Publié le 1 avril 2015 à 13h38 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h47
S’ils n’ont décroché que la cuillère de bois au dernier tournoi des VI nations de rugby, les écossais ont de quoi se consoler avec leur «Scottish Chamber Orchestra» qui compte désormais au rang des meilleurs ensembles de ce format sur la planète musicale. En l’invitant, c’est donc une belle découverte en «live» que nous proposaient le Festival de Pâques et son directeur musical Renaud Capuçon pour la deuxième soirée au Grand Théâtre de Provence, rendez-vous affichant complet pour l’occasion.
Ce qui caractérise avant tout le «Scottish» c’est un son, plein, coloré, très agréable illustrant une maîtrise parfaite des instruments d’époque. C’est aussi une attention de tous les instants et une précision qui font merveille. Treize violons, (8 premiers, 5 seconds) quatre altos, quatre violoncelles et trois contrebasses : il n’en faut pas plus au pupitre de cordes pour développer sa musicalité de velours, jamais mis en défaut, ni couvert, par des vents dont la précision n’a d’égale que la clarté. A souligner l’excellence du travail des cuivres que ce soit côté cors ou côté trombones en passant par les trompettes naturelles. Souverains, ces Écossais, vous dit-on. Mais pas encore indépendants… Car le roi reste Anglais. Et se nomme Robin Ticciati. Formé, excusez du peu, par les «Sir» Colin Davis et Simon Rattle, le jeune directeur musical profite du niveau du «Scottish» et de ses musiciens afin de dépoussiérer le répertoire. Nous en voulons pour preuve sa lecture de la Symphonie n°9 en ut majeur, dite «grande symphonie» de Schubert toute de vie et de puissance. On est loin des «sirops» trop souvent servis concernant cette œuvre. Architecte de la musique, Robin Ticciati construit son interprétation pierre après pierre, de façon parfois spectaculaire; mais aucun de ses gestes n’est gratuit. Chaque mouvement de ses mains a une signification et un, ou plusieurs destinataires qui, dans l’orchestre, s’empressent de mettre en notes et en nuances les ordres du maître. Car oui, Ticciati est magistral. Pour Schubert, dont toutes les subtilités de la grande symphonie sont mises en avant avec personnalité, mais aussi pour Beethoven dont le Concerto pour violon ouvrait la soirée avec, en soliste, Renaud Capuçon en personne. Tous les violonistes dignes de ce nom se sont confrontés, un jour, à cette partition considérée comme l’une des plus importantes de Beethoven. Renaud Capuçon n’échappe pas à la règle. Mais mardi soir, pour sa «nième» interprétation du concerto, c’est un moment hors du temps que nous avons vécu. Un de ces moments où toutes les planètes sont dans un alignement parfait. Orchestre, directeur musical, soliste sur la même inspiration et la même aspiration à l’excellence. Et le violon lumineux de Renaud Capuçon qui s’exprime. L’instrument a un son hors du commun, on le sait. Mais cette fois-ci, il y avait un petit plus. Des aigus limpides et cristallins, des graves ronds et voluptueux et un toucher d’archet précis et aérien. Du très grand Renaud Capuçon qui, au-delà de l’attention de la salle, a su capter celle de tous les musiciens du Scottish Chamber Orchestra. Leurs regards étaient comme aimantés, tournés vers le soliste, pendant la cadence. Un moment unique. Du bonheur, vous dit-on, rien que du bonheur. C’est ça le Festival de Pâques à Aix-en-Provence.
Michel EGEA