Publié le 4 août 2016 à  21h55 - DerniÚre mise à  jour le 1 décembre 2022 à  15h19
MĂȘme au mois d’aoĂ»t la Loi Travail fait parler d’elle. Le Conseil constitutionnel a validĂ© ce jeudi 4 aoĂ»t, la quasi totalitĂ© d’un texte contestĂ© par l’opposition de droite et Ă la gauche du Parti socialiste. Le Conseil a cependant censurĂ© cinq mesures secondaires : deux sur le fond, consacrĂ©es aux locaux syndicaux et au dialogue social dans les entreprises franchisĂ©es, et trois sur la forme.
Les Sages indiquent, dans un communiquĂ© : « Sur le fond, le Conseil constitutionnel s’est prononcĂ© sur les deux articles dont il Ă©tait saisi par les sĂ©nateurs et un des deux groupes de dĂ©putĂ©s requĂ©rants : l’article 27 et l’article 64.
L’article 27 Ă©nonce que les collectivitĂ©s territoriales ont la facultĂ© de mettre des locaux Ă la disposition d’organisations syndicales, Ă titre gratuit ou onĂ©reux. Il prĂ©voit un droit Ă indemnisation de l’organisation syndicale lorsque la collectivitĂ© territoriale lui retire la disposition de locaux dont elle avait bĂ©nĂ©ficiĂ© pendant plus de cinq ans sans lui proposer des locaux de substitution. Il n’y a pas lieu Ă indemnitĂ© si une convention Ă©crite conclue entre la collectivitĂ© et l’organisation syndicale le stipule expressĂ©ment.
Le Conseil constitutionnel a formulĂ© sur l’article 27 une rĂ©serve d’interprĂ©tation et procĂ©dĂ© Ă une censure partielle.
La rĂ©serve d’interprĂ©tation porte sur l’indemnitĂ© prĂ©vue qui ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe d’Ă©galitĂ© devant les charges publiques et le bon usage des deniers publics, excĂ©der le prĂ©judice subi Ă raison des conditions dans lesquelles il est mis fin Ă l’usage de ces locaux.
La censure partielle porte sur le paragraphe III de l’article 27 qui donne une portĂ©e rĂ©troactive Ă ses dispositions et permet qu’il s’applique aux conventions de mise Ă disposition en cours.
Dans la ligne de sa jurisprudence traditionnelle, le Conseil constitutionnel a, d’une part, jugĂ© que, faute d’ĂȘtre justifiĂ©e par un motif impĂ©rieux d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, l’application rĂ©troactive Ă des conventions ayant pris fin porte atteinte Ă la garantie des droits protĂ©gĂ©e par l’article 16 de la DĂ©claration de 1789.
D’autre part, les dispositions de l’article 27 ont pour effet d’obliger les collectivitĂ©s soit Ă proposer des locaux de substitution aux organisations syndicales, soit Ă leur verser une indemnitĂ©, sans que les collectivitĂ©s aient pu Ă©carter prĂ©alablement cette obligation par une stipulation contractuelle expresse. Le Conseil constitutionnel a jugĂ© que les dispositions du paragraphe III portent ainsi une atteinte disproportionnĂ©e au regard de l’objectif poursuivi qui est de rĂ©pondre aux difficultĂ©s rencontrĂ©es par des organisations syndicales bĂ©nĂ©ficiant de locaux mis Ă leur disposition avant la publication de la loi.
L’article 64 prĂ©voit, sous certaines conditions, la mise en place d’une instance de dialogue social, commune Ă l’ensemble du rĂ©seau, dans les rĂ©seaux d’exploitants d’au moins trois cents salariĂ©s en France qui sont liĂ©s par un contrat de franchise.
Le Conseil constitutionnel a jugĂ© que le lĂ©gislateur pouvait prĂ©voir la mise en place d’une telle instance de dialogue, dotĂ©e seulement d’un pouvoir de proposition, dans les rĂ©seaux de franchise car les caractĂ©ristiques des contrats de franchise conduisent Ă ce que l’encadrement des modalitĂ©s d’organisation et de fonctionnement des entreprises franchisĂ©es puisse avoir un impact sur les conditions de travail de leurs salariĂ©s.
