Le premier ministre a donc demandé à l’ancien PDG de La Poste de l’aider à résoudre l’imbroglio du travail le dimanche. D’ici à deux mois, Jean-Paul Bailly devra rendre sa copie pour clarifier le cadre juridique de l’ouverture dominicale.
Il est regrettable que Jean-Marc Ayrault n’ait pas cru bon d’élargir cette réflexion au travail nocturne, alors qu’une interdiction judiciaire vient de frapper l’enseigne Séphora sur les Champs-Elysées, contrainte de baisser le rideau à 21 heures, au lieu de minuit. Mais sans doute Ayrault n’a-t-il pas voulu prendre un risque supplémentaire face aux syndicats, dont le pouvoir de nuisance est inversement proportionnel à la représentativité.
Un problème, une commission : François Hollande fait immanquablement penser au petit père Queuille. Cette figure du radicalisme des IIIe et IVe Républiques, dont la modestie de caractère renvoie à la « normalité » revendiquée du chef de l’État, n’avait pas son pareil pour esquiver les dossiers qui fâchent. Et noyer le poisson. On doit à Henri Queuille, trois fois présidents du Conseil, quelques aphorismes qui resteront fameux. Dont celui-ci : « La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent » ; et sa variation : « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ».
C’est dire le courage de Queuille. Hollande est bien son digne héritier. Attendons les conclusions des travaux de Bailly, dont on ne doute pas de la compétence. On peut en revanche s’interroger sur le sort qui leur sera réservé. Hollande excelle dans l’art de cacher la poussière sous le tapis.
On se demande d’ailleurs pourquoi la mission n’a pas été confiée à la ministre du Commerce et de l’Artisanat elle-même. Le sujet n’est-il pas de la compétence de la radicale de gauche Sylvia Pinel et de ses services. La polémique sur le travail dominical n’est pas née, cette fois, d’une mesure gouvernementale, mais de décisions de justice. Mme Pinel était donc vierge de tout reproche, précédée d’aucune casserole dans cette affaire. Sans doute son projet de réforme catastrophique de l’auto entreprise lui a-t-il été fatidique. La confiance règne au gouvernement.
Cette histoire de travail le dimanche et la façon dont Hollande et Ayrault tentent de la désamorcer illustrent en tous points deux sentiments grandissants. Le pouvoir exécutif ne sait pas prendre ses responsabilités, assumer son rôle. Et comme il est en perpétuelle défausse, sa parole est de plus en plus discréditée dans l’opinion. Il est inaudible, il n’imprime pas. La fracture s’aggrave. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pas uniquement le dimanche !