Publié le 26 juin 2020 à 20h52 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h51
Dans «Les damnés » mis en scène dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes d’Avignon, par Ivo van Hove (disponible en DVD), d’après le scénario de Luchino Visconti, Nicola Badalucco et Enrico Medioli ayant servi de base au film éponyme, Christophe Montenez y est impressionnant de force, de sensibilité douloureuse, faisant de son personnage un mélange de fragilité et de terreur barbare. Incarnant Martin von Essenbeck, il reprend sur scène le rôle tenu dans le film par Helmut Berger (notons que la voix française de l’acteur est celle du metteur en scène Bernard Murat). Fils maléfique, pris dans un double engrenage familial et nazi, Martin rappelle par bien des égards cette phrase de Simenon que l’on trouve dans « Maigret tend un piège » : « D’autres naissent avec un titre, une fortune, des domestiques, un appareil de confort, et de luxe autour d’eux. Vous êtes né avec une mère qui vous tient lieu de tout cela». On ne saurait mieux dire et Christophe Montenez l’illustre avec une maestria inoubliable. On l’a vu aussi dans «Le petit maître corrigé» et on l’entend aujourd’hui dans l’enregistrement en intégralité -pour «Écoutez lire» des éditions Gallimard- de «Fahrenheit 451» de Ray Bradbury. Rencontre avec Christophe Montenez, fascinant acteur de la Comédie-Française qui va bientôt tourner avec Denis Podalydès et Valeria Bruni Tedeschi dans le film de Charline Bourgeois-Tacquet intitulé «Les Amours d’Anaïs».
Destimed : Aviez-vous vu le film «Les damnés» avant de jouer Martin von Essenbeck?
Christophe Montenez : Justement pas. A la demande du metteur en scène Ivo van Hove je me suis abstenu de visionner le film. Il tenait à ce que l’on entre dans la pièce vierge de tout préjugés, images, et jeux des comédiens de Visconti. Du coup j’ai travaillé avec ce que proposaient le texte et la direction d’Ivo. Ce fut un travail rapide, précis, une sorte de rouleau compresseur. J’ai aimé cette manière d’être mis en scène, d’être toujours tourné vers l’avant. Avec l’idée de montrer que mon personnage est à la fois pervers et possède au fond de lui une part enfantine. Et puis porter avec force un projet de troupe dans un récit où se mêlent destins privés et grande Histoire.
Qu’avez-vous retiré de ce travail avec Ivo van Hove ?
Tout d’abord le bonheur de rencontrer un grand metteur en scène à l’intelligence assez rare, et de travailler avec lui comme s’il était un chef d’orchestre placé à la tête d’une équipe très soudée. Tout était fait en même temps, des décors aux costumes en passant par la lumière et le son, et ce côté artisanal fut envoûtant. cela désacralisait quelque chose, embarquait chacun dans un même mouvement collectif. Un bonheur de tous les instants.
Qu’est ce que pour vous une grande pièce ? Et un grand metteur en scène ?
Une grande pièce c’est, celle qui va me toucher, me parler. C’est celle qui me rassure, et m’assure que d’autres pensent comme moi. Quant à savoir ce qu’est un grand metteur en scène c’est, tel Clément Hervieu-Léger -avec qui j’ai aimé travailler- celui qui ne met jamais l’acteur en difficulté. En cela c’est un disciple de Chéreau. J’ai été également impressionné par Ivo van Hove et Thomas Ostermeier qui m’ont dirigé.Trois génies en fait.
Vous venez d’enregistrer votre premier livre-audio «Fahrenheit 451» de Ray Bradbury. Comment en êtes-vous arrivé à cette expérience et connaissiez vous ce livre avant de l’avoir lu pour ce CD ?
Les éditions Gallimard m’ont proposé d’enregistrer un livre en intégralité, comme à certains de mes collègues du Français. On avait choisi pour moi «Fahrenheit 451» que je ne connaissais pas et qui raconte le périple de Montag un pompier pyromane qui se met à rêver d’un monde différent. J’avais vaguement une idée de l’histoire par le film de Truffaut, et du coup ce fut une vraie découverte.
Comment s’est déroulé l’enregistrement et que pensez-vous de ce livre ?
Précisons tout d’abord qu’enregistrer en intégralité un livre est un exercice difficile. La concentration doit être extrême, avec des séances studio de trois à quatre heures par jour. J’ai eu le sentiment d’être en apnée, c’est comme une hyper ventilation, et on ne sait plus trop où l’on va. Quant à Bradbury je dirai que c’est un auteur complexe, qui construit dans Fahrenheit des phrases larges, longues, complexes. J’ai trouvé passionnant de changer de voix, il y a dans ce livre un aspect lourd et dur qui m’a séduit. On sort de là épuisé mais comblé avec l’impression de s’être attaqué à un monument. J’ai aimé ce genre d’œuvre, où là encore la grande Histoire et les destins privés s’entrecroisent. Il y a aussi de l’espoir dans le dénouement. On se sauve finalement par les livres. Un beau message non ?
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
«Fahrenheit 451» de Ray Bradbury. Lu par Christophe Montenez chez Gallimard dans la Collection Écoutez lire.
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