Publié le 6 mars 2015 à 12h59 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h42
Malgré la vive opposition de l’administration démocrate, le Premier ministre israélien a prononcé devant le Congrès américain à majorité Républicain, un discours où il a dénoncé avec véhémence le risque que représenterait pour le monde entier un Iran doté de l’arme nucléaire. Depuis, la plupart des éditoriaux dissèquent le contenu de son allocution avec des positions pour le moins contrastées, certains évoquant un discours historique, alors que d’autres n’y ont décelé rien de nouveau. Pourtant, il semble que ce n’est pas dans le contenu explicite des mots prononcés par Benjamin Netanyahou qu’il faut rechercher l’essentiel, mais plutôt dans ce qu’ils traduisent de la faiblesse du locataire actuel de la Maison Blanche et du manque de confiance qui lui est accordé aussi bien chez lui qu’à l’étranger.
Être présent ou ne pas être présent telle est la question ?
Si l’on peut considérer que Benjamin Netanyahou était dans son rôle de tout mettre en œuvre pour défendre son pays au nom d’une menace existentielle, on ne peut en dire autant de Barak Obama. En effet, comment ne pas être interpellé par le fait que le Président de la première puissance mondiale n’ait pu convaincre le Premier ministre d’un pays de seulement 8 millions d’habitants et dont la sécurité dépend en partie des USA. En outre, son absence lors de l’allocution est un autre aveu de faiblesse, préférant répondre par anticipation et par écran interposé lors d’une interview télévisée. Pourtant, cela aurait été d’une toute autre tenue si «l’homme le plus puissant de la planète» n’avait pas pratiqué la politique de la chaise vide et s’il avait répondu point par point.
Un président américain dirigeant seul et coupé des réalités ?
Les adversaires du Président américain critiquent sa politique pour le moins aventureuse, son absence de transparence dans la gestion des affaires internationales, et l’accusent d’affaiblir l’Amérique. Ainsi, au cours de ses deux mandats, il a pris une distance de plus en plus importante avec ses alliés traditionnels tels que l’Égypte, l’Arabie Saoudite ou Israël, pour se rapprocher de leurs plus farouches adversaires qui ne sont en rien des amis des États-Unis. Mais les incohérences ne s’arrêtent pas là. En effet, après avoir un temps soutenu les extrémistes sunnites, comme les Frères musulmans, Obama opère désormais un virage à 180 degrés en favorisant les groupes chiites et la politique hégémonique de l’Iran, ennemis jurés des premiers. En témoigne, le silence de Washington au sujet du récent coup d’État au Yémen fomenté par la milice chiite des Houtis, largement soutenue par Téhéran.
Concernant le programme nucléaire iranien controversé, les USA là aussi font cavalier seul et ne tiennent pas informés de leurs démarches les autres membres du «groupe des 5 + 1» pourtant sensés négocier conjointement. Les Européens s’en sont d’ailleurs ouverts à Israël et ont semble-t-il laissé «filtrer» des informations au grand dam de la Maison Blanche qui voulait tenir éloigné son «partenaire stratégique».
Un cercle de décision très fermé
Les Secrétaires d’État à la Défense qui se sont succédé auprès de l’actuel pensionnaire du Bureau Ovale ont souvent eu à se plaindre que des décisions essentielles étaient prises par un cercle très restreint autour du Président. De ce fait, il leur était quasiment impossible de faire entendre un autre point de vue. La politique de pivotement vers l’Asie-Pacifique, au détriment du Moyen-Orient, ainsi que le désir d’aboutir quel qu’en soit le prix à un accord sur le nucléaire iranien pour favoriser une possible alliance avec Téhéran dans la lutte contre Daesh, relèveraient de cet exercice solitaire du pouvoir aux conséquences hasardeuses.
Pour Netanyahou, une victoire à la Pyrrhus ?
Y-avait-il une autre approche que celle choisie par un Benjamin Netanyahou, en pleine campagne électorale, pour faire valoir son point de vue ? Cette question ne se pose plus désormais. Et malgré les ovations, nul aujourd’hui ne peut prédire si ce discours changera quoi que ce soit dans la décision de Barak Obama de conclure un «mauvais accord» avec la théocratie chiite et lui paver ainsi la route vers l’arme atomique. Mais il est à craindre que le Président américain ne veuille donner une leçon au dirigeant israélien en lui faisant payer très cher ce qu’il considère comme un affront. Vu la disposition d’esprit actuelle, il ne serait pas impossible que le véto américain fasse défaut à «son plus proche allié» lors d’une future résolution inamicale du conseil de sécurité, ou de s’autoriser des mesures plus désagréables encore.
Hommes politiques ou Hommes d’États ?
Suite à ce désaccord, il ne faudrait pas que des considérations personnelles prennent le pas sur des intérêts stratégiques. Car, cela pourrait avoir des conséquences encore plus désastreuses sur la stabilité déjà bien mise à mal du Proche et du Moyen-Orient, voire au-delà. La désunion des pays démocratiques dans leur lutte contre le terrorisme et l’islamisme radical favoriserait à coup sûr les desseins des ennemis du monde libre.
De véritables Hommes d’États, en particulier en période de crise, se doivent de dépasser les considérations personnelles. Diriger exige des qualités différentes de celles qui permettent de gagner une élection. Une vérité que tous les électeurs devraient méditer avant de glisser leur bulletin dans l’urne quel que soit le pays et le rendez-vous électoral !