Publié le 1 avril 2021 à 6h41 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h45
Mi-mars, la salle des sessions de la chambre d’agriculture à Digne-les- Bains semblait revivre après des mois de confinement puisqu’une vingtaine de participants étaient présents dans le plus strict respect des règles sanitaires. Une atmosphère particulière se dégageait de cette assemblée qui appréciait de renouer avec « le monde d’avant », tandis que les autres suivaient la réunion en visioconférence.
Étaient également présentes La préfète Violaine Démaret et la nouvelle Directrice départementale des territoires Catherine Gaildraud. Comme le veut la tradition la réunion a été ouverte par le président Frédéric Esmiol, qui a débuté son allocution avec un hommage à Francis Solda, lui dédiant cette session. Le président a enchaîné en abordant la question de l’annulation du Salon international de l’agriculture (SIA). «Nous avons décidé en lien avec le réseau Bienvenue à la ferme de diffuser le message suivant : le SIA est fermé, mais les fermes restent ouvertes, pour inviter le grand public à venir nous rencontrer», annonçait-il.
La rentabilité, une nécessité
Il s’est également félicité du dialogue renoué avec les consommateurs et évoque un nouveau cycle dans lequel l’agriculture entre avec une nécessité de se réinventer pour répondre aux grands enjeux sociétaux sans oublier d’être rentable pour assurer sa pérennité. «On ne peut pas s’adapter, faire évoluer ses pratiques, envisager de nouvelles productions. On ne peut pas investir, si on ne réalise pas de profits, insiste-t-il. Quelles que soient la nature des activités, les caractéristiques des exploitations, leur localisation, elles doivent dégager des profits. Je suis convaincu, dans cette période de transition que notre chambre d’agriculture a un rôle essentiel à jouer. Elle doit être capable d’accompagner toutes les exploitations dans cette réflexion.» Il assure encore: «Si nous voulons vraiment répondre à cet enjeu économique primordial, en tenant compte du changement climatique, de la concurrence étrangère et des attentes des consommateurs, nous devons profondément modifier le mode de fonctionnement de nos exploitations ». Il a ensuite déploré la volatilité des prix puis les charges de production toujours plus élevées qui favorisent la concurrence, les lourdeurs administratives et les règles fiscales décourageantes. Il conclut cependant son intervention sur un message d’espoir : « S’il est une chose dont je suis certain, c’est notre passion pour notre métier et c’est forts de cette passion que nous devons inventer l’agriculture de demain».
La parole a ensuite été donnée à Patrick Grunberg, l’agent comptable qui a présenté les comptes financiers 2020 qui affichent un excédent de 1 121,37 € et dénotent d’une bonne santé financière de l’organisme consulaire avec «une bonne appréhension et une bonne anticipation» de sa part. Frédéric Esmiol a rendu hommage à Noël Piton dont c’est la dernière session en tant que salarié de la Chambre puisqu’il prend sa retraite dans quelques jours. Celui-ci, avant son départ, a fait une présentation sur le partage de l’eau et les enjeux agricoles. Les questions d’actualité étaient assez nombreuses et ont concerné : l’emploi et le logement des saisonniers, le schéma régional des structures ; l’installation, le photovoltaïque, la forêt, le plan de relance mais aussi le loup évidemment, le plan d’action sécheresse, la cartographie des cours d’eau, l’indemnisation des dégâts de gibiers, la certification HVE, la PAC et enfin les zones de non- traitement.
Un développement raisonné
La préfète Violaine Démaret a conclu cette session en exprimant son regret de ne pas pouvoir approfondir plus «ces sujets denses que l’on n’a le temps juste d’effleurer». Elle a cependant essayé d’apporter des réponses à certaines problématiques soulevées lors de cette rencontre. Tout au long de son intervention elle a rappelé qu’elle se tenait aux côtés des agriculteurs bas-alpins. Par exemple, sur la question du loup elle a tenu à dire que l’État n’avait pas qu’une vision statistique de la question, qu’elle était «consciente que les éleveurs n’avaient jamais de trêves et que (ses) services s’efforçaient de traiter ces dossiers humainement». Elle a reconnu qu’ils étaient «mauvais sur les délais de traitement» et qu’il fallait les réduire. «Le dispositif est plus que perfectible et cela fait partie de mes priorités» assure-t-elle. La représentante de l’État a également abordé les questions de la main-d’œuvre, la gestion de l’eau, le plan de relance mais également le photovoltaïque en réponse à la motion votée par les élus pour lequel elle a confié une lettre de mission à la sous-préfète de Forcalquier pour «ne pas aller au casse-pipe» et avoir un développement raisonné alors que le département est déjà saturé.
