Publié le 2 juillet 2015 à 19h01 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h19
A 42 ans, Jérémie Rhorer est l’un des directeurs musicaux français qui brillent au pupitre des salles les plus réputées dans le monde. Ce 3 juillet à l’Archevêché, il dirige «L’enlèvement au Sérail» de Mozart à l’Archevêché d’Aix-en-Provence. Il a accepté de répondre à nos questions. Rencontre.
Destimed: Après 2008 et 2012, ce sont de nouvelles retrouvailles avec le Festival d’Aix. C’est toujours comme la première fois?
Jérémie Rhorer: Vous savez, pour moi, Aix, c’est très particulier. J’y ai découvert l’opéra en 1989; un ami m’avait invité à voir «Cosi fan tutte» à l’Archevêché. Pour moi qui ne pratiquait la musique qu’en version symphonique, ce fut une révélation. Puis j’ai eu le bonheur de rencontrer Gabriel Dussurget qui m’a définitivement convaincu qu’Aix-en-Provence et l’opéra étaient liés à tout jamais. Professionnellement, j’ai d’abord fréquenté le festival comme assistant lorsque Stéphane Lissner était directeur. Mais c’est surtout Bernard Foccroulle qui m’a fait confiance et m’a donné l’occasion d’y faire mes débuts. C’est quelqu’un d’extraordinaire. Il possède une acuité de jugement très forte sur les metteurs en scène et les chefs d’orchestre, c’est précieux et rare. En plaçant le chef d’orchestre aux côtés du metteur en scène et en les associant au choix du casting, il permet à une production de se développer dans la cohérence. Puis il accompagne cette production à tous les instants.
Vous comptez aujourd’hui au rang des directeurs musicaux français qui se produisent partout dans le monde. Une belle satisfaction pour vous, non ?
J’en suis très heureux. Mais c’est d’abord, avant tout et toujours, du travail. Rien n’est jamais gagné d’avance, tout est régulièrement remis en question, c’est un combat quotidien. Ce métier ne pardonne pas l’approximation. Il y a une différence entre le concept et la réalisation. Avoir l’idée de quelque chose n’est pas sa finalisation.
C’est la réalisation qui donne son sens au concept; c’est toute la différence qu’il y a entre dire et faire.
Avec les Pichon, Romano, Simon, vous appartenez à une génération de chefs assez exceptionnelle. Comment analysez-vous cela ?
La France a des qualités dans la spontanéité. Elle sait produire des artistes, chefs d’orchestre mais aussi instrumentistes, en mettant en place des structures pédagogiques adaptées. Mais elle peine ensuite à les accompagner et à leur offrir la possibilité de s’exprimer et de se développer.
Est-ce pour ça que vous avez créé votre ensemble, Le Cercle de l’Harmonie, que Raphaël Pichon a créé Pygmalion, que Mathieu Romano a créé Aedes…
En fait, nous nous sommes donnés notre propre outil de travail et nous le faisons vivre. Puis, on travaille bien avec les gens que l’on aime et qui nous aiment. Nous pouvons nous exprimer en leur compagnie. Je pense que sous la pression de ces ensembles, les choses peuvent évoluer de manière très positive en France. Cela dit, nous sommes tous un peu les enfants des Minkowski, Herreweghe ou Christie qui ont montré la voie. Même si, pour ma part, je tiens à développer ma carrière symphonique en portant un regard bienveillant, mais aussi différent, sur le milieu de la musique ancienne qui peut parfois être limitant.
Que pensez vous de la création de la salle de la Philharmonie à Paris?
Je suis très attaché au Théâtre des Champs Élysées…
Quels sont vos projets pour les mois à venir ?
Je compose actuellement pour Jean-Yves Thibaudet un concerto pour piano que nous créerons avec le Philharmonia orchestra de Londres. J’ai des concerts programmés à Rotterdam puis à Liepzig. Je vais ensuite diriger «Stiffelio» de Verdi à Francfort, «Béatrice et Bénédicte» à La Monnaie à Bruxelles, «Boulevard Solitude» de Henze à Copenhague…
C’est beaucoup d’opéras pour quelqu’un qui veut privilégier le symphonique ?
Effectivement. Et j’essaye de limiter la direction d’opéras. Lorsque j’en dirige, je tiens à le faire dans des conditions exceptionnelles comme celles qui sont proposées ici, au Festival d’Aix.
Et le Cercle de l’Harmonie?
Le Cercle se développe, même s’il reste fragile financièrement.
L’année prochaine nous aurons l’occasion de jouer au Festival de Salzbourg, ce qui m’enchante.
Une dernière question concernant votre photographie qui illustre cet article. Elle est signée par la Fondation Franco Britannique de Sillery. Pouvez-vous nous en dire plus?
Je suis heureux que vous me posiez cette question. Il s’agit d’une structure qui associe des personnes handicapées avec des professionnels de tous les métiers, y compris des photographes. Au Cercle de l’Harmonie nous avons souhaité soutenir cette démarche en accueillant ces personnes afin qu’elles puissent réaliser des photographies.
Propos recueillis par Michel EGEA
Pratique. «L’Enlèvement au Sérail» de Mozart. Représentations les 3, 6, 8 , 11, 13, 17 et 21 juillet à 21h30 au Théâtre de l’Archevêché. Informations et réservations au 08 20 922 923 et sur festival-aix.com – Tarifs de 30 à 250 euros. Le Festival informe que dans le cadre du plan vigipirate renforcé et à la demande de la sous-préfecture, une fouille visuelle de tous les sacs des spectateurs sera effectuée à l’entrée des lieux de représentation. Par ailleurs, aucune valise, sac à dos ou sac volumineux ne pourra être accepté à l’intérieur des sites. Afin de faciliter votre accueil, il est recommandé d’anticiper votre arrivée au théâtre. L’équipe de la boutique du Festival est à votre disposition pour toute précision soit par téléphone au 0820 922 923 (12cts€/min) soit à la boutique du Festival, Palais de l’Ancien Archevêché, 13100 Aix-en-Provence (ouverte tous les jours de 10 heures à 19 heures en continu)