Publié le 17 mars 2015 à 19h38 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h43
Dès les premières notes de la Partita n° 2 de Bach nous sommes saisis. Sunwook Kim seul au piano imprime sa marque sur l’œuvre. Il ne frappe pas les touches et pourtant son jeu est puissant, nourri de force et de grâce. Sud-Coréen surdoué, né à Séoul en 1988, ayant commencé le piano à trois ans, Sunwook Kim est un poète du clavier, et un virtuose qu’aucune montagne musicale n’effraie. Il faut l’entendre gravir une à une les notes périlleuses de la «Waldstein», sorte d’Everest beethovenien pour s’en convaincre. Dans cette sonate n° 21 qui se termine par un final exalté où les doigts parcourent le clavier à pleine vitesse, il n’est ni sec, ni ampoulé. Très peu «germanique» non plus au sens grandiloquent que l’on pourrait donner à ce terme, préférant à une lecture analytique ou spectaculaire de faire parler l’intelligence et l’émotion. Loin d’un Kempfe, Brendel, Guy, Arrau, Kovacevich, Barenboim, ou El Bacha, (parmi les meilleurs interprètes des sonates de Beethoven), qui en proposent des versions sommes toutes d’un seul bloc, le pianiste sud-coréen choisit de faire entendre chaque note en variant les impressions, les couleurs, les effets. Ce n’est jamais la même «Waldstein» que l’on découvre au fil des mouvements, sans cesse réinventée et restituée pourtant avec une scrupuleuse fidélité envers la partition. D’où le sentiment de l’entendre pour la première fois. Sunwook Kim qui avait déjà donné au disque sous la direction de Myung-Whun Chung un «Concerto n°5» de Beethoven solaire et aérien se classe parmi les grands pianistes servant avec humilité et grandeur le musicien allemand.
Un Moussorsgky d’anthologie
Puis ce furent les «Tableaux d’une exposition» de Moussorgsky donnés presque en continuité, comme s’il s’agissait d’un long poème symphonique. De cette œuvre arrangée par Maurice Ravel se détachent dans la version pour piano seul, les interprétations de Kissin, Lewis, Andsnes, Kadouch, ou Pogorelich. Celle de Sunwook Kim les dépasse toutes en force, intensité, précision, et esprit d’innovation. Dès la «Promenade» qui ouvre les «Tableaux», on sent comme une impression de plénitude, et de netteté. Musique racontant une histoire, l’œuvre de Moussorgsky mélange les genres et s’inspirant des chansons populaires russes, invente une langue à la hauteur des impressions que les lieux traversés ont inspirées au compositeur. Dans un final éblouissant Sunwook Kim redonne à «La porte de Kiev» sa grandeur et son aspect solennel. C’est beau, vrai, inoubliable, c’est tenu de bout en bout, et jamais conventionnel. C’est grand, c’est Kim !
Jean-Rémi BARLAND