Publié le 2 mars 2014 à 23h08 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h19
La 2e édition des Rencontres d’Averroès « Moultaka Ibn Rùchd » va se dérouler à Beyrouth, du 3 au 5 mars 2014 autour du thème : Liban, carrefour des échanges culturels, dynamisme ou dépendance ?
Abdo Nawar (*) propose avec Ricardo Mbarkho les rendez-vous artistiques des Rencontres, il présente cette deuxième édition.
Il revient en premier lieu ce que représente pour lui Averroès. «Ibn Rūchd, ou Averroès, est un symbole d’ouverture et de modération dans un monde où le fanatisme surgit aussi vite que les mauvaises herbes… Juriste et philosophe arabo- andalou, né à Cordoue et mort à Marrakech en 1198, Ibn Rūchd est la figure qui symbolise la pensée rationnelle dans l’islam médiéval. Ce fut l’un des grands initiateurs de la philosophie d’Aristote dans la pensée européenne, un passeur magistral entre les cultures du monde méditerranéen. Il est pourtant quasiment oublié des populations arabes en termes historiques et philosophiques alors qu’il est admiré en Europe».
Les Rencontres qui portent son nom à Marseille, créées en 1994 par Thierry Fabre, produites et organisées par l’Espaceculture-Marseille, proposent depuis plus de vingt ans de penser la Méditerranée des deux rives en organisant la controverse autour de trois tables rondes. Conçues comme un moment de partage de la connaissance entre des spécialistes et ceux qui ne le sont pas, elles connaissent un succès public chaque année plus important.
Pourquoi à Beyrouth?
Puis d’expliquer l’importance qu’il y a à organiser une telle manifestation à Beyrouth : «C’est la ville des débats incessants, notamment entre les politiciens et les autres. Elle ne réussit pourtant pas à établir une seule discussion profonde entre différents points de vue sur les sujets de société concernant l’ensemble des citoyens et leurs enfants.
Or, après des décennies de stabilité politique forcée et de peuples arabes endormis, soudainement, les révolutions se lèvent dans le monde arabe et une vague de discours et de débats attribuent la réussite aux révolutions numériques… Il fallait questionner cette hypothèse. C’est pourquoi, nous avons organisé en octobre 2012 à titre d’essai, deux premières tables rondes publiques autour des révolutions numériques et des révolutions arabes. À la lecture des contributions des intervenants, chercheurs, artistes et praticiens libanais et étrangers, plus d’une année après, on mesure mieux l’intérêt de ces échanges, ils nous permettent non seulement de mettre des mots sur des phénomènes ou des événements qui brouillent les repères établis, mais ils nous offrent le recul nécessaire à la compréhension du changement. D’autant que les événements s’enchaînent rapidement, relayés en temps réel par les média qui laissent peu de place à la réflexion».
Fort de cette première expérience, SHAMS (*) persiste dans ce projet et, avec ses partenaires, souhaite organiser régulièrement des tables rondes pour installer le dialogue Nord-Sud et Est-Ouest, «sous l’égide de ce grand penseur persécuté par sa communauté, en but au fanatisme religieux de son époque, mais qui a ouvert des voies de sagesse, de philosophie et de connaissance dans le monde méditerranéen».
Abdo Nawar précise à ce sujet : «Au Liban, le nom Ibn Rūchd est très familier, mais il est mal connu par la plupart des gens, sauf par une minorité d’intellectuels. Il est donc important de faire connaître sa pensée, de diffuser son souffle d’ouverture à la pensée humaine et sa compréhension religieuse. Les Rencontres Ibn Rūchd de Beyrouth veulent établir une plateforme durable qui questionne sérieusement les diverses problématiques de la société libanaise, voire arabe, sans oublier son ancrage méditerranéen».
Ainsi, les rencontres 2014 examineront les mécanismes d’échange culturel et leur influence dans une société qui ne cesse de questionner son identité.
(*) Le mot arabe » SHAMS » qui signifie » soleil » est composé de trois lettres : Sh , M , S , qui sont les initiales des mots arabes Shabab ( = Jeunes ), Masrah ( = Théâtre ), Sinamâ ( = Cinéma ) SHAMS est une Association Culturelle Libanaise indépendante créée en janvier 1999 par de jeunes artistes libanais réunis autour du metteur en scène Roger Assaf.
Abdo Nawar
Artiste, curateur et enseignant, Abdo Nawar est actif sur la scène artistique au Liban depuis 1982. Abdo Nawar a mis en scène plusieurs pièces et a réalisé plusieurs documentaires et courts métrages. Il a administré et a dirigé plus de 30 productions au sein de la compagnie Danse-Cité à Montréal (Canada) de 1990 à 1999. Depuis 2001, en plus des activités artistiques en audiovisuel et théâtre, il a fondé ICARE dédiée aux arts audiovisuels et au multimédia à Beyrouth. En parallèle, il gère l’association SHAMS. Il est chargée de cours à plusieurs universités libanaises (ALBA, NDU, Université Libanaise,…)
Le programme
Le programme des Moultaka Ibn Rùchd 2014 se décline sur trois journées de tables rondes qui s’accompagnent de rendez-vous artistiques proposés par Ricardo Mbarkho et Abdo Nawar.
Lundi 3 mars
-17h30 – A l’USJ, Campus des sciences humaines, Bâtiment A, Salle Joseph Zaarour (6eE) Les échanges culturels, vecteurs de développement ou néo colonisation?
1ère Table ronde, organisée par la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’USJ, coordonnée par Carla Eddé, historienne, Chef du Département d’Histoire, Université Saint-Joseph.
La Méditerranée, terrain de conflits incessants, peut-elle développer d’autres échanges possibles? En d’autres termes, peut-on dissocier échanges politiques et échanges culturels? Autant de questions sur lesquelles les intervenants seront invités à débattre.
Avec Christine Babikian Assaf (modératrice), doyenne de la faculté des lettres, Hassan Abbas, chercheur et professeur à l’Ifpo, Edmond Chidiac, professeur associé à l’USJ, spécialiste de l’histoire économique, France Irrmann, responsable du pôle évènements/Espaceculture_Marseille,
-20h – Au Tournesol, rond-point Tayyouneh, Beyrouth
Inauguration de l’exposition réunissant quatre installations multimédia
Garbagescape de Charbel Samuel Aoun, artiste pluridisciplinaire.
Taxidrivers de Marie-Thérèse Saliba, artiste plasticienne Grading the Lebanese Constitution de Ricardo Mbarkho, artiste vidéo et nouveaux médias. The stream of consciousness (has no time) de Ali Zreik, photographe, dessinateur, marionnettiste.
Mardi 4 mars
-17h30 – Au Tournesol, rond-point Tayyouneh, Beyrouth.
Échanges littéraires, circulation des idées, traduction et édition: guerre économique ou coopération éducative?
2e Table Ronde coordonnée par Roger Assaf, homme de théâtre, metteur en scène
La culture n’est pas réductible à une définition, elle désigne un ensemble d’habitudes, de connaissances, de croyances, transmises socialement (et non par héritage génétique). Elle désigne aussi l’ensemble des connaissances d’un individu, et cette culture acquise individuellement peut élargir et contribuer au développement de la «culture générale» propre à un groupe humain, ou bien être en conflit avec elle, remettre en question les acquis culturels et être à l’origine d’un «choc culturel», d’une «crise»…
Avec Roger Assaf (modérateur), homme de théâtre, metteur en scène, Salam Kawakibi, politologue, professeur associé à l’Université Paris 1, Maya Zbib, metteur en scène, comédienne, co-fondatrice de Zoukak,
Aurélien Zouki, chorégraphe, metteur en scène et comédien.
Mercredi 5 mars
-17h30 – Au Tournesol, rond-point Tayyouneh, Beyrouth.
Coopération culturelle: développement social ou aide humanitaire?
3e Table ronde coordonnée par Abdo Nawar, universitaire, réalisateur, directeur de Shams.
Jetons un regard vers l’avenir des échanges culturels et de la coopération internationale avec des jeunes artistes engagés dans le monde et des acteurs culturels expérimentés! Cette table ronde tentera de redéfinir le rapport entre les enjeux culturels, économiques et éthiques, à l’intérieur des projets conduits et les logiques institutionnelles qui les contraignent. Quels sont les principes qui
aujourd’hui permettent de coopérer en Méditerranée sur la durée en jetant les bases de la société de demain? Quelles sont les dynamiques qu’il faudrait privilégier?
Avec Claudine Dussollier (modératrice), géographe, éditrice, RAMI/TransversCité,
Charbel Aoun, artiste plasticien, Antoine Boulad, poète, président de Assabil, les amis des bibliothèques publiques, Julien Boutros, comédien et metteur en scène
-20h30 – Concert -Au Tournesol, rond-point Tayyouneh, Beyrouth.
Yvonne el Hachem offrira à sa façon, un concert intimiste, mélangeant chansons arabes de sa composition, et grands classiques de la chanson française, Aznavour, Brel, etc…