Après trois jours de grève et un week-end de tension, l’assemblée générale a décidé de reprendre le travail avec un courte majorité, 57%. La mise à pied du directeur de la rédaction du quotidien régional, pour une « Une » jugée ambiguë, puis sa réintégration 48 heures après, laisse un climat de méfiance au sein des journalistes. Retour sur ce week-end sulfureux.
« On a vu des tweets d’élus locaux »
« On n’a pas eu un seul courrier de lecteur, en revanche on a vu sur les réseaux sociaux des tweets de certains élus locaux qui se sont émus de la Une », remarque Audrey Letellier, déléguée syndicale du SNJ « et ces élus se vantaient d’avoir tagué l’Élysée. Après chacun interprétera comme il veut ». Chacun interprétera mais on a du mal à saisir l’emballement qui a suivi la parution de cette Une. Gabriel d’Harcourt, le directeur de la publication, l’avait validée pour finalement s’excuser le lendemain dans un communiqué auprès des lecteurs de son contenu. Aurélien Viers le directeur de la rédaction, mis à pied puis réintégré à son poste, estime aujourd’hui que « si c’était à refaire, je ne referais pas exactement la même Une. Mais je l’assume, je l’ai visée. Je n’ai pas pensé à cette double lecture. Il y a eu une erreur dans le fait d’écrire une citation sans savoir qui est l’auteur, cela a pu créer une ambiguïté dans l’esprit de certains lecteurs. Comme on dit « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup » ». Et qu’en est-il du courrier de lecteurs dénonçant cette Une ? « Personnellement je n’ai pas eu beaucoup de retour de lecteurs », assure Aurélien Viers. Une hésitation et il concède que « personnellement je n’ai pas eu de courrier de lecteurs ».
Une rédaction peu habituée à la grève
La rédaction du quotidien régional n’est pas coutumière des mouvements de grève mais c’est la seconde fois depuis le rachat par CMA-CGM que les journalistes cessent le travail. Fin 2023 c’était en raison de la suppression de 30 postes. Ce week-end c’est l’indépendance du journal que les journalistes estiment être remise en cause. Pour Sylvain Pignol, SNJ et membre du CSE la mise en cause de la Une du journal est « un mauvais signe pour la Provence évidemment mais aussi un mauvais signe pour les rédactions qui pourraient être rachetées par CMA-CGM, on pense à BFM-TV et RMC qui sont très très sensibles à ce sujet. A trois jours de l’audition de Rodolphe Saadé par la commission d’enquête sur la TNT à l’Assemblée ça fait une mauvaise publicité ».
Interrogation pour la suite
Les journalistes s’interrogent sur l’avenir, balancent entre scepticisme et besoin d’être rassurés. « On a une grosse attente d’une clarification de la situation au regard de ce qui s’est passé et qui est totalement inédit. On a besoin d’être rassurés » confie Emmanuelle Fabre de l’édition Alpes . Un autre journaliste estime que «la suite est compliquée. Il y a beaucoup de choses qui s’imbriquent dans cette histoire, la politique, le journalisme ».
Un communiqué aux lecteurs
Les journalistes ont obtenu de pouvoir adresser leur communiqué aux lecteurs dans l’édition du jour. Les discussions sur la charte d’indépendance et de déontologie, qui était en cours de rédaction, devraient reprendre. « Il faudra ajouter des éléments pour qu’elle soit modifiée au regard des événements du week-end » indique Audrey Letellier à l’assistance après une première réunion avec la direction.
Reportage Joël BARCY