Alexandra Gelber pour L’Espace Alpin
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Préserver les terres agricoles du photovoltaïque au sol
Au cours de cette session les élus ont voté à l’unanimité une motion relative au développement des parcs photovoltaïques au sol et de l’agrivoltaïsme. Ce texte affirme : « la nécessité de veiller à la préservation des terres agricoles et du potentiel de production départemental et de refuser les projets photovoltaïques au sol sur tout espace à vocation agricole ou susceptible de l’être, notamment des projets photovoltaïques sur des terres mécanisables pour l’agriculture, irrigables, ou ayant bénéficiées de subventions agricoles ou foncières ».
Au travers de cette motion les élus bas- alpins formulent plusieurs demandes notamment que la priorité soit donnée aux projets non-consommateur de foncier ; que la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) propose une auto- saisine de la commission pour tout projet engagé dans le département sur des espaces à vocation agricole ou naturelle et puisse émettre un avis ; que les documents d’urbanisme intercommunaux identifient les terrains favorables à ces installations au sol et étudient leur impact en lien avec la chambre d’agriculture ; que la réalisation d’une étude ERC agricole soit obligatoire ; que le respect des engagements pris par les opérateurs au titre des compensations agricoles bénéficient d’un suivi ; que les agriculteurs dont les bâtiments pourraient être équipés puissent bénéficier d’un soutien financier pour les frais de raccordement parfois très élevés ; et enfin que les projets présentés au titre de l’agrivoltaïsme en l’absence de définition précise soient limités à des projets expérimentaux sur une surface inférieure à 1 ha.
Le partage de l’eau et ses enjeux agricoles
Noël Piton, ingénieur spécialisé en irrigation au sein de la chambre d’agriculture a présenté un exposé sur la problématique du partage de l’eau et ses enjeux agricoles. Il a débuté son intervention en faisant un bond en arrière. Un voyage qui débutait au XVIIIe siècle avec l’abandon progressif des moulins au bénéfice des villes et de l’agriculture jusqu’au milieu du XXe siècle avec les aménagements Durance-Verdon. Il a ensuite présenté les résultats d’une étude sur le réchauffement climatique menée par la Région. Celle-ci conclut à une augmentation des températures sur l’ensemble du bassin versant, des changements plus importants en été, une hausse de l’évapotranspiration, une évolution incertaine de la pluviométrie annuelle qui sera toujours plus irrégulière. Elle met aussi en lumière une baisse de précipitations neigeuse et des étiages précoces ainsi qu’une réduction des débits estivaux avec un risque de consommation de la réserve agricole plus fréquent sur le système Durance.
L’ingénieur a insisté sur la menace qui pesait notamment sur les systèmes d’élevage et la fragilisation des zones non-sécurisées, voire même de celles qui le sont. Il a rappelé la nécessite d’adapter les pratiques agricoles notamment de changer de production ou de système de production mais aussi l’adoption de pratiques permettant de stocker l’eau dans les sols et ainsi limiter le ruissellement. Il a évoqué le passage à l’irrigation localisée et l’utilisation d’outils et de méthodes permettant d’adapter les apports aux besoins des plantes comme les tensiomètres connectés qui ont prouvé leur efficacité. Il a conclu son allocution en présentant les chantiers à venir, avec en ligne de mire la poursuite de l’accompagnement des gestionnaires. Outre l’aménagement du plateau de Valensole , il faut maintenir un accès à l’eau pour les agriculteurs des zones non-sécurisées mais aussi répondre aux besoins émergents sur ces secteurs où les demandes en eau sont nombreuses notamment de la part des agriculteurs en phase d’installation pour qui c’est crucial.
Il a également mentionné la préparation du partage de l’eau à l’échelle de l’aménagement Durance-Verdon (Sage) avec les autres usagers et les acteurs de l’eau. Un chantier coordonné par la préfecture bas-alpine. Autres chantiers en prévision : la maîtrise du prix de l’eau avec trois pistes à explorer : l’énergie, les financements et les solidarités notamment la solidarité amont-aval, un sujet sensible pour les agriculteurs. Noël Piton déplorait aussi le manque de communication concernant les aménités de l’irrigation, les progrès techniques, la relocalisation des productions, la mobilisation des ressources en hiver avec des aménagements comme les retenues collinaires encore trop peu nombreuses à son sens dans le département.)]
[(L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin
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