Publié le 2 avril 2015 à 17h34 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h47
1982: Les Boréades; 1983: Hippolyte et Aricie; 1984: Le Messie et un concert Mozart; 1985: Les Noces de Figaro et 1987: Iphigénie en Aulide…
John Eliot Gardiner, qui n’était pas encore «Sir», a marqué de son talent le Festival International d’Aix-en-Provence ces années-là. C’était l’époque du retour en grâce de la musique baroque, celle où les Malgoire, Christie, Gardiner et quelques autres imposaient magistralement le « la 415 », hauteur du diapason baroque, sur les scènes d’Europe. Vingt-huit ans après avoir quitté Aix-en-Provence, John Eliot Gardiner, élevé entre temps par sa gracieuse Majesté au rang de «Sir», a retrouvé les rives du cours Mirabeau, répondant à l’invitation de l’équipe du Festival de Pâques. Retrouvailles «plaisantes», nous a-t-il confié avec un centre ville qu’il a voulu faire découvrir à son épouse. Mercredi soir, au Grand Théâtre de Provence, c’était donc le retour du chef prodige à la tête de deux des ses «enfants» merveilleux : l’English Baroque Soloists et le Monteverdi Choir. Au programme, la Messe en si mineur BWV 232 de Jean-Sébastien Bach. «So British», Sir Gardiner est entré sur scène vêtu d’une veste de velours à effet moiré vert et noir. Entre les violons et les vents, au centre de la scène, il a pris place, sans partition. L’une des soirées les plus remarquables jamais vécues là pouvait débuter. Entre Bach et John Eliot Gardiner, c’est une longue, très longue histoire. On ne compte plus ses participations aux festivals et autres manifestations liées au cantor de Liepzig, ville où sont rassemblées les Archives Bach dont le maestro anglais est Président. On ne compte plus, aussi, les enregistrements consacrés à Jean-Sébastien qui ont été gravés sous sa direction. Avec cette Messe, John Eliot Gardiner a plongé le Grand Théâtre de Provence dans une ambiance très particulière. Recueillement pour les uns, attention extrême pour les autres, il n’en fallait pas plus pour mettre en sourdine les «tousseurs» plus ou moins discrets, souvent moins, hélas, qui improvisent entre les mouvements. La direction de Gardiner fascine. Il se déplace latéralement sur l’espace qui lui est attribué et fait corps avec ses musiciens. Ses mains sont impressionnantes et travaillent sans relâche pendant plus d’une heure et cinquante minutes. Nul besoin de baguette pour la précision. Il est vrai qu’entre l’orchestre et son directeur musical, ici aussi l’histoire est longue… Comment caractériser le travail des musiciens ? On parlera de finesse et de nuances. Belles cordes, vents remarquables, notamment les flûtes et les hautbois et trompettes précises et nettes. Quant au chœur, il est égal à sa réputation, solide à tous les pupitres, répondant avec une grande réactivité aux sollicitations de John Eliot Gardiner. Issus de ses rangs, les solistes travaillent avec attention et qualité. Le chef joue même avec le positionnement du chœur pour obtenir le meilleur rendu sonore possible, allant même jusqu’à le dédoubler. Un travail minutieux et intéressant qui portera ses fruits puisqu’à l’issue du concert c’est une très longue ovation qui est venue saluer les artistes pour finir en ovation debout. Un triomphe, donc, pour le retour du chef prodige que nous pourrions retrouver ici même dans quelques mois… Histoire de ne pas attendre 28 ans pour un nouveau bonheur en sa compagnie.
Michel EGEA