Publié le 29 août 2014 à 18h49 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h08
Alors qu’un cessez-le-feu, sous médiation égyptienne vient d’être décrété entre Israël et le Hamas, un nouveau front menace de s’ouvrir au Nord avec les djihadistes syriens qui se sont emparés de la ville frontière de Quneitra.
Après 50 jours de combats et plusieurs cessez-le-feu, sous l’égide de la médiation égyptienne, non respectés par le Hamas, ce dernier a fini par accepter de faire taire les armes contre Israël. Chacun considère qu’il a gagné la confrontation. Les chefs de la milice islamiste que l’on n’a pas vu durant toute la durée des combats sortent de leurs bunkers, cachés dans les sous-sol des hôpitaux et autres édifices publics, pour fêter la «victoire» et promettre une réponse sanglante à ceux qui s’en prendraient à leur futur aéroport. De son côté le gouvernement israélien considère qu’il a infligé des pertes considérables au groupe djihadiste qui mettra 10 ans à s’en remettre en ayant évité le piège d’une opération terrestre d’envergure avec les pertes civiles et militaires inévitable que cela aurait entraîné.
Le Hamas, isolé et affaibli
Les coups portés au Hamas sont indéniables. Il a perdu, les principaux commandants de sa branche armée, ses tunnels stratégiques ainsi que la majorité de ses missiles à moyenne et longue portée. Le prix que ses dirigeants ont fait payer à la population civile de Gaza est exorbitant au regard de ces piètres résultats. La milice islamique a beau parader, elle n’a strictement rien obtenu de cette confrontation aussi inutile que tragique. Et ses opposants sont de plus en plus nombreux, ce qui s’est traduit par des exécutions sommaires, dont certaines publiques, de soi-disant collaborateurs de l’État Hébreu durant la dernière phase de la confrontation. Il est reproché au «mouvement de la résistance islamique» d’avoir provoqué la désolation à Gaza, d’être responsable de la mort des civils sans protections ou ayant servi de bouclier humains, alors que les miliciens étaient protégés dans leur réseau de tunnel courant dans toute la bande côtière. Et au niveau international, aujourd’hui, Il n’y a plus que le Qatar, l’Iran et la Turquie pour soutenir le Hamas.
Israël, une victoire en demi-teinte ?
Quant au premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahou, si l’on a tout d’abord loué son comportement mesuré, après les différentes ruptures de trêve du Hamas, on lui a par la suite reproché de n’avoir pas proposé un plan d’éradication des supplétifs de l’État Islamique à Gaza afin de restaurer définitivement le calme. En effet, plus de 70% de la population du pourtour de la bande côtière ont dû quitter leur habitation. Car c’est près de 5 000 roquettes, missiles et obus de mortier qui ont été tirés de Gaza en direction des villes israéliennes. L’échelon politique a préféré opter pour une guerre d’usure grâce à la protection apportée par le système anti-missile «Dôme de Fer». Ce qui semble donner une victoire en demi-teinte. Mais ce n’est qu’à l’usage que l’on constatera l’efficacité des décisions prises. C’est ainsi qu’il en a été de la 2e guerre du Liban où le gouvernement d’Ehud Olmert a été très critiqué, mais qui a été suivie d’un période de non-belligérance avec le Hezbollah qui dure encore à ce jour.
Israël au centre d’une large coalisation incluant les pays arabes sunnites modérés pour lutter contre le djihâd mondial
C’est surtout sur le plan diplomatique que les gains sont le plus importants. Tout d’abord, l’Europe dans un communiqué commun des 28 Ministres des Affaires étrangères de l’UE a reconnu que l’État Hébreu avait le droit de se défendre et a condamné dans les termes les plus fermes les tirs du Hamas sur la population civile israélienne. Ces attaques, en droit international, étant constitutives de crimes de guerre et contre l’humanité.
