Publié le 1 mars 2022 à 8h30 - Dernière mise à jour le 15 novembre 2023 à 17h20
Dans cet ouvrage publié aux éditions Albin Michel, Sabrina Agresti-Roubache, productrice de films et de documentaires, évoque sa vie, du quartier populaire de Félix Pyat à Marseille à sa rencontre avec les Macron, son soutien à Emmanuel Macron, alors qu’il n’est crédité que de 6% des intentions de vote, son intervention lors du premier meeting de celui qui sera élu à la présidence de la République, ses engagements et sa réflexion politique.
On avouera aisément que le titre du livre de Sabrina Agresti-Roubache nous laisse dubitatif, pour tout dire on ne le kiffe pas, encore moins après l’avoir lu, parce qu’il révèle une jeune femme éprise de la France et, surtout, d’une France porteuse des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité et, donc, de laïcité. Un livre politique qui se lit avec plaisir – la chose est rare- nourri qu’il est de pensées, d’anecdotes, de coups de cœur et de coups de gueule qui mettent en exergue une OPNI (Objet Politique Non Identifié) qui a construit sa pensée au fil de son éducation, des valeurs familiales, ses expériences, ses rencontres…
«Je n’écris pas comme je parle, je décris comme je parle»
Un cheminement qui conduit Sabrina, après une rencontre lors d’un repas, à s’engager pour la première fois en politique en rejoignant Emmanuel Macron – alors qu’il n’était qu’à 6% dans les sondages. Que de chemin parcouru pour celle qui est né à Félix Pyat. «Un quartier populaire, de salariés à mon époque, qui a connu une paupérisation qui a entraîné une perte de repères et une démission parentale et, en disant cela, je ne les critique pas. Ils étaient cassés eux-mêmes et les gouvernements successifs n’ont pas apporté de réponses pertinentes». De cette jeunesse, de cette paupérisation, Sabrina garde une forte fibre sociale et un désaccord profond avec la gauche ainsi qu’une opposition absolue à l’extrême-droite ce qui va la conduire notamment à rejoindre Renaud Muselier lors des dernières élections régionales.
«Ce livre, décrit-elle, est celui d’une femme d’aujourd’hui qui a toujours refusé de baisser les bras. Je l’ai écrit seule, mon mari m’a seulement aidée à éviter les digressions, d’autres comme Dan Franck, m’ont obligé à pousser ma réflexion. Et, si je n’écris pas comme je parle, je décris comme je parle».
«Ça crie, ça claque les portes»
Elle raconte sa famille, sa maman qui est née à Salon, ville dans laquelle son père est arrivé en 1947 et où, enfant, Sabrina allait passer ses vacances. Son papa, militant FLN qui, une fois l’indépendance obtenue, décide de rejoindre la France, tant il est en désaccord avec ce que le FLN a fait du pouvoir.
Des parents aux fortes personnalités qui font de l’éducation, du travail, du respect des aînés, des enseignants, des valeurs fondatrices. Sabrina évoque aussi ses problèmes de santé, l’asthme chronique, qui la conduira enfant, jusqu’à l’hôpital et qui n’est certainement pas étranger à sa soif de vivre.
Elle parle d’une famille aimante dans laquelle les différentes branches, lorsqu’elles se retrouvent pour les fêtes, ont des idées qu’elles n’ont pas peur de défendre. Elle écrit: «ça crie, ça claque les portes, ça pleure même parfois mais nous restons une famille soudée». Des joutes verbales qui ouvrent les portes de la démocratie.
«Je déteste les idées que défend le Rassemblement national, pas ses électeurs»
Une chose est sûre, elle déteste «les idées que défend le Rassemblement national, pas ses électeurs». Pour elle: «Le RN, tout comme Zemmour, instrumentalise le mal-être et la peur des gens». Elle casse les codes que veulent imposer les Zemmour et Le Pen en écrivant que, en dehors du couscous que prépare sa maman, elle préfère la bouillabaisse; que sa famille a toujours fêté Noël, évoque un islam familial «spirituel, tout en pudeur». Apprécie: «Je suis né dans une famille très laïque». Elle écrit encore, concernant Notre-Dame de la Garde: «Ma grand mère adorée m’a appris, petite, qu’elle veille sur tous les Marseillais». Elle rend hommage à Marseille: «C’est la mixité, toutes ces cultures qui se mélangent depuis des centaines d’années. Ici les arbres généalogiques ressemblent à des publicités Benetton et son slogan, « United colors »».
«L’islamisme c’est la mort de l’islam»
Forte de son vécu, de l’approche familiale du religieux, elle considère: «Nous avons été trop tolérants avec l’intolérance». Dénonce: «L’islamisme c’est la mort de l’islam». Elle interroge: «Voulons-nous d’une société à l’anglaise ou à l’américaine, chaque quartier avec son ethnie, sa culture, sa religion? Certains en rêvent, pas moi».
«Le « je » domine l’espace public et privé»
De même, elle dénonce une société, «où tout se perçoit désormais avec la même émotion. Tout se vaut». Déplore: «Le « je » domine l’espace public et privé. Comme un petit dictateur insatisfait et jamais rassasié. J’existe, je passe avant tout le reste». Là où, pour elle, la question devrait-être de savoir: «Que puis-je faire pour mon pays? ». Elle précise immédiatement: «Je crois profondément au devoir d’assistance pour ceux qui n’ont pas les moyens financiers». Elle -qui a su, grâce à des rencontres et à force de travail attraper l’ascenseur social- juge qu’il est «en panne et ça arrange beaucoup de monde»; Alors, à ses yeux: «On a tout essayé sauf ce qui pourrait marcher».
«Comment peut-on accepter cette situation invraisemblable?»
Sabrina Agresti-Roubache ne sous-estime pas l’importance de la sécurité, parle des check-points dans les quartiers Nord : «Comment peut-on accepter cette situation invraisemblable?». Considère que ce phénomène de gangs conduit à ce que «pour des milliers de personnes la liberté n’existe plus…». Insiste sur l’importance de l’éducation, des enseignants: «Il faut qu’ils soient payés en conséquence. (…) Leur salaire doit être à la hauteur du respect que l’on accorde à la profession».
Un ouvrage optimiste qui permet de porter un autre regard sur la France et qui appelle à l’exercice de la citoyenneté.
Michel CAIRE
«Moi la France, je la kiffe» de Sabrina Agresti-Roubache paru aux Éditions Albin Michel – 17,90€