Publié le 13 octobre 2014 à 11h09 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h22
Les espoirs qu’une paix puisse s’établir entre Israéliens et Palestiniens dans les prochaines années, ne sont pas éteints, car les alliances stratégiques se modifient au Moyen-Orient et incitent les différents États de la région à modifier leur attitude.
-(a) La double menace que représentent un Iran nucléarisé, «l’État islamique», ont rapproché Israël d’importants pays arabes, tels l’Égypte et l’Arabie Saoudite. Les deux pays qui ne se rapprochent pas de cette alliance de fait sont le Qatar et la Turquie. Il est fort probable que le premier de ces deux pays, le Qatar, modifie son attitude dans les prochaines semaines, car il subit une double pression, de l’Arabie Saoudite d’une part et de la menace, de moins en moins voilée, de remettre en cause l’organisation de la Coupe du monde de football dans la capitale qatari, Doha.
-(b) C’est probablement sous la pression de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite et de la Jordanie, que le Hamas a accepté que le Président Abbas et son gouvernement dirigé par Rami Hamdallah prennent en charge la reconstruction de la Bande de Gaza. Finalement, le Président Abbas, et le parti Fatah apparaissent ainsi « les gagnants » de l’opération israélienne dans la Bande de Gaza (Protective Edge).
-(c) Jusque-là, Israël avait toujours refusé qu’un pouvoir autre que le Hamas dirige la Bande de Gaza. Les Israéliens n’ont pas cherché à l’éliminer au mois d’août dernier, à condition toutefois, que celui-ci soit faible militairement. Son attitude vient de se modifier. Israël a accepté de coopérer aux opérations de reconstruction de Gaza menées par un pouvoir autre que le Hamas. Ce changement d’attitude le rapproche ainsi de l’Égypte et de l’Arabie Saoudite. En conséquence l’objectif de la reconstruction de Gaza s’est modifié. Au volet humanitaire s’est ajouté un volet stratégique. La reconstruction ne se résume pas seulement à la réhabilitation des infrastructures, aux opérations immobilières. Il n’est pas inconséquent de penser que les discussions qui débutent au Caire et qui ont pour objet officiel de lancer le programme de reconstruction, s’en tiennent qu’à des questions matérielles. Il s’agira, très probablement, d’une opération visant à unifier les administrations de Cisjordanie et de Gaza. Les différents ministères devront s’atteler à la tâche de réunification des services civils. A cet égard, il faudra surveiller, de près la manière dont va s’opérer la fusion des systèmes d’éducation.
Et au-delà, les Américains vont sans doute profiter de cette opération humanitaire pour relancer les négociations entre Israéliens et Palestiniens. A quelles conditions ? Dès 2012, Jen-Pierre Filiu (1) évoquait la possibilité qu’un triptyque vertueux puisse un jour se mettre en place. Il s’agirait, dans le cadre d’un accord, d’opérer «les 3 d» :
– Le désenclavement de la Bande de Gaza
– Le développement économique
– La démilitarisation.
Le troisième élément risque d’être la pierre d’achoppement de l’édifice. Le Hamas aura du mal à accepter de renoncer à sa force militaire.
Le Hamas cherchera à limiter les opérations qui se préparent au simple volet de la reconstruction matérielle. Toute autre dimension sera considérée par lui comme contraire à ses intérêts. L’axe Hamas-Turquie-Qatar s’opposera à l’axe Égypte-Arabie Saoudite-Israël-Jordanie-Autorité palestinienne.
Dans ces conditions, il est possible que revienne sur le tapis l’Initiative Arabe de Paix, proposée dès 2002 par l’Arabie Saoudite.
Il n’est, dans ses conditions, pas impossible de penser que l’avenir des relations entre Israéliens et Palestiniens se joue dans la Bande de Gaza. C’est à Gaza que la première Intifada avait éclaté en 1987, aussi pour Jean-Pierre Filiu: «C’est à Gaza que doivent être établies les bases d’une paix durable : la question des frontières et des colonies ne s’y pose plus (…). La Bande de Gaza, matrice des fedayins et berceau de l’Intifada, est au cœur de la construction nationale de la Palestine contemporaine (…). La paix entre Israël et la Palestine ne prendra de sens et de substance qu’à Gaza, elle en sera la pierre de touche comme la clé de voute.»
(1)Jean-Pierre Filiu, « Histoire de Gaza », Fayard, 2012
(*)Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées