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La loi de décentralisation : La bataille de la Métropole Aix Marseille Provence

La loi de décentralisation a donné lieu à une formidable joute parlementaire entre les pro et les anti-Métropole. Ces derniers ont accusé le gouvernement de déni de démocratie en faisant passer le texte au forceps. Au grand dam des opposants, c’est à une forte majorité que le texte a été adopté au Sénat. Ils veulent désormais porter leur combat à l’Assemblée nationale. Pour les tenants du projet l’avenir ne se construira pas sans intérêts communs et partagés, générateurs de paix sociale et de prospérité, ce qu’apporterait le dispositif des Métropoles.

Une formidable joute parlementaire
La loi de décentralisation a donné lieu à une formidable joute parlementaire avec au centre de toutes les attentions, la Métropole devant intégrer la 2e ville de France, Marseille, et les communes avoisinantes. L’enjeu est de taille, il s’agit rien de moins que de repenser l’organisation territoriale française souvent comparée à un « mille-feuille » dans lequel on rajoute toujours plus de couches sans jamais rien y retrancher. Pour les concepteurs du projet cela devrait permettre une plus grande synergie des moyens et des compétences autour des grandes agglomérations urbaines pour que la France puisse être plus compétitive face à la globalisation et à la crise économique mondiale, sous peine de voir le ciel s’assombrir encore plus.
1er acte au Sénat : Oui à une large majorité !
Initialement, le gouvernement avait transmis au Conseil d’État un avant-projet de loi qui fut par la suite redécoupé en trois parties. La première, intitulée « Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des Métropoles » a été examiné de mai à juin au Sénat. Sous cette forme, le texte a provoqué une immense levée de boucliers et les opposants étaient venus en nombre pour appuyer leurs revendications. Ainsi, c’est plus de 500 amendements en commission et 900 en séance qui ont été examinés modifiant en profondeur le projet de loi qui a finalement été adopté par une large majorité de 182 voix pour, seulement 38 voix contre et 125 abstentions.
2e acte : Et maintenant l’Assemblée nationale
Afin d’entendre les différents points de vue, Olivier Dussopt (PS), le Rapporteur du projet pour l’Assemblée nationale, vient d’organiser une table ronde qui a rassemblé « les pro- et les anti-Métropole Aix-Marseille-Provence ». Il y avait là des maires, des Présidents d’intercommunalités, des députés et des sénateurs, en majorité des opposants au texte. Malgré un appel au débat, le ton a été très vite donné par une passe d’arme musclée. Maryse Joissains, maire UMP d’Aix-en-Provence, et fer de lance de l’opposition, s’en est violemment pris à Patrick Mennucci, député-maire PS du 1er secteur de Marseille. Cette réunion n’étant pas publique, je ne peux rapporter les détails de ce qui a été abordé. En revanche, ce que je peux en dire, c’est qu’au final chacun a campé sur ses positions.
Entre passion et résistance au changement ?
C’est un sujet qui depuis sa genèse a déchaîné les passions, allant bien au-delà des clivages traditionnels Droite-Gauche. Ainsi, on a vu le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (UMP), adopter une ligne proche de celle développée par Patrick Mennucci. Et au sein de la famille socialiste, certains mécontents sont allés jusqu’à rendre leur carte, alors que d’autres pourtant en compétition pour les primaires citoyennes de Marseille, comme Eugène Caselli et Patrick Mennucci, ont parlé d’une seule voix pour défendre le projet. Bien que tous reconnaissent la nécessité d’une compétence commune sur certains points, tel le transport, il s’agit incontestablement de deux visons inconciliables. D’un côté, les tenants d’une conception « remontant du territoire » témoignant d’une volonté de « protéger une culture ancienne du terroir », qui a peur de se voir absorber et disparaître au profit d’une suprastructure impersonnelle et artificielle. Et de l’autre une « approche d’ensemble pour faire face aux défis de la globalisation », ce qui appelle une rénovation de fond de l’organisation avec plus de mutualisation et de solidarité. Les premiers qui ne veulent pas être réduits à l’état de « maires de secteurs de Marseille », préféreraient donner du temps au temps pour bien intégrer les tenants et les aboutissants et pour apprendre à travailler ensemble. Alors que les seconds voient là une manœuvre dilatoire, afin d’enterrer le projet, raillant le fait que « pour la première fois, les opposants, grâce à la Métropole, ont appris à travailler de concerts et à se mettre enfin d’accord sur un objectif commun ».
La contestation, la voix du peuple ?
Bien que tous reconnaissent ce que pourrait apporter à la région le fait que la cité phocéenne devienne une « capitale de la Méditerranée », en termes d’emplois et de compétitivité, les opposants contestent la méthode leur imposant « d’être solidaire de Marseille pour sortir la ville de son marasme économique après 45 ans d’immobilisme », alors qu’à leur niveau « ils ont bien fait leur travail ». Les critiques vont également à l’État qui a mené depuis des années pour le Port une politique sans synergie réelle avec les collectivités. « Un port est une richesse pour toutes les villes qui ont la chance d’en avoir un, sauf pour Marseille ! C’est incompréhensible ». Aussi, 109 maires sur les 118 communes, ainsi que 8 présidents sur les 9 intercommunautés opposés au projet sont bien décidés à se faire entendre du Premier ministre Jean-Marc Ayrault lors de son déplacement à Marseille le 10 juillet. A l’image de Georges Cristiani, maire de Mimet, les membres de l’Union des maires appellent ainsi la population à se mobiliser et à manifester clairement leur mécontentement. Selon eux, « dès les prochaines municipales, les électeurs feront massivement entendre leur désapprobation contre un gouvernement qui a voulu imposer une loi au forceps ». Pourtant, à voir les résultats du vote au Sénat, il semble que la démocratie ait été pleinement exercée. Les opposants ont pu faire entendre leur voix par force d’amendements qui ont refondu le texte dans une mouture qui a été acceptée par une large majorité. Désormais la « bataille de l’Assemblée nationale » est lancée. L’avenir de la région mais également de la France est en train de se jouer. Car comme l’a dit récemment le Président de la République, François Hollande, lors de l’inauguration du Mucem (Musée National des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), il est illusoire de penser que dans le contexte actuel on puisse maintenir les choses en l’état. « Il ne peut y avoir des îlots de prospérité, au sein d’une majorité vivant dans la précarité. Marseille, ouvert sur la Méditerranée et sur le monde est une chance pour la France ».
Hagay SOBOL

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