Le journaliste Jean-Benoît Vion a décidé d’écrire à tous les candidats aux municipales de Marseille. A tout seigneur, tout honneur, il a ouvert cette rubrique épistolaire par une missive adressée au sénateur-maire UMP Jean-Claude Gaudin , puis au député-maire socialiste du 1er secteur Patrick Mennucci . Ce lundi sa lettre est destinée à Stéphane Ravier, tête de liste du Front National.
Destimed
Cher monsieur Stéphane Ravier,
Puis-je me permettre de vous envoyer cette courte missive en ce début d’année 2014. Vous partez au combat pour une bataille délicate et rude. Vous êtes tête de liste du Front National pour les élections municipales de la ville où vous êtes né.
Je commence cette lettre par une faute grave. Il ne faut plus dire FN mais Bleu Marine. Il paraît que ce nouveau sigle est plus rassurant, plus doux.
Vous êtes un enfant fidèle du Font National. Dès l’âge de 16 ans, vous avez rejoint les troupes de Jean Marie Le Pen. Vous avez toujours été proche du père fondateur et n’avez jamais trahi ses idées même les plus radicales.
Je constate que vous êtes un leader politique marseillais totalement inconnu du grand public, même dans votre secteur, les 13e et 14e arrondissements. Lorsque l’on demande: qui est Stéphane Ravier ? Personne ne donne la bonne réponse, la majorité hausse les épaules. Si l’on explique aux passants que vous êtes le patron du FN dans les Bouches-du-Rhône, ils s’exclament : « Ah oui ! C’est bien mais je ne connais pas sa tête. Mais, ce que je sais, c’est que je vais voter pour eux pour la première fois… » Il est vrai que vous êtes étouffé par vos deux chefs: Marine et Florian, la première est la fille de son père, le second Phillipot est un énarque qui tente d’expliquer, de manière habile, le Front National « new look ».
Je ne sais pas si vous êtes croyant mais vous devriez brûler un cierge chaque semaine à Notre-Dame de la Garde.
Messieurs Hollande, Ayrault et tous leurs ministres, dont la majorité est encore inconnue après 19 mois de pouvoir, sont du pain béni pour vous et vos amis. Je ne parle pas des impôts et des nouvelles taxes tombées du ciel chaque semaine, ni des directives européennes qui paralysent un peu plus chaque jour notre pays. Je n’ose espérer que vous vous réjouissez des « couacs » des membres du gouvernement qui donnent quelque argument supplémentaire à vos futurs électeurs. J’oublie bien sûr l’affaire Dieudonné que vos voisins de Château-Gombert ne connaissaient pas avant les déclarations du ministre de l’Intérieur Manuel Vals. Dieudonné dont la fille a un parrain célèbre, votre maître, un certain Jean-Marie Le Pen.
Seulement voilà, dénoncer la politique du gouvernement, l’Europe et ceux que vous baptisez l’UMPS ne suffit pas. Le « tous pourris », n’est pas un programme. Votre politique, c’est de heurter, il suffit de lire vos affiches. L’une d’entre-elles dit: « Passe racailles dans nos quartiers. Pas de quartiers pour les racailles. » Il est vrai que vous avez le sens de la formule. Vous surnommez Jean-Claude Gaudin : « Docteur morphine » car, selon vous, « il fait croire que tout va bien ». Quant à Patrick Mennucci vous l’accusez « d’être né dans les serres de Guérini, avec clientélisme à tous les étages.»
Le 4 décembre dernier, dans le grand journal de Canal plus, vous avez déclaré avec une voix d’enfant qui s’excuse devant son institutrice après une bêtise: « Il n’y a pas de racisme à Marseille ». Et d’ajouter : « Si le racisme était si développé à Marseille on pourrait assister à un départ massif des étrangers. Or, ils viennent s’y installer massivement, ce qui prouve qu’il n’y a pas de racisme ou de mauvais accueil à Marseille.»
Vos proches ont dû se gausser, rire de ce bon mot malicieux. Mais je tiens à vous dire, monsieur Ravier, que ce discours est faible et ne représente pas un projet pour Marseille, cette ville que vous aimez tant. Je n’ai d’ailleurs lu aucun projet venant de votre parti qui propose une idée originale pour diminuer le chômage et améliorer le mieux- être de nos enfants dans nos écoles ou nos collèges.
Cher Monsieur, vous avez également un petit souci avec les musulmans et les arabes. Vous répétez souvent que l’islam « serait un problème» : « Je ne dis pas que tous les musulmans sont des extrémistes, mais c’est une religion qui a du mal à se fondre dans la République», précisez-vous.
Vous êtes jeune, 44 ans, peut-être n’avez-vous pas encore lu l’histoire de Marseille, 2600 ans de passions, de guerres, de haines mais aussi de chaleur et d’amour…
Peut-être, allez-vous réaliser un score conséquent sur Marseille lors de ces prochaines municipales. Alors, n’oubliez pas de respecter cette 2e ville de France qui est la plus cosmopolite d’Europe.
Respectueusement Vôtre
Jean-Benoît VION