Après le Bach de Claire-Marie le Guay et le Mozart de Jean-Bernard Pommier, et en attendant le Liszt de Suzana Bartal, l’association Marseille-Concerts poursuivait dans le cadre magnifique du foyer de l’Opéra de Marseille sa série de récitals monographiques du dimanche à 11 heures, en programmant trois sonates de Beethoven interprétées par le pianiste Pierre Réach.
Cet interprète nourrit depuis toujours une affinité avec le compositeur allemand, qu’il réalise pleinement aujourd’hui en finalisant actuellement un enregistrement intégral de ses 32 sonates.
Il existe plusieurs manières d’aborder un corpus aussi riche, selon qu’on envisage d’abord la perfection formelle de ces partitions majeures ou qu’on cherche à en traduire l’intensité émotionnelle, les deux postures ne s’excluant d’ailleurs nullement.
Dès la première sonate du recueil qui ouvrait le concert, on sut que l’engagement du soliste conduirait l’auditoire dans le trajet dramatique de ces pages, situant d’emblée cet opus 2 n° 1 non pas dans un classicisme résiduel mais bien plutôt dans la perspective romantique du répertoire pianistique, au travers d’une prise de risque n’éludant ni les fragilités ni les éclats de l’auteur.
L’ampleur de la vision et ce souci d’une ligne de phrasé sans faille allaient continuer de s’exprimer dans la 18e sonate, dite « La caille », passant de la densité presque véhémente et non dénuée d’humour du deuxième mouvement à l’éclat du final, lancé après un menuet tout de tendresse chantante.
La célèbre sonate « Appassionata » concluait le programme officiel, avec une même liberté lyrique du discours, et une construction sans relâchement expressif jusqu’au final virtuose.
Pierre Réach revint jouer trois bis, le final de la sonate « La tempête », mais aussi le deuxième Moment musical de Schubert, digne héritier du maître de Bonn, après l’adagio de la sonate « Pathétique » que le soliste présenta en évoquant la personnalité de Beethoven. Étayant son propos instrumental, il rappela que le compositeur, vu selon plusieurs comme un artiste misanthrope, était en réalité un être fraternel, d’une suprême bonté, dont l’offrande totale de soi-même pour l’humanité doit être reconnu dans notre temps de violence comme un indispensable élément de résistance par la beauté. Et de fait, ce fut le cas de ce moment privilégié en ce jour de Pâques…
Philippe GUEIT