Publié le 5 avril 2014 à 18h59 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h47
«On peut obliger un âne à se rendre à la source, on ne peut l’obliger à boire».C’est ce que le secrétaire d’État américain John Kerry vient de dire aux Israéliens et aux Palestiniens, tant il est découragé par la difficulté à faire revenir les deux parties à la table de négociations, et à prolonger celles-ci, après la date de fin des négociations, initialement fixée au 29 avril prochain.
Devant la mauvaise volonté manifestée par les Israéliens et les Palestiniens, il a décidé d’annuler les réunions initialement prévues. Cependant il continue de manière obstinée à chercher à infléchir leurs positions, estimant qu’officiellement aucune des deux parties n’a décidé de se retirer de la table de négociations, probablement pour ne pas courir le risque d’être considéré, par la communauté internationale et en particulier par les Américains, comme les responsables de l’échec. Pourtant, prenant en compte les attitudes rigides, les Américains ont baissé la barre, de la recherche d’une paix globale, on est passé à moins qu’un accord-cadre, pour arriver maintenant tout simplement à ce que les négociations ne soient pas rompues et puissent se poursuivre après le 29 avril.
Depuis Alger où il se trouve Kerry a invité les deux parties à «diriger» la négociation, considérant qu’il y a des limites de ce que l’administration d’Obama peut accepter, renvoyant les deux parties dos-dos. Il promet cependant de poursuivre ses efforts mais, ajoute-t-il, «on ne peut obliger un cheval (…), mais maintenant…, il est temps de boire». Il est reproché aux Israéliens de ne pas avoir libéré, le 29 mars dernier, les 26 prisonniers qu’ils s’étaient engagés à libérer, et aux Palestiniens de demander officiellement à faire partie de plusieurs organisations internationales, ce que M. Abbas s’était engagé à ne pas faire. Depuis, chaque partie a posé de nouvelles préconditions. Les Israéliens demandent que le Hamas et le Fatah, parti de M. Abbas, se réconcilient, afin que la négociation engage l’ensemble des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. A leur tour, les Palestiniens ont déposé une longue liste de préconditions, que les Israéliens se sont empressés de rejeter. Ces préconditions sont : Israël doit s’engager à l’établissement d’un État palestinien sur les lignes de 67, avec Jérusalem-Est comme capitale; la libération de 1 200 prisonniers y compris Marwan Barghouti, ex-chef des Tanzim, et Ahmed Saadat; l’arrêt des constructions en Cisjordanie; la garantie qu’Israël accordera la nationalité palestinienne à 15 000 palestiniens réfugiés pour raison de réunification familiale; la fin du blocus de Gaza; le retrait de l’armée israélienne des villes palestiniennes (zone A) et enfin un contrôle croissant des Palestiniens de la zone C.
Mercredi soir, Tsipi Livni et Saeb Erakat, les deux responsables de la négociation ont décidé de se rencontrer à nouveau. L’entretien s’est très mal passé. Les deux parties ont semble-t-il décidé de jouer un jeu à somme nulle. Les gains de l’un sont les pertes de l’autre. Chaque partie se retranche sur ses positions, estimant probablement avoir la justice et le bon sens de son côté.
Certes, on ne peut obliger un âne à boire, mais cependant on peut le faire courir pour qu’il ait soif. Et, à cet égard, il y a deux manières d’y arriver : utiliser soit la carotte soit le bâton.
La carotte. Concernant les israéliens il serait question de la libération de Jonathan Pollard, américain qui, il y a 29 ans a espionné au profit d’Israël en contrepartie de la libération de prisonniers israéliens. Concernant les Palestiniens, les Américains ont décidé de maintenir l’aide substantielle qu’ils leur accordent.
Le bâton. Les États-Unis semblent prêts à se retirer de la table de négociation. Kerry serait prêt à renoncer à être le « go-between » entre les parties. Le porte-parole du Département d’État, Marie Harf, demande aux deux parties de «se regarder dans la glace…et de réfléchir »(1). Menace à peine voilée.
Pourtant la question essentielle n’est pas de savoir si les Palestiniens vont ou non reconnaître Israël comme État juif, si les Israéliens vont s’engager à stopper les constructions en Cisjordanie et en particulier à Jérusalem-Est, si le Hamas et le Fatah vont enfin se réconcilier. Non, la question essentielle est le processus de paix lui-même. Il s’agit d’arriver à un compromis permettant de mettre fin, définitivement au conflit. Les deux peuples méritent mieux. Est-ce que les questions clés du conflit, le tracé des frontières, l’avenir des implantations israéliennes en Cisjordanie, la résolution de la question des réfugiés, vont enfin pouvoir trouver des réponses qui satisfassent les deux parties ?
*Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.
(1) « I think they are at a very critical point, both sides need to take a really hard look in the mirror and they need to determine what choices they’re willing to make going forward. I think this a point for refection »