Publié le 13 février 2015 à 21h11 - Dernière mise à jour le 1 décembre 2022 à 15h35
«La liberté de la presse suscite des passions et attise les tensions», déclare Amer Oumalou*, président de l’Union de la presse francophone (UPF) Algérie en répondant à notre confrère Mounir Abbi du quotidien « Le Temps d’Algérie » en revenant sur les attentats du 11 février 1996 à la Maison de la Presse à Alger et ceux du 7 janvier dans les locaux de « Charlie Hebdo » à Paris.
Le Temps d’Algérie: Les professionnels peuvent-ils, à eux seuls, arriver à une définition de la liberté de la presse acceptable pour la société ?
Amer Oumalou: La liberté de la presse a été arrachée de haute lutte dans le monde entier. Les journalistes connaissent par conséquent le poids des mots, la portée de ces derniers et l’impact qu’ils peuvent avoir. C’est ainsi que les professionnels des médias ont la capacité et la responsabilité de constater, d’interpréter, de dénoncer et s’opposer. Toutefois si ce regard particulier sur le monde qui nous entoure est rendu possible par les conditions d’exercice de la profession, il convient de comprendre l’environnement dans lequel les professionnels des médias s’expriment. En 2000, par exemple, lors des assises de la presse à Alger organisées sous l’égide de l’Union de la Presse Francophone, nous avions lancé une série de concertations et de débats pour échanger sur les différents points de vue en matière de déontologie de la presse et d’éthique du journalisme en particulier. Hélas les conclusions de ce travail laborieux et de grande ampleur n’ont pas été pris en considération par les pouvoirs publics de l’époque, laissant en friche la possibilité de résoudre, de manière durable, les entraves et éventuelles ambigüités qui demeurent encore dans l’espace médiatique global.
Tout attentat terroriste, comme celui ayant ciblé Charlie Hebdo ne peut être justifié et il est à condamner sans aucune ambiguïté. Cependant, la liberté d’expression justifie-t-elle les attaques contre les croyances religieuses des autres ?
La question de la liberté de la presse, elle n’a jamais pu être débattue dans une discussion franche et directe entre les acteurs publics et médiatiques dont la vision s’oppose. Par ailleurs, si la liberté d’expression est un principe consacré, il n’est pas logique de s’appuyer sur cet acquis pour heurter les sensibilités de certaines communautés tout au moins une communauté dont les appuis politiques sont plus faibles et ont donc plus de difficultés à faire reconnaitre leurs sensibilités religieuses et autres repères idéologiques auprès des autorités des États occidentaux. Aucun attentat terroriste, aucune violence n’est justifiable contre une communauté sous prétexte que ses croyances s’appuient sur des préceptes différents de la culture laïque qui se veut être le propre de la majorité des États occidentaux. C’est aussi cela l’éthique journalistique.
Où s’arrête la liberté d’expression et où commence la responsabilité professionnelle des médias?
A l’heure actuelle, personne ne peut répondre à cette question dans la mesure où la responsabilité professionnelle des médias n’a fait l’objet d’aucune quantification précise ni de définition balisée. Les médias ont le devoir d’informer en toute objectivité. L’exercice des fonctions des journalistes doit rester à l’écart des considérations partisanes et des courants politique. Il y a aussi la possibilité de susciter des réactions en mettant en lumière des thèmes peu abordés dans la société sur lesquels personne n’ose se pencher. Néanmoins le bon sens qui rejoint la déontologie et l’éthique voudrait que les réflexions globales découlant de ces investigations journalistiques ne se fassent pas au détriment d’une partie de la population, d’une ethnie, d’une minorité sans créer de discriminations.
La presse mondiale est-elle arrivée aujourd’hui à un consensus sur la définition de la liberté de la presse?
La presse mondiale est unanime quant au bon exercice de ses missions d’information du grand public et solidaire envers les autres acteurs de la corporation qui évoquent les difficultés dans leur quotidien professionnel. Toutefois la presse mondiale devrait se concerter avec plus d’intensité sur des sujets sensibles dont l’écho auprès des populations peut s’avérer variable et hétérogène où un certain ressentiment peut être éprouvé, ouvrant la voie à de mauvaises interprétations, voire même des troubles.
*Amer Oumalou est journaliste et écrivain. Il est depuis de nombreuses années à la tête de L’UPF (Union des Journalistes francophones) section Algérie qui regroupe plus de 400 journalistes tous médias confondus adhérents de l’Union internationale de la presse francophone. A ce titre il est aussi Président International de l’UPF Maghreb .En tant que journaliste il a dirigé à plusieurs reprises différentes rédactions de journaux indépendants en langue française en tant que rédacteur en chef après avoir été reporter photographe de terrain souvent à l’étranger. En dehors de ses éditos dans plusieurs journaux francophones, il dirige et gère la publication du site de l’UPF Algérie et se consacre actuellement à l’écriture. Sa dernière publication «le muguet ensanglanté» traite des événements du 8 mai 1945 est en ligne sur son site.