Littérature. Sandrine Collette obtient le Prix Giono 2022 pour son roman ‘On était des loups’

Publié le 8 novembre 2022 à  18h47 - Dernière mise à  jour le 9 juin 2023 à  20h48

Pour «On était des loups », son roman publié chez Lattés, l’écrivaine Sandrine Collette vient d’obtenir le Prix Giono 2022 dont le jury est présidé par l’Aixoise Paule Constant.

Sandrine Collette, prix Giono 2022 pour son roman sur le deuil, la transmission, et la possible renaissance après la chute. (Photo Patrice Normand/Lattès)
Sandrine Collette, prix Giono 2022 pour son roman sur le deuil, la transmission, et la possible renaissance après la chute. (Photo Patrice Normand/Lattès)

C’est un livre qui appuie son intrigue dans une nature écrasante insensible à l’humain. Plus exactement dans une nature sauvage et des lieux jamais nommés (l’action pourrait de l’aveu même de l’auteure se dérouler dans les Appalaches, les monts Ozarks, ou encore l’Alaska en été). Liam qui n’aime pas voir le sang animal couler, chasse pour se nourrir. Chasse par nécessité. «Je n’ai pas le goût de la mort des bêtes», nous dit-il et nous présente en termes sobres, poignants, le drame qu’il vient de vivre. Un jour qu’il rentre des forêts montagneuses il découvre sa femme Ava morte, des empreintes d’ours à côté de son corps inerte. Sous celui-ci se trouve son fils Aru, vivant.

Considérant que ce monde de violence animale où l’homme est un loup pour l’homme, il décide de confier son enfant à d’autres. Plus facile à dire qu’à faire. Sue et Eddie ? Mike et Helen ? Josh et Anna qui sont autant des connaissances ? Oncle Tan et tante Jo qui ont une maison au bord de la ville pourraient devenir des hôtes accueillants. Cela n’ira pas de soi pour des raisons multiples que Liam nous invitera à découvrir le long d’un périple à dos de cheval. Homme plutôt taiseux qui n’est pas beaucoup allé à l’école et qui voulant toujours prendre de la hauteur déteste les plaines, préférant les reliefs et « «le paysage qui fait des surprises» , il souffre et ne se plaint guère.

Un hymne à la renaissance de soi

Il avance, calme et droit. D’une froide détermination à vouloir mettre son enfant à l’abri, affirmant qu’il en veut à son fils qui chevauchant dans son sillage est devenu un rival. Liam nous offre au passage une réflexion sur le hasard et la nécessité. «Il y a quelque chose qu’on ne prévoit pas, quelque chose qui semble impossible et puis ça arrive», dit-il. «Ces choses impossibles c’est une suite de coïncidences qui individuellement ne représentent aucun danger pourtant mises bout à bout ça fait une chaîne et à la fin il y a une catastrophe.» A la fois sombre et lumineux, tragique mais offrant un épilogue plutôt optimiste soutenant l’idée que pour les hommes de bonne volonté les choses finissent par être à leur place dans une harmonie reconstruite avec un vaste esprit de résilience. L’écriture de Sandrine Collette romancière qui pourfend l’idée de «bonne nature» épouse la seule pensée de Liam. Tout est vu par ses yeux, tout est raconté par sa voix bouleversante de chasseur-trappeur basique ressentant une absence d’instinct paternel. Peu de descriptions, pas de superflus, pas de gras que du muscle, «On était des loups» frappe par la puissance avec laquelle l’auteure met en scène la psychologie de son personnage central. Roman sur la transmission, qui faute de rapport précis au langage de la part de Liam, s’attache à décrire ses gestes, en bousculant la ponctuation, ce grand livre qui vient donc d’obtenir le Prix Giono est un hymne à la renaissance de soi au-delà des épreuves endurées.
Jean-Rémi BARLAND

[(lattes_copie.jpgLe Prix Jean Giono 2022 est attribué à Sandrine Collette pour son roman «On était des loup » paru chez Jean-Claude Lattés – 198 pages – 19,90 €. La lauréate se verra remettre un chèque d’un montant de 10 000 euros lors des journées des Écrivains du Sud qui se tiendront à Aix-en-Provence du 23 au 26 mars 2023.

Le Jury était composé de la Présidente Paule Constant de l’Académie Goncourt, Metin Arditi, Tahar Ben Jelloun de l’Académie Goncourt, David Foenkinos, Franz-Olivier Giesbert, Sylvie Giono, Robert Kopp, Emmanuelle Lambert, Vera Michalski, Marianne Payot et Étienne de Montety.)]

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