Publié le 28 avril 2015 à 22h39 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h54
Jamais par le passé, le monde n’avait autant été mobilisé par le génocide des Arméniens. A l’occasion du 100e anniversaire de ce génocide, une immense vague d’information et de recherche de la vérité s’est saisie des médias. Par milliers, ils se sont précipités en Arménie, en diaspora arménienne ou en Turquie même pour recueillir des témoignages sur ce que l’ONU a appelé «le premier génocide du 20e siècle». Les caméras du monde entier et les journalistes étrangers avaient les yeux braqués sur Erévan, la capitale arménienne et notamment le Mémorial du génocide où des dizaines de délégations étrangères s’étaient donnés rendez-vous. Parmi ces dernières, il est important de noter la présence de François Hollande et Vladimir Poutine.
L’Arménie et les quelques sept millions d’Arméniens de la diaspora désiraient donner au 100e anniversaire du génocide des Arméniens une dimension à la hauteur de l’événement. Mais, ils n’imaginaient pas l’ampleur médiatique et le retentissement mondial qui se sont emparés de ces célébrations. Nous pouvons nous en féliciter, car cette tragédie souffrait jusqu’à présent d’une sous-médiatisation consternante.
Le sort des chrétiens d’Orient menacés d’extermination par les islamistes en Syrie et en Irak, et la reconnaissance du génocide par le Pape François ne sont sans doute pas étrangers à cet élan médiatique qui plaça les commémorations du centenaire du génocide des Arméniens à la Une de l’actualité nationale et internationale.
Avec plusieurs centaines de milliers de personnes défilant le 24 avril devant le mémorial de « Dzidzergagapert » à Erévan et surtout une affluence record de 130 000 manifestants à Los Angeles, 40 000 à Beyrouth, 30 000 à Paris et des dizaines de milliers d’autres dans des centaines de villes de la planète, l’événement n’est pas passé inaperçu.
Marseille et sa région, n’ont pas fait exception. D’autant que les quelques 100 000 Arméniens des Bouches-du-Rhône représentent l’une des communautés les plus actives de France. C’est en effet de Marseille que partirent les grandes idées de la mémoire et de la revendication des quelques 600 000 Arméniens de France. C’est de Marseille que partit l’idée de la loi de la reconnaissance officielle par la France du génocide arménien qui aboutit enfin le 29 janvier 2001. Jean-Claude Gaudin, Sénateur Maire de Marseille, par son implication forte et directe, fut l’un des artisans majeurs de cette reconnaissance.
C’est enfin de Marseille que partit la loi sur la pénalisation du négationnisme du génocide arménien. Même si cette loi votée par le Parlement et le Sénat fut annulée par le Conseil Constitutionnel pour des raisons subtiles, le combat des Marseillais et derrière eux celui de la communauté arménienne de Marseille reste à saluer.
Des dizaines d’avènements liés au centenaire du génocide se déroulent à Marseille. Ainsi le 16 avril, l’Hôtel de Ville de Marseille se mettait aux couleurs de la mémoire du génocide, en habillant la façade de cette inscription : «1915-2015 Marseille se souvient ».
Vendredi 24 avril, ils étaient plusieurs milliers à défiler dans les rues de Beaumont (12e) et à se recueillir en fin de matinée devant le mémorial du génocide arménien – copie du mémorial d’Erévan- place du 24 avril 1915. L’après-midi, le boulevard du Prado était noir de monde avec près de 10 000 manifestants -du jamais vu- défilant et se rassemblant devant le consulat de Turquie pour demander «Reconnaissance, Justice et réparation » les trois mots clés de la revendication arménienne. De nombreux manifestants portaient sur leur veste le myosotis* (la fleur que l’on nomme « ne m’oublie pas » dans nombre de pays) qui fut retenu comme le symbole mondial de ce 100e anniversaire du génocide. Marseille et son Maire qui a voulu faire de l’année 2015 une année de célébration de la culture arménienne et de la mémoire, des dizaines d’autres manifestations se dérouleront tout au long de l’année. Au rang de ces dernières, saluons le 5e Festival national du livre franco-arménien qui s’est tenu le 25 avril au Palais de la Bourse et qui a décerné le Prix Charles Aznavour à Monseigneur Di Falco pour son livre «Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde» paru aux éditions XO.
Face au déni de la Turquie -face à cette tragédie massive de 1915- qui refuse toujours d’ouvrir les pages noires de son histoire du début du XXe siècle, la pression de la communauté internationale et des Arméniens se fait chaque jour plus forte. En une semaine, après le Vatican, le Parlement européen, l’Autriche et l’Allemagne ont emboité le pas de la reconnaissance. Mais Ankara reste muet. Préférant même, par cynisme, déplacer, en cette année du centenaire, les festivités de la victoire de Gallipoli, du mois de mars au 24 avril ! En dépit de la colère turque, nous sommes arrivés à un moment clé de notre histoire. Le travail des historiens, les témoignages, les récits les archives, les preuves sont de plus en plus nombreuses, implacables, irréfutables et la position du gouvernement turc vis-à-vis des arméniens comme de sa propre société civile devient de plus en plus intenable. Des intellectuels, des écrivains, des historiens turcs font bouger les lignes, ils s’engagent sur le chemin de la reconnaissance; sans oublier l’assassinat de Hrant Dink ce journaliste turc d’origine arménienne qui a réveillé la société civile turque. On est toujours rattrapé par son Histoire et la Turquie n’échappera pas à son passé.
En France, au-delà des grandes manifestations de Paris, Lyon et Marseille, c’est vers l’Élysée que nos yeux se tournent. Le Journal du Dimanche (JDD) du 24 avril titrait «Génocide arménien : les promesses oubliées du candidat Hollande» et d’écrire «La loi pénalisant la négation du génocide arménien n’a toujours pas vu le jour en France, malgré les promesses de François Hollande». En effet trois ans après la promesse du candidat à la présidence la loi de pénalisation du négationnisme du génocide arménien, conforme à la Constitution, n’a toujours pas été présentée.
Mais rien n’arrêtera cette marche vers la Vérité et nous continuerons notre combat contre ce négationnisme mortifère, en mémoire des 1,5 millions de martyrs du génocide, canonisés par l’Église Apostolique Arménienne le 24 avril 2015, à Etchmiadzine en Arménie.
* Myosotis : au centre de cette fleur, c’est le point noir du génocide entouré par les 12 colonnes représentant les 12 régions d’Arménie, qui sont également les colonnes du mémorial du génocide à Erévan. Puis des couleurs plus claires représentent l’ouverture vers l’extérieur, la communication. Les 5 pétales sont les 5 continents sur lesquels se trouve la diaspora arménienne. Et la couleur mauve est celle du spirituel.