Légion d’honneur. L’ancienne déportée, Denise Toros-Marter, promue grand officier

Plusieurs personnalités de Provence-Alpes-Côte d’Azur sont distinguées dans la promotion du 1er janvier. Parmi elles, l’une des dernières survivantes d’Auschwitz, Denise Toros-Marter. A 95 ans, elle continue de témoigner sur l’enfer des camps, avec une mémoire implacable.

Denise Toros-Mater, rescapée d’Auschwitz, s'adresse aux plus jeunes afin que cette mémoire évite que l'horreur puisse à nouveau montrer son visage (Photo Joël Barcy)
Denise Toros-Mater, rescapée d’Auschwitz, s’adresse aux plus jeunes afin que cette mémoire évite que l’horreur puisse à nouveau montrer son visage (Photo Joël Barcy)

Militante du devoir de mémoire

Qui d’autre qu’elle mérite plus ce grade de grand officier ? Denise Toros-Marter continue de témoigner, malgré son âge et les séquelles des camps, en hommage à sa famille et aux millions de morts dans les fours crématoires. En mai dernier, elle est devant plusieurs classes de troisième au Camp des Milles. Sa mémoire est intacte. Nous avons choisi d’en reprendre quelques éléments.

« J’ai eu le numéro A 5556 »

« Nous avons été arrêtés avec ma famille le 13 avril 1944, 3 jours avant mes 16 ans », commence Denise Toros-Marter. Elle avait noté tous les éléments vécus à Auschwitz dans un cahier d’écolier à son retour en France. « A notre arrivée, on nous a tondus, on nous a tatoués. Moi j’ai eu le A 5556. Ils arrivaient au million mais c’était trop long de graver tous les chiffres alors ils ont commencé une nouvelle série commençant pas A, comme la loterie nationale, ça m’a réussi ».

La déportée enchaîne son récit, devant le parterre de collégiens silencieux, avec la survie dans les camps et l’imagination fertile qui permet de résister à l’insoutenable. « Au nouvel An nous étions quatre déportées alors on a dit comment on s’habille ? Moi je mets une robe de soie verte, moi de drap bleu… Et qui on a comme boyfriend ? Alors on a pris des acteurs de cinéma, Clark Gable, Tyrone Power. Pour le repas on a échangé du pain contre une pomme de terre. Nous l’avons coupé en très fines lamelles et les avons consommées avec un peu de sel en pensant manger des huîtres. On a fait notre réveillon en rêvant, en pensant que ça arriverait, qu’on s’en sortirait. Avec ma copine Maude on ne s’est plus quittés jusqu’à son décès ».

« C’est de plus en plus dur de témoigner »

En terminant son intervention, je l’interroge sur son rôle de grand témoin. Elle confie qu’il devient de plus en plus difficile : «Avant j’arrivais à avoir une sorte de dédoublement de la personnalité. Je racontais, mais sans revivre les choses. Avec l’âge c’est moins vrai. C’est comme si j’étais réellement dans le camp. Je vis ce que je dis.  J’éprouve la faim, le froid, la douleur. C’est de plus en plus difficile pour moi, je ne sais pas si je pourrais continuer longtemps ». Cette énergie, son rôle dans le devoir de mémoire, méritaient que la rescapée d’Auschwitz soit élevée au grade de grand officier de la légion d’honneur.

D’autres personnalités ont été distinguées. Le pédopsychiatre Marcel Rufo a été promu commandeur.Georges Leonetti, doyen de la faculté de Marseille, Officier. Tout comme Loïc fauchon, ancien président de la société des eaux de Marseille.

Joël BARCY

 

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