Le Conseil constitutionnel a toutefois formulĂ© deux rĂ©serves d’interprĂ©tation sur l’article 64 et prononcĂ© une censure partielle.
Les rĂ©serves d’interprĂ©tation portent sur les deuxiĂšme et cinquiĂšme alinĂ©as de l’article 64. Le texte prĂ©voit que, Ă dĂ©faut d’accord pour mettre en place une instance de dialogue social, un dĂ©cret en Conseil d’Ătat dĂ©termine notamment les heures de dĂ©lĂ©gation accordĂ©es aux salariĂ©s des franchisĂ©s. Le Conseil constitutionnel a jugĂ©, d’une part, que le principe mĂȘme de l’accord mettant en place l’instance de dialogue social n’est pas contraire Ă la libertĂ© d’entreprendre sous rĂ©serve que les employeurs franchisĂ©s participent Ă cette nĂ©gociation et, d’autre part, que le lĂ©gislateur ne pouvait, sans mĂ©connaĂźtre l’Ă©tendue de sa compĂ©tence, prĂ©voir l’existence d’heures de dĂ©lĂ©gation spĂ©cifiques pour l’instance de dialogue crĂ©Ă©e sans encadrer le nombre de ces heures. Le dĂ©cret en Conseil d’Ătat prĂ©vu par la loi ne pourra donc pas ajouter des heures de dĂ©lĂ©gations supplĂ©mentaires Ă celles qui sont prĂ©vues par le droit commun.
La censure partielle de l’article 64 porte sur les dĂ©penses de fonctionnement de l’instance de dialogue social. Le Conseil constitutionnel a jugĂ© que, compte tenu de l’objectif poursuivi par le lĂ©gislateur, dont la portĂ©e ne peut qu’ĂȘtre limitĂ©e en raison de l’absence de communautĂ© de travail existant entre les salariĂ©s des franchisĂ©s, ces dispositions, qui imputent l’intĂ©gralitĂ© des dĂ©penses et des frais aux seuls franchiseurs, Ă l’exclusion des franchisĂ©s, portent une atteinte disproportionnĂ©e Ă la libertĂ© d’entreprendre. Le Conseil constitutionnel a, en consĂ©quence, dĂ©clarĂ© contraires Ă la Constitution les mots « ou, Ă dĂ©faut, par le franchiseur » figurant au sixiĂšme alinĂ©a de l’article 64.
Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, examinĂ© d’office plusieurs dispositions introduites dans la loi selon une procĂ©dure contraire Ă la Constitution (« cavaliers » ou « entonnoirs ») qu’il a censurĂ©es Ă ce titre.
Sont donc censurés :
– le paragraphe III de l’article 39 qui modifie les rĂšgles d’utilisation des ressources du fonds paritaire de sĂ©curisation des parcours professionnels ;
– l’article 62 qui pĂ©rennise au-delĂ du 31 dĂ©cembre 2016 la possibilitĂ© pour l’employeur d’assurer par dĂ©cision unilatĂ©rale la couverture complĂ©mentaire santĂ© de certains salariĂ©s par le versement d’une somme destinĂ©e Ă couvrir une partie de leurs cotisations Ă un contrat individuel ;
– l’article 65 qui permet Ă certaines entreprises de moins de cinquante salariĂ©s de dĂ©duire de leurs rĂ©sultats imposables une somme correspondant aux indemnitĂ©s susceptibles d’ĂȘtre ultĂ©rieurement dues Ă leurs salariĂ©s pour licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.
Enfin, il est Ă souligner que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcĂ© d’office sur la conformitĂ© Ă la Constitution des autres dispositions de la loi dont il n’Ă©tait pas saisi. Elles pourront, le cas Ă©chĂ©ant, faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalitĂ© ».