Publié le 23 mai 2019 à 22h34 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 11h44
Plus que jamais la mobilisation de tous est indispensable pour lutter contre la radicalisation. Celle de l’État, bien-sûr, mais également celle des collectivités, nécessaire sur le terrain, au plus près de la réalité. Dans le 3e Plan National de prévention de la radicalisation « Prévenir Pour Protéger », plus de la moitié des mesures préconisées par le Premier Ministre sont en lien avec les collectivités locales et leurs implications sur les domaines relevant de leur responsabilité tels que l’éducation, le logement, la jeunesse, la famille ou encore le sport. C’est dans ce contexte que la Région Sud a souhaité organiser une journée de formation à destination des élus de son territoire.
Renaud Muselier, Président de Provence-Alpes-Côte d’Azur, a accueilli des élus locaux de la région à l’occasion d’une journée de formation face au terrorisme et à la radicalisation. Un thème qu’il qualifie «de fondamental» pour l’avenir de la société. Selon lui: «Il n’y a pas de place pour l’islam politique dans une République laïque comme la nôtre. Il n’y a pas de place pour les prêcheurs de haine dans notre nation dont la devise est « liberté, égalité, fraternité « . Il n’y a pas qu’une seule réponse à apporter, combattre partout et tout le temps les idéologues et les islamistes et demeurer un peuple fraternellement uni face au terrorisme». Puis de définir les questions à évoquer: quel rôle peut-on jouer face à la menace terroriste ? Quels sont nos obligations et nos moyens d’action ? Comment peut-on accompagner l’État dans sa mission régalienne de protection des Françaises et des Français ? De quels moyens disposons-nous pour former nos personnels à la détection des signaux faibles de radicalisation ? Quel est le processus à la fois psychologique et psychiatrique conduisant certains individus à la radicalisation ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre.
«Comprendre, tenter d’expliquer, cela n’est aucunement justifier.»
Renaud Muselier rappelle que l’État ne peut pas tout faire seul mais, considère: «si nous voulons que les collectivités soient aux côtés de l’État dans la lutte contre le terrorisme, contre la radicalisation et pour renforcer la sécurité des Français, il doit nous en donner les moyens. Nous devons avoir les moyens de connaître l’état de la menace, les moyens d’agir et les moyens de financer nos actions». Contrairement à un ancien Premier ministre aujourd’hui candidat à la mairie de Barcelone: C’est au contraire analyser de manière à être mieux armé face à la menace». A chaque attentat: c’est notre liberté et notre démocratie qui sont attaquées. Plus largement, c’est l’ensemble de nos sociétés occidentales et orientales qui est touché. «L’Europe bien évidement mais aussi l’Afrique et l’Asie».
«La radicalisation islamique et son lot de malheurs, de violences, n’est pas une opinion»
Pour le Président de Région: L’islamisme, la radicalisation et le terrorisme qui en découle, sont des maux profonds. Ils s’expliquent par des déviances. Des déviances psychologiques et psychiatriques. C’est une idéologie mortifère qui s’appuie sur les préceptes faux d’une religion utilisée à des fins politiques. «Le terrorisme, poursuit-il, a pour but de faire céder les démocraties, leur faire abandonner leurs valeurs et d’installer partout où cela est possible un régime fondé sur la Charia». Précise immédiatement: «Le terrorisme islamique c’est l’utilisation d’un substrat religieux par des groupes terroristes qui le radicalisent dans le but d’instrumentaliser la religion musulmane à des fins de transformation politique. La radicalisation est la première étape de ce processus. C’est pourquoi nous avons le devoir de la combattre là où elle nait dans nos territoires. En dehors de nos frontières bien-sûr mais assurément sur notre territoire national également». La France qui a été et, est autant visée par Daesh ne relève en rien du hasard: «La France des Lumières, celle de 1789 comme celle de 1905 est un exemple unique au monde de capacité à faire Nation au-delà des croyances religieuses, politiques sociales des individus et aussi de leurs origines. C’est insupportable aux fanatiques de Daesh. C’est cela que nous devons défendre et que nous défendons quotidiennement. Les croyances religieuses relèvent du domaine de l’intime et jamais nous n’accepterons que nous soit imposé un mode de vie au nom d’une religion utilisée par des hommes pour installer leur pouvoir».