Ensuite, ce conflit qui s’inscrit non pas dans le cadre israélo-palestinien mais dans celui du djihad mondial, a permis la constitution d’une large coalition. Elle inclut principalement l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, les Émirats Arabes Unis et l’Autorité Palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas, seule représentante légitime du peuple palestinien. Bien qu’utilisant la rhétorique de la cause nationale palestinienne, les objectifs du Hamas sont les mêmes que ceux de l’État Islamique avec l’imposition de la Charia, la restauration du Califat et le djihad mondial. Il s’agit donc d’un des théâtres d’opération d’une guerre qui se joue sur plusieurs fronts et qui menace de faire disparaître les États arabes modérés de la région et Israël.
C’est cette coalition qui a fait en sorte de marginaliser la branche extérieure jusqu’au-boutiste du Hamas et le Qatar, son bailleur de fonds, permettant ainsi la cessation bilatérale des hostilités. Mais, pour que la trêve soit durable et définitive, il faut au moins deux conditions : la démilitarisation de Gaza et son retour sous administration de l’Autorité Palestinienne.
Enfin, on vient d’apprendre qu’une réunion secrète a eu lieu peu de temps avant le cessez-le-feu entre Mahmoud Abbas et Benjamin Netanyahou dont rien n’a filtré. Mais on imagine aisément qu’ils ont discuté de la suite, c’est-à-dire le processus politique qui devrait mener à la solution de deux États, Israël et la Palestine, vivant en paix dans des frontières sures et reconnues.
Menace d’un nouveau front dans le Nord
A peine le front sud stabilisé, un autre menace de s’ouvrir au nord. Des événements très préoccupants viennent de se produire. Tout d’abord, al-Nosra, un groupe djihadiste affilié à Al-Qaeda s’est emparé de la ville frontière de Quneïtra dans le Golan entre Israël et la Syrie. Au cours de l’attaque, 50 soldats philippins de l’ONU qui servaient de force d’interposition ont été enlevés par la milice islamique ultra-radicale. Et d’autre part, un nouvel affrontement, trois semaines après un sanglant épisode, a eu lieu à la frontière de la Syrie et du Liban entre djihadistes et l’armée du pays du Cèdre. Pour l’heure, on ne sait s’il s’agit de l’État Islamique ou d’un autre groupe.
Israël a évité jusqu’à présent de s’impliquer de manière directe dans le conflit syrien, se limitant officiellement à soigner les blessés civils et ceux des forces démocratiques opposées à Bachar el-Assad – l’Armée Syrienne Libre (ASL) -, à fournir des vivres et de la logistique. Devant le danger de déstabilisation régionale, Il se pourrait bien que l’État Hébreu soit contraint d’intervenir. En effet, l’armée libanaise fragilisée par des luttes confessionnelles pourrait bien imploser à brève échéance, entraînant avec elle le Liban tout entier. Avec d’un côté les chiites soutenant l’intervention du Hezbollah, la milice libanaise armée par Téhéran et combattant au côté de Damas. Et de l’autre côté les sunnites qui pourraient voir dans l’intervention des milices islamistes un moyen de chasser les alliés de Téhéran. Par réaction en chaîne, la Jordanie déjà très affaiblie par l’afflux massifs de réfugiés syriens, ne résisterait pas longtemps.
Garder intact sa liberté d’action face au double danger iranien et djihadiste sunnite
Vu le contexte explosif et imprévisible, on comprend aisément les réticences d’Israël à se lancer dans une opération terrestre à Gaza qui s’étalerait nécessairement sur une longue période. On comprend également, les raisons pour lesquelles s’est constituée cette alliance stratégique entre Israël et les pays arabes sunnites modérés. Ces pays tout comme l’État Hébreu ont les mêmes ennemis et courent un danger existentiel. Et Tsahal, est la seule force capable de s’opposer efficacement au double danger commun, l’Iran et les milices djihadistes sunnites. En ne rentrant pas à Gaza, «l’armée de défense d’Israël» garde intact sa capacité opérationnelle et sa liberté d’action. Et si une intervention militaire s’avérait nécessaire, elle serait conjointe dans le cadre d’une force régionale israélo-arabe. Aussi, après le dernier conflit à Gaza, le Proche et Moyen-Orient ne se divisent plus entre ceux qui accepte Israël et ceux qui le combattent, mais désormais entre les modérés et les extrémistes.