commissaire demande à Valentin Verne (prénom qui rappelle celui d’un des flics de la série télé «Les brigades du Tigre»), de venir rejoindre son équipe afin d’élucider la mort suspecte à l’automne 1830 de Lucien Dauvergne, le fils d’un homme distingué tout nouveau député à la Chambre. Le jeune homme se serait donné la mort en se jetant volontairement d’une fenêtre de l’hôtel paternel, tué sur le coup en présence de sa mère. On verra que ce prétendu suicide est un meurtre mettant en cause des responsables politiques de la Monarchie de Juillet.

La Monarchie de Juillet, vraie personnage du roman

«Lorsque j’ai commencé à imaginer les aventures d’un policier chargé d’élucider des affaires occultes qui me fourniraient un prétexte pour évoquer les nombreuses découvertes ou inventions du dix-neuvième siècle, la période de la monarchie de Juillet (1830-1848) s’est rapidement imposée à moi», explique Eric Fouassier précisant que ces années furent décisives d’un point de vue de l’essor économique du pays, et du développement des techniques qui contribuèrent «à susciter la grande expansion économique qui devait s’épanouir sous le Second Empire». Notant que cependant la misère des classes les moins favorisées et la diversité des oppositions engendrant une grande instabilité politique conduisant à l’usure des institutions héritées de l’Ancien Régime, l’auteur donne corps à une sorte de cour des miracles du crime, avec vue sur nantis et miséreux, décrits avec soin.

Au centre du récit Valentin Verne, se démène se bat en duel au pistolet, échappe à la mort comme par miracle, se verra accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et qui le renvoie aux blessures de l’enfance, et surtout devra démêler outre l’affaire Dauvergne la mort elle aussi suspecte d’un certain Michel Tirancourt, voyageur de commerce et bonapartiste notoire qui se serait donné la mort dans une maison galante proche du Palais-Royal. Là encore le crime a été maquillé en suicide, et la réponse pourrait bien être donnée par le docteur Edouard Tusseau, praticien légiste, médecin attitré des Dauvergne, et ami de la famille. Ajoutez la présence d’Evariste Galois, d’une mystérieuse Aglaé Marceau, comédienne de vingt-deux ans très proche semble-t-il du défunt Dauvergne, saupoudrez le tout d’un club du « Renouveau Jacobin » et du «Journal intime» de l’énigmatique Damien Combes, à l’identité floue, qui surgit par pages entières au milieu du récit, et vous aurez les ingrédients principaux de ce polar érudit, intelligent, et virtuose.

Un air du Rouletabille de Gaston Leroux

Pour enrichir le tout d’une histoire familiale tragique et complexe, Eric Fouassier prête à son personnage de Valentin Verne, le caractère romantique et déterminé du Rouletabille de Gaston Leroux en chasse d’un criminel, et aux prises avec de stupéfiantes révélations de son propre père. Et c’est absolument bouleversant. Qui est le chasseur ? Qui est le gibier ? Comment Valentin en est-il arrivé à devenir féru de chimie, et de médecine cultivant un goût pour le mystérieux et l’irrationnel ? Là encore le roman propose des réponses hors normes, et inattendues, qui laissent entendre que l’affaire des agissements du Vicaire appelle ici un autre épisode romanesque. Vidocq, Lecocq, Nicolas le Floch n’ont qu’à bien se tenir… Un nouvel héros les a rejoints dans la famille des grands détectives de l’Histoire. Il s’appelle Valentin Verne, et il est totalement irrésistible de panache de virtuosité et de courage. Vite… la suite !
Jean-Rémi BARLAND
«Le bureau des affaires occultes» d’Eric Fouassier. Albin Michel, 360 pages, 20,90€
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