La boîte à Polars de Jean-Rémi Barland. « Le chant maléfique », 4e tome de la série « Le bureau des affaires occultes » d’Eric Fouassier : Vendée sanglante pour thriller diabolique

« J’aime passionnément le mystère, parce que j’ai toujours l’espoir de le débrouiller », écrivait Charles Baudelaire dans « Le spleen de Paris ». Après un doctorat en pharmacie, puis un autre en droit, passionné d’énigmes, de codes secrets, expert en l’art d’associer les destins individuels aux soubresauts de la grande Histoire, Eric Fouassier a fait sienne cette pensée en la rendant vivante au cœur de romans historiques diaboliques. Des polars sang pour sang devrait-on dire… où une connaissance sans failles des époques et des milieux traversés a donné naissance à la série  « Le bureau des affaires occultes ».

Destimed Fouassier
Eric Fouassier, un auteur historien et romancier virtuose. (Photo Astrid di Crollalanza)

Ça va vite, c’est impressionnant, et nous en sommes avec « Le chant maléfique », qui paraît comme les précédents chez Albin Michel, au quatrième tome des aventures de Valentin Verne. Dandy fortuné, scientifique chevronné, génial créateur du Bureau des affaires occultes, enquêteur sans peurs, ni reproches, mais très amoureux de son intrépide collègue Aglaé Marceau, ancienne actrice du boulevard du Crime devenue la première femme à avoir officiellement intégré l’une des brigades de cette institution policière pas comme les autres, le voilà confronté à une affaire étrange où le vice se mêle au crime.

Choléra à Paris en mai 1832 et bocage vendéen maudit

« Les yeux perçants suivent de loin le frémissement des hautes herbes », nous dit-on en préambule d’un prologue très panthéiste. L’action va d’abord nous conduire en Mai 1832 dans un Paris submergé par une épidémie de choléra qui vide ses rues. Un calme apparent cependant car au loin se fait entendre dans le bocage vendéen un chant maléfique qui va sortir Valentin d’une certaine forme de quiétude, et l’entraîner là-bas dans une course-poursuite folle. Valentin qui n’est pas sans rappeler le Rouletabille des romans de Gaston Leroux vient de fait d’être envoyé en Vendée où subsistent les derniers foyers d’agitation royaliste qui rêvent de mettre sur le Trône de France le fils de la Duchesse de Berry (Henri V) en lieu et place de Louis-Philippe. Il doit aussi infiltrer les conspirateurs pour mieux enquêter sur une série de crimes qui gênent le pouvoir parisien. Quelle créature funeste hante le bocage ? Que signifie ce chant maléfique qui retentit la nuit pour annoncer de singuliers trépas ? Certains y voient la main des espions de Louis-Philippe, d’autres évoquant l’aloubi, ce passeur du diable qui glisse sur les marais dans sa barque de brume. A moins qu’il ne s’agisse d’une malédiction venue d’au-delà des mers, dont les exécutants seraient les adorateurs d’une mystérieuse déesse. Rumeur ou réalité ? Qui croire ?

 Une Duchesse et une policière amoureuse….

La mission de Valentin s’avèrera extrêmement compliquée, car- cherchez la femme par qui le scandale arrive- débarque de manière imprévue chez un des notables de la région, la Duchesse de Berry… en personne. Se défaisant des implications politiques nées de la situation, Valentin, policier intègre qui emprunte beaucoup de traits de caractère à un certain Vidocq, que l’on va croiser ici, « tignasse rebelle, et gros doigts noueux » fait feu de tout bois. De tout marécages devrait-on dire. Mais autre difficulté pour lui, intime cette fois il se languit de sa fiancée et collègue Aglaé restée à Paris. Cette dernière n’a pas néanmoins le temps de s’ennuyer occupée à prouver l’innocence d’un de ses amis accusé de meurtre et qui croupit dans une sordide prison. Le meurtre d’un certain Crayencourt, et la découverte, du ou des coupables, l’occupe à temps plein. Un poème de Félix Arvers publié dans un recueil de poésie intitulé « Les heures perdues » tiendra lieu de fil rouge lors d’un épilogue rocambolesque autant qu’émouvant. La manière dont Eric Fouassier enchâsse les différentes intrigues et points de vue des uns et des autres est d’une virtuosité sans failles. Thriller, récit d’espionnage, doublé d’un récit sentimental, « Le chant maléfique » que l’on peut lire indépendamment des autres ouvrages de la série, brille dans l’œuvre d’Eric Fouassier comme une de ses plus formidables réussites.

Jean-Rémi BARLAND

« Le chant maléfique », tome 4 de la série d’Eric Fouassier « Le bureau des affaires occultes» – Albin Michel – 410 pages – 21,90 €

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