Publié le 21 mai 2021 à 9h53 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 17h59
Le Président de la République Emmanuel Macron a accueilli le Sommet sur le financement des économies africaines au Grand Palais Éphémère de Paris. Il rappelle au terme de cette réunion: «L’objectif était double. il s’agissait d’apporter des réponses à court terme et de lancer une dynamique qui puisse véritablement créer un New Deal économique et stratégique avec le continent africain. Et je crois que sur ces deux volets nous avons avancé».
Un sentiment conforté par les propos du Président de la République démocratique du Congo et président de l’Union africaine, Félix Tshisekedi Tshilombo pour qui «cette initiative est une nouveauté et elle ne va pas rester lettre morte». Le Président de la République du Sénégal, Macky Sall va dans le même sens : «On a habitué l’Afrique à lui imposer des programmes, aujourd’hui nous sommes dans la co-construction». Tandis que pour la Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. «Ce sommet est très important, non seulement pour l’Afrique mais pour le monde». Elle précise: «Nous sommes réunis ici pour inverser ce qui s’est développé, un décalage très risqué entre les économies avancées et les pays en développement, en particulier en Afrique». Selon elle, le produit intérieur brut en Afrique va croître de seulement 3,2 % cette année contre 6 % dans le reste du monde.
Une trentaine de chefs d’État et de Gouvernement ainsi que des dirigeants d’organisations internationales ont participé à ce Sommet qui fait suite à la diffusion d’une tribune de 18 dirigeants africains et européens, publiée le 15 avril 2020 dans le Financial Times en faveur d’une mobilisation de la communauté internationale pour affronter les conséquences de la crise sanitaire et économique en Afrique causée par la pandémie.
«Nous avons réussi à traiter les problèmes d’arriérés du Soudan»
Le président Macron indique: «Nous avons décidé de consolider le moratoire sur les intérêts et le principal de la dette détenu par les Pays du G20 sur 2020 et 2021. Nous avons consolidé un nouveau cadre commun pour la restructuration des dettes. Trois Pays se sont présentés: le Tchad, l’Ethiopie et la Zambie. La finalisation des travaux pour le Tchad aura lieu d’ici la fin du premier semestre 2021 comme cela a été réaffirmé». Emmanuel Macron voit là: «un élément important pour la crédibilité de ce cadre commun qui va permettre une nouvelle restructuration des dettes». Il insiste sur le fait que, pour la première fois, cela va pouvoir se faire avec l’ensemble des créanciers autour de la table. Il ajoute: «Nous avons réussi à traiter les problèmes d’arriérés du Soudan pour lancer une nouvelle dynamique».
Les droits de tirage spéciaux, la monnaie que peut émettre le FMI et qui s’appuie sur cinq grandes monnaies internationales : le dollar, l’euro, le yen, la livre britannique et maintenant le yuan chinois, ont été un des sujets centraux du sommet. 33 milliards iront à l’Afrique, dont 24 milliards à l’Afrique sub-saharienne: «C’est trop peu. Nous avons donc décidé décidé de travailler sur plusieurs pistes qui nécessitent une dimension technique et la construction d’un accord politique que nous espérons obtenir entre juin et octobre prochain».
Vaccins: «La situation actuelle est injuste et elle est inefficace»
Le Président Macron en vient à la question des vaccins en Afrique: «La situation actuelle est injuste et elle est inefficace». Il précise: «Si nous restons en l’état nous condamnons l’Afrique à ne pas se protéger et des variants vont réapparaître touchant en premier lieu ce continent mais nous condamnant aussi à courir après le virus». Il rappelle que dans le cadre du plan Covax (initiative ayant pour but d’assurer un accès équitable à la vaccination contre le Covid-19 dans 200 pays) 50 millions de doses ont été transférées et 22 milliards de financement ont été mobilisés: «Mais ce n’est pas suffisant», constate-t-il. L’objectif de cette opération est de vacciner 20% de la population africaine, l’Union africaine a décidé de compléter ce dispositif pour parvenir à 30%. «Nous avons acté deux initiatives, la première est de produire massivement des vaccins en Afrique dès le prochain semestre en s’appuyant sur le développement de partenariat financier et industriel». Il importe pour cela insiste le Président français «de lever toutes les contraintes de propriété intellectuelle qui bloque la fabrication. Et il faut d’autre part donner mandat au FMI pour mobiliser plus de financements, une enveloppe de 50 milliards est nécessaire l’objectif étant de parvenir à 40% d’Africains vaccinés fin 2021».