«l’État seul ne peut pas tout»
Alors, dans ce contexte, que faire? Renaud Muselier rappelle: «La sécurité des Français est et a vocation à demeurer une compétence régalienne. Seul l’État dispose des moyens et des pouvoirs nécessaires pour lutter contre le terrorisme, pour mettre en place des services de renseignements et d’actions efficaces». Mais pour lui l’État seul ne peut pas tout. «La sécurité des Français, la lutte contre le terrorisme, la détection de la radicalisation, c’est in fine l’affaire de tous et de chacun. L’ensemble de nos collectivités, Communes, Départements, Régions, doit se coordonner et agir pour accompagner et aider les services de l’État. Notre rôle n’est pas simplement d’alerter les Préfectures et les Sous-Préfectures. Nous devons également mettre en place des dispositifs permettant d’agir concrètement». En matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation, indique-t-il: «nous avons des obligations légales. Je pense notamment aux communes qui, depuis 2015, doivent mettre en place la Cellule Municipale d’Échanges sur la Radicalisation». Puis de mettre en exergue le travail accompli à Nice. «Nice -ville martyre le 14 juillet 2017 où 87 vies ont été fauchées et plus de 480 blessées- où ont été développé des dispositifs de pointe. Parfois uniques en France. Je pense à l’expérimentation de la reconnaissance faciale sur la voie publique à l’occasion du Carnaval de Nice 2019. Cette technologie permet de repérer les individus fichés S au sein d’une foule grâce aux 2 700 caméras de vidéoprotection installées sur tout le territoire communal. L’utilisation de drones pendant des manifestations de grande ampleur est également en cours d’expérimentation et a fait ses preuves». Il ne manque pas de déplorer que trop souvent «il ne manque que l’accord du Gouvernement ou de la CNIL pour autoriser les maires, en l’occurrence celui de Nice, à utiliser les technologies permettant de renforcer notre sécurité».
«Première Région de France à former les agents régionaux des Lycées à la détection des signaux faibles de radicalisation»
Il reconnaît par ailleurs que si les nouvelles technologies sont utiles à la sécurité, «elles ne remplaceront jamais la présence humaine et le travail des agents». Dans cet état d’esprit «nous avons été la première Région de France à former l’intégralité de nos agents régionaux des lycées à la détection des signaux faibles de radicalisation. Plus de 4 000 agents au contact direct de nos lycéens et des publics qui pénètrent dans nos établissements scolaires. Grâce aux formations dispensées, ils sont devenus nos premières vigies». Et de signaler que depuis le début du mandat plus de 80M€ ont été investis pour renforcer la sécurité des lycées et des transports régionaux qui sont au cœur de ses compétences. Un diagnostic précis de l’état de sûreté des 181 lycées a notamment été réalisé. «A la suite de cela, nous avons généralisé la vidéoprotection, formé nos agents régionaux des lycées . Nous avons installé des alarmes différenciées dans la totalité de nos établissements. La marche à suivre n’étant pas la même si le lycée est touché par un incendie ou s’il est victime de l’intrusion d’un terroriste». De plus une garde régionale des lycées de 140 médiateurs a été créée. «Et nous allons expérimenter dans les semaines à venir, la reconnaissance faciale dans 2 lycées de la Région (Le lycée Ampère à Marseille et le lycée des Eucalyptus à Nice)». En matière de transport, des actions ont également été entreprises: «Je pense notamment à la création d’une garde régionale des transports composée de 200 hommes armés, à la généralisation de la vidéoprotection dans les trains et les gares ou encore à la gratuité des transports régionaux pour les 77 000 membres de nos forces de l’ordre».
«L’État doit associer les collectivités mais aussi l’ensemble de nos concitoyens»
Souhaite que le gouvernement les entende et considère: «Concernant l’état de la menace, la circulaire dite « Circulaire Castaner » du 13 novembre 2018 est un bon début.
Elle permet aux Préfets de faire régulièrement un point aux maires sur l’état de la menace dans leurs communes, de leur transmettre les noms des agents fichés S et d’avertir le maire de la présence éventuelle de Fichés S sur le territoire communal à l’occasion d’événements spécifiques. Mais il faut avoir le courage de le dire. Par ailleurs, un fois que les élus locaux disposent des informations, se pose le problème des leviers d’action». D’interroger: «Quel est l’intérêt pour un maire de savoir si des fichés S sont présents dans sa ville où durant des événements grand public, s’il n’a pas la possibilité de diffuser l’information à sa police municipale ou s’il ne peut pas utiliser l’information pour les faire interpeller ? Quel est l’intérêt pour un policier municipal de savoir qu’il a face à lui un fiché S potentiellement dangereux s’il n’a pas les moyens d’exercer sur lui un contrôle d’identité et de l’interpeller le cas échéant comme c’est le cas aujourd’hui ?». Pour Renaud Muselier : «Il est indispensable que L’État nous donne les moyens financiers pour permettre d’agir face à la menace terroriste. Les moyens humains doivent être couplés aux moyens financiers. Si nous voulons gagner cette guerre contre la radicalisation et le terrorisme, l’État doit associer bien évidement les collectivités mais aussi l’ensemble de nos concitoyens. Il n’y aura pas de victoire sur le terrorisme s’il n’y a pas de riposte de la part de tout le peuple français. Et quand je dis le peuple français, je devrais même dire de tous les Européens. Nous avons tous, à titre personnel, un rôle fondamental à jouer».
Michel CAIRE