Le Président Félix Tshisekedi Tshilombo note: «Il est vrai qu’il y a de l’inquiétude chez les populations africaines à propos des vaccins parce qu’ils viennent d’ailleurs. Raison pour laquelle il est important de produire des vaccins sur le continent». Et, sur le plan économique, insiste-t-il : «Il est important de prolonger le moratoire qui s’arrêtait fin juin 2021, je souhaiterais une prolongation jusqu’à fin 2022. Nous sommes parvenus à un accord sur 33 milliards de droits de tirage spéciaux, nous souhaitons parvenir à 100 milliards.» Le Président Macky Sall ajoute: «Il faut bien mesurer que si notre continent continue à n’avoir que 2 ou 3% de vaccinés, la maladie va continuer à circuler, les variants vont se développer remettant en cause l’efficacité du vaccin partout sur la planète».
Le Président Félix Tshisekedi Tshilombo considère d’autre part: «Côté africain nous avons besoin de fournir des efforts parce que nous envoyons des signaux qui ne rassurent pas. Nous devons lutter contre la corruption, le blanchiment d’argent, avoir des systèmes financiers transparents, prendre en charge notre jeunesse. Nous devons assurer la promotion de la femme, qu’elle puisse jouer d’avantage un rôle important dans le système politique ou économique»
«Faire avec l’Afrique ce que nous faisons tous avec nous-mêmes»
Au-delà de l’urgence, Emmanuel Macron insiste sur l’importance de s’inscrire dans la durée: «Nous voulons construire dans la durée ce new deal avec le continent africain». Il précise: «Un nouveau modèle de croissance qui passe d’abord par un choc macro-économique beaucoup plus fort, une mobilisation de tous les instruments pour répondre à l’urgence économique et sanitaire. Il faut construire les bases d’une nouvelle relation d’abord en actant la modernisation du cadre budgétaire et des mécanismes africains de stabilité financière. Et il faut donner une voix plus forte aux Africains dans les instruments existants». Et de lancer: «Il faut faire avec l’Afrique ce que nous faisons tous avec nous-mêmes. Car la Chine, les États-Unis, l’Europe réadaptent leur cadre macro-économique et financier». Emmanuel macron invite également à prendre en compte les dépenses de sécurité portées par un certain nombre de pays africains: «Nous devons mieux intégrer dans nos débats budgétaires, dans les programmes du FMI les charges militaire et sécuritaires qui reposent sur nombre de Pays africains, car l’épicentre du terrorisme international s’est déplacé sur ce continent». Et d’annoncer le lancement de l’alliance pour l’entrepreneuriat en Afrique qui mettra un milliard de dollars sur les PME, les TPE.
Une première réunion se tiendra lors du deuxième semestre 2021, occasion également de mobiliser les pays qui souhaitent se joindre à ce dispositif. «Ce new deal pour et par l’Afrique donnera lieu à des rendez-vous sur les droits de tirage spéciaux lors des G7 et G20. Et, un contenu très fort sera donné à un sommet lors de la présidence française de l’Union Européenne».
Michel CAIRE
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Tribune de 18 dirigeants africains et européens, publiée le 15 avril 2020 dans le Financial Times
Seule une victoire totale, incluant pleinement l’Afrique, pourra venir à bout de cette pandémie.
La propagation rapide de l’épidémie de Covid-19 a soumis les systèmes de santé publique à des contraintes extrêmes et provoqué des dommages économiques, sociaux et humanitaires sans précédent dans le monde entier. Le virus ne connaît pas de frontières. La gestion de cette crise appelle une réponse internationale forte, guidée par un impératif de solidarité et de responsabilité partagée. Seule une victoire totale, incluant pleinement l’Afrique, pourra venir à bout de cette pandémie.
Nous pouvons gagner cette bataille, à condition d’agir sans attendre en utilisant au mieux le temps et les moyens dont nous disposons. Dans le cas contraire, la pandémie pourrait frapper très durement l’Afrique, ce qui prolongerait considérablement la crise au plan mondial.
En Afrique, les gouvernements, les médecins, le personnel de santé, les scientifiques et les sociétés ont une expérience précieuse de la lutte contre les épidémies. L’Union africaine s’est engagée à soutenir une réponse coordonnée à l’échelle du continent. La plupart des pays ont déjà adopté des mesures fermes pour ralentir la propagation du virus et sont prêts à aller plus loin si nécessaire. Nous saluons la désignation par l’Union africaine de quatre envoyés spéciaux chargés de mobiliser la communauté internationale en soutien à l’Afrique. Ils joueront un rôle clé dans la mise en œuvre de notre stratégie collective.
Cette stratégie appelle un effort international sans précédent.
Les mesures efficaces de lutte contre le virus ont un coût énorme pour les systèmes de santé, les économies et les populations. Pour absorber ce choc, l’Afrique aura besoin du plein soutien de tous ses partenaires. Les gouvernements et les institutions multilatérales, en particulier l’organisation mondiale de la santé, la banque mondiale, la banque africaine de développement et le fonds monétaire international, ainsi que les organisations caritatives, les organisations non gouvernementales et le secteur privé doivent immédiatement répondre à l’appel du G20 et à unir leurs forces pour consolider les défenses sanitaires de l’Afrique.
Pour cela, il est essentiel de :
1) renforcer la capacité de l’Afrique à répondre à l’urgence sanitaire, en apportant un soutien immédiat aux systèmes de santé africains grâce à la mobilisation de toutes les ressources disponibles à travers les institutions et canaux existants tels que le Fonds mondial et l’Alliance GAVI, sans toutefois porter atteinte aux programmes en cours. Nous soutenons, à cet égard, la proposition européenne d’organiser une conférence de financement dès le mois de mai.
2) déployer un paquet massif de mesures de soutien économique, à la hauteur des besoins évalués par les ministres des finances africains (au moins 100 milliards de dollars) et les Nations Unies, afin de donner aux pays africains les marges de manœuvre dont ils ont besoin pour financer la lutte contre la pandémie et ses effets indirects, économiques et sociaux. Nous appelons tout particulièrement la banque mondiale, le fonds monétaire international, la banque africaine de développement, la nouvelle banque de développement et les autres institutions régionales à utiliser tous leurs instruments pour soutenir les économies africaines, et à revoir leurs politiques d’accès aux financements et leurs plafonds en matière de quote-parts pour permettre aux pays à faible revenu d’en bénéficier.
Nous appelons également à un moratoire immédiat sur le service de toutes les dettes extérieures, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales, publiques ou privées, et ce jusqu’à la fin de la pandémie. En appui à ce processus, le FMI doit décider dès à présent d’attribuer des droits de tirage spéciaux (DTS) aux pays africains, ce qui leur fournira les liquidités indispensables à l’achat de produits de base et de matériel médical essentiel. Enfin, nous demandons à tous les partenaires de l’Afrique de sanctuariser leurs crédits d’aide au développement.
3) répondre à l’appel du Secrétaire général des Nations Unies en faveur d’une initiative humanitaire ambitieuse pour l’Afrique, en s’appuyant sur le plan mondial de réponse humanitaire au COVID-19, afin d’apporter une aide alimentaire et matérielle de première nécessité aux populations les plus durement touchées par les mesures de distanciation sociale et les plus exposées à la contagion, notamment les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées. Le programme alimentaire mondial devra prendre la tête de cette opération, en coordination avec toutes les organisations concernées, et disposer rapidement pour ce faire des financements appropriés.
4) promouvoir un mécanisme panafricain de coordination scientifique et politique, en lien avec les actions actuellement menées par des organisations telles que la coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), le centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) et les structures nationales comme le réseau international des instituts Pasteur, pour coordonner les compétences africaines avec la riposte mondiale conduite par l’organisation mondiale de la santé (OMS) et garantir une répartition équitable des tests, des traitements et des vaccins lorsqu’ils seront disponibles. À cette fin, nous appelons tout particulièrement l’OMS, la banque mondiale, la banque africaine de développement et toutes les organisations actives dans le domaine de santé mondiale, en particulier le fonds mondial, l’Alliance GAVI et UNITAID, à élaborer un plan d’action conjoint permettant de mener les actions nécessaires conformément à leurs mandats respectifs.
Cette crise montre à quel point nous sommes interconnectés.
Aucune région du monde ne peut l’emporter seule dans la lutte contre le Covid-19. Tant qu’il n’aura pas été éradiqué en Afrique, le monde ne sera pas à l’abri. C’est pourquoi nous sommes résolus à travailler ensemble, avec nos partenaires du G7 et du G20 pour mettre un terme à la pandémie et construire des systèmes de santé résilients qui puissent assurer l’avenir de nos populations. Le temps n’est pas aux divisions ou aux querelles politiques, mais bien à l’unité et à la coopération.
-Abiy AHMED, Premier ministre d’Ethiopie
-Guiseppe CONTE, Président du Conseil des ministres italien
-Antonio COSTA, Premier ministre du Portugal
-Abdel Fattah EL-SISI, Président de la République arabe d’Égypte
-Moussa FAKI, Président de la Commission de l’Union africaine
-Paul KAGAME, Président de la République du Rwanda
-Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République du Mali
-Uhuru KENYATTA, Président de la République du Kenya
-Emmanuel MACRON, Président de la République française
-Angela MERKEL, Chancelière de la République fédérale d’Allemagne
-Charles MICHEL, Président du Conseil européen
-Joao LOURENCO, Président de la République d’Angola
-Cyril RAMAPHOSA, Président de l’Afrique du Sud
-Mark RUTTE, Premier ministre des Pays-Bas
-Macky SALL, Président du Sénégal
-Pedro SANCHEZ, Premier ministre du Royaume d’Espagne
-Felix TSHISEKEDI, Président de la République démocratique du Congo
-Ursula VON DER LEYEN, Présidente de la Commission européenne